Par la prière et les conseils, le pasteur Paul Cissé, un ancien drogué, réussit à désintoxiquer des toxicomanes. Son centre de réhabilitation est proche de Kaotri, village situé en bordure de la lagune Ebrié derrière Adjouffou. Nord-Sud Quotidien leur a rendu visite.
Perdus dans l'héroïne ou la cocaïne, ils se sont retrouvés dans l'Evangile. Les pensionnaires du « Centre de réhabilitation » de Kaotri n'ont qu'un seul mot sur les lèvres : Christ. A peine conscients, à cause de la drogue, certains d'entre eux, venus à pied, ou en voiture, ont mis toute une journée pour parcourir la quinzaine de kilomètres qui sépare le centre de la route de Grand-Bassam. La piste sableuse qui y mène part du carrefour « Terre rouge » d'Adjouffou. Il vous faut un véhicule solide pour braver le sable et les branches sèches de cocotiers qui jonchent le chemin. Cet établissement n'est pas le seul du genre. Plusieurs organisations chrétiennes se sont spécialisées dans la réinsertion sociale des toxicomanes par la prière. Le centre de Kaotri est cependant un des plus célèbres, voire le plus recherché pour son efficacité. A vue d'œil il n'a rien d'extraordinaire. On se croirait devant un campement ordinaire de paysans. Le bâtiment principal est une baraque de trois petites pièces. Sur l'angle gauche de la cour, s'étend un hangar sous lequel pendent des moustiquaires. C'est un dortoir. Une autre baraque sert de cuisine.
Une histoire insolite
Quelques petits hangars disséminés à travers le site servent de lieu de repos aux internés pendant leur temps libre. Les rares moments de détente. Ici, et c'est certainement ce qui fait la force de ce centre, les journées sont chargées et essentiellement consacrées à des séances de prière et de recueillement. « Chaque jour, sauf le dimanche de culte, nous nous réveillons à 5h pour prier jusqu'à 7h. De 10h à midi, ce sont des enseignements bibliques ou des projections de films sur l'Evangile et son histoire, pour montrer en images aux enfants ce qu'ils entendent toujours. A 15h, nous faisons des exhortations réciproques. Chacun, avec sa Bible, donne une parole qui fait l'objet de questions et des commentaires. Le soir à 19h, nous faisons la prière de remerciement jusqu'à ce que le St Esprit nous arrête », explique Paul Cissé, le fondateur. Pasteur aujourd'hui, il a été à l'époque fumeur impénitent de drogue.
Après une longue hospitalisation au Centre hospitalier universitaire (Chu) de Treichville, les médecins ne lui donnaient plus assez de jours pour vivre quand un songe va interrompre cette descente aux enfers. « A cause de l'héroïne et de la cocaïne, mon poumon gauche était complètement abîmé. Et à l'hopital, on m'a demandé de rentrer au Sénégal (Il est originaire de ce pays) parce que mon poumon pouvait me lâcher à tout moment. Sur mon lit d'hôpital, j'ai fait un rêve dans lequel un jeune de 12 ans est venu me dire qu'il est Jésus de Nazareth. Je lui ai dit que je ne le connaissais pas. Il m'a répondu que je n'avais pas besoin de le connaître et qu'il est venu sauver le monde : Que tu sois musulman, chrétien ou bouddhiste, Dieu m'a donné l'onction de venir sauver le monde. Je suis venu vers toi pour que tu puisses guérir. Ils t'ont déclaré cliniquement mort, moi je te déclare cliniquement vivant… » Parti de l'hôpital à la recherche d'un soutien qu'il n'aura pas, le même personnage va se présenter à lui plusieurs fois, sans qu'il ne lui accorde assez d'importance. Sa maladie va s'aggraver et l'entraîner vers « l'Eglise des flambeaux » à Koumassi où il a été invité par une voix mystérieuse. Après 30 minutes d'une prière faite par les pasteurs du lieu de culte, il s'est senti bien dans sa peau « pour la première fois depuis des années. »
Une Bible...
Converti au christianisme il suit une formation pastorale pendant trois ans (lire demain l'intégralité de son interview) avant de se lancer dans la guérison des drogués. Il guérit également des maladies mentales liées à la consommation de la drogue. Avec l'aide de quelques amis, il crée le camp de prière en 2004. Plusieurs centaines de toxicomanes, des jeunes pour la plupart, y ont séjourné. Quand ils se sentent prêts à résister dorénavant à la tentation de la drogue, certains regagnent leur famille. D'autres choisissent de poursuivre leur vie sur place. C'est le cas de Diallo Moussa, un des « bras droits » du pasteur Cissé. Lorsque son maître ne peut pas se déplacer, c'est lui qu'il envoie faire ses courses en ville : « Depuis deux ans, je ne fume plus de drogue et je ne consomme plus d'alcool. La majorité des personnes qui se retrouvent dans ce centre se sont connues dans le ghetto (dans les fumoirs) à Adjamé, Marcory ou Koumassi. Aujourd'hui où nous avons choisi le Seigneur, nous savons qu'il y a certaines choses que Dieu n'aime pas. Si nous voulons faire uniquement ce qui nous plait, nous serons rejetés par lui. Nous sommes obligés de faire ce qu'il aime.» Quelques années plus tôt, ce jeune homme de la trentaine, était loin de faire un tel raisonnement. Seules ses doses journalières comptaient. Et pour en obtenir, il était prêt à tout : agressions, vols à main armée. Son gang va tomber un jour dans les filets de la police. Ses genoux sont criblés de balles, il est jugé et écroué à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca).
Sa peine purgée, il retrouve pleinement la liberté. La drogue aussi. Affaibli par les substances toxiques qu'il consommait, il tombe malade. Très malade. « Sous mon hangar, j'ai vu venir un jeune très amaigri marchant avec toutes sortes de difficultés », se souvient le pasteur Cissé. Traité et guéri, Diallo Moussa retourne dans les ghettos. Il tombe malade à nouveau et regagne Kaotri pour ne plus en retourner depuis deux ans. Les drogués arrivent généralement de plein gré. Ayant pris conscience de leur forte dépendance d'une pratique qui les conduit à la déchéance, ils décident de venir se faire conseiller. Le centre compte aujourd'hui une trentaine de pensionnaires dont quelques filles. Parmi elles, N'Guessan Joëlle, venue le 19 octobre 2007. Elle a été amenée dans la drogue par un ami qui dirigeait une société de la place. « Il me disait que c'était juste pour le plaisir. Il est parti en 2004 et j'ai rencontré d'autres personnes qui fumaient la drogue. Au fur et à mesure, mon organisme en avait besoin», se souvient-elle. Affaiblie, elle intègre une première structure religieuse qui ne lui apporte pas satisfaction. Un de ses proches va alors lui parler du centre de Kaotri : « Ici nous mettons l'accent sur les prières et les transformations morales. Nous disons aux jeunes de ne pas laisser la drogue parce qu'ils veulent faire plaisir à leurs parents, mais pour leur propre bien. Le changement provient de l'acceptation intérieure », indique le pasteur. L'admission n'est pas soumise à une condition financière. « Il suffit de vouloir accepter Jésus. Sinon, nous ne pouvons rien faire pour vous », prévient-il. Une contribution mensuelle de 20.000 Fcfa est néanmoins demandée à chaque famille pour la restauration et les soins cliniques. Les repas sont confectionnés dans le centre par un cuisinier. Il y a un petit déjeuner pour les malades. C'est la bouillie d'igname ou de riz. Certains possèdent des vivres apportées par leurs parents. Le camp ne sert pas de petit déjeuner.
...une nouvelle famille
Le déjeuner se compose généralement du riz gras accompagné de poisson. Les patients vivent en famille dans une parfaite complicité. Tous les travaux domestiques sont effectués par les hommes. La foi les a rendus humbles et galants. Toute relation sexuelle est formellement interdite entre les pensionnaires, sous peine d'être systématiquement exclus. « Avec les prières, ce sont des idées qui ne nous traversent jamais l'esprit », jure un des ex-drogués. Les soirs, pour se détendre, les garçons jouent parfois au football. Au centre, ils ont le droit de suivre des matchs à la télé. Notamment ceux de la Ligue des champions européenne. Une fois, en tentant de ramener un ballon tombé dans la lagune, un pensionnaire est mort noyé. C'est l'un des rares cas de décès. Un autre s'est produit récemment. Venu affaibli de la France, un pensionnaire est décédé de la tuberculose. Sa disparition a attristé ses camarades. Aujourd'hui une mauvaise nouvelle est source de consternation dans le campement. C'est l'imminence du déménagement du centre. Le propriétaire du site réclame son espace. Paul Cissé a dû trouver un autre terrain dans la même zone. Le calme offert par l'éloignement de la ville est indispensable à son travail, dit-il. Le nouveau centre sera bâti sur une parcelle de 5 ha située à 20 minutes de marche de l'ancien. C'est une ancienne palmeraie située toujours en bordure de lagune. Malgré le jeûne sec qu'ils observent ce vendredi, deux fidèles se chargent de la réhabilitation d'un vieux bâtiment qui va accueillir le groupe. Ce carême du vendredi est obligatoire pour les pensionnaires qui en ont la capacité physique. Faute de grands moyens, ils s’activent comme ils peuvent pour faire avancer les travaux.
Cissé Sindou
Perdus dans l'héroïne ou la cocaïne, ils se sont retrouvés dans l'Evangile. Les pensionnaires du « Centre de réhabilitation » de Kaotri n'ont qu'un seul mot sur les lèvres : Christ. A peine conscients, à cause de la drogue, certains d'entre eux, venus à pied, ou en voiture, ont mis toute une journée pour parcourir la quinzaine de kilomètres qui sépare le centre de la route de Grand-Bassam. La piste sableuse qui y mène part du carrefour « Terre rouge » d'Adjouffou. Il vous faut un véhicule solide pour braver le sable et les branches sèches de cocotiers qui jonchent le chemin. Cet établissement n'est pas le seul du genre. Plusieurs organisations chrétiennes se sont spécialisées dans la réinsertion sociale des toxicomanes par la prière. Le centre de Kaotri est cependant un des plus célèbres, voire le plus recherché pour son efficacité. A vue d'œil il n'a rien d'extraordinaire. On se croirait devant un campement ordinaire de paysans. Le bâtiment principal est une baraque de trois petites pièces. Sur l'angle gauche de la cour, s'étend un hangar sous lequel pendent des moustiquaires. C'est un dortoir. Une autre baraque sert de cuisine.
Une histoire insolite
Quelques petits hangars disséminés à travers le site servent de lieu de repos aux internés pendant leur temps libre. Les rares moments de détente. Ici, et c'est certainement ce qui fait la force de ce centre, les journées sont chargées et essentiellement consacrées à des séances de prière et de recueillement. « Chaque jour, sauf le dimanche de culte, nous nous réveillons à 5h pour prier jusqu'à 7h. De 10h à midi, ce sont des enseignements bibliques ou des projections de films sur l'Evangile et son histoire, pour montrer en images aux enfants ce qu'ils entendent toujours. A 15h, nous faisons des exhortations réciproques. Chacun, avec sa Bible, donne une parole qui fait l'objet de questions et des commentaires. Le soir à 19h, nous faisons la prière de remerciement jusqu'à ce que le St Esprit nous arrête », explique Paul Cissé, le fondateur. Pasteur aujourd'hui, il a été à l'époque fumeur impénitent de drogue.
Après une longue hospitalisation au Centre hospitalier universitaire (Chu) de Treichville, les médecins ne lui donnaient plus assez de jours pour vivre quand un songe va interrompre cette descente aux enfers. « A cause de l'héroïne et de la cocaïne, mon poumon gauche était complètement abîmé. Et à l'hopital, on m'a demandé de rentrer au Sénégal (Il est originaire de ce pays) parce que mon poumon pouvait me lâcher à tout moment. Sur mon lit d'hôpital, j'ai fait un rêve dans lequel un jeune de 12 ans est venu me dire qu'il est Jésus de Nazareth. Je lui ai dit que je ne le connaissais pas. Il m'a répondu que je n'avais pas besoin de le connaître et qu'il est venu sauver le monde : Que tu sois musulman, chrétien ou bouddhiste, Dieu m'a donné l'onction de venir sauver le monde. Je suis venu vers toi pour que tu puisses guérir. Ils t'ont déclaré cliniquement mort, moi je te déclare cliniquement vivant… » Parti de l'hôpital à la recherche d'un soutien qu'il n'aura pas, le même personnage va se présenter à lui plusieurs fois, sans qu'il ne lui accorde assez d'importance. Sa maladie va s'aggraver et l'entraîner vers « l'Eglise des flambeaux » à Koumassi où il a été invité par une voix mystérieuse. Après 30 minutes d'une prière faite par les pasteurs du lieu de culte, il s'est senti bien dans sa peau « pour la première fois depuis des années. »
Une Bible...
Converti au christianisme il suit une formation pastorale pendant trois ans (lire demain l'intégralité de son interview) avant de se lancer dans la guérison des drogués. Il guérit également des maladies mentales liées à la consommation de la drogue. Avec l'aide de quelques amis, il crée le camp de prière en 2004. Plusieurs centaines de toxicomanes, des jeunes pour la plupart, y ont séjourné. Quand ils se sentent prêts à résister dorénavant à la tentation de la drogue, certains regagnent leur famille. D'autres choisissent de poursuivre leur vie sur place. C'est le cas de Diallo Moussa, un des « bras droits » du pasteur Cissé. Lorsque son maître ne peut pas se déplacer, c'est lui qu'il envoie faire ses courses en ville : « Depuis deux ans, je ne fume plus de drogue et je ne consomme plus d'alcool. La majorité des personnes qui se retrouvent dans ce centre se sont connues dans le ghetto (dans les fumoirs) à Adjamé, Marcory ou Koumassi. Aujourd'hui où nous avons choisi le Seigneur, nous savons qu'il y a certaines choses que Dieu n'aime pas. Si nous voulons faire uniquement ce qui nous plait, nous serons rejetés par lui. Nous sommes obligés de faire ce qu'il aime.» Quelques années plus tôt, ce jeune homme de la trentaine, était loin de faire un tel raisonnement. Seules ses doses journalières comptaient. Et pour en obtenir, il était prêt à tout : agressions, vols à main armée. Son gang va tomber un jour dans les filets de la police. Ses genoux sont criblés de balles, il est jugé et écroué à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca).
Sa peine purgée, il retrouve pleinement la liberté. La drogue aussi. Affaibli par les substances toxiques qu'il consommait, il tombe malade. Très malade. « Sous mon hangar, j'ai vu venir un jeune très amaigri marchant avec toutes sortes de difficultés », se souvient le pasteur Cissé. Traité et guéri, Diallo Moussa retourne dans les ghettos. Il tombe malade à nouveau et regagne Kaotri pour ne plus en retourner depuis deux ans. Les drogués arrivent généralement de plein gré. Ayant pris conscience de leur forte dépendance d'une pratique qui les conduit à la déchéance, ils décident de venir se faire conseiller. Le centre compte aujourd'hui une trentaine de pensionnaires dont quelques filles. Parmi elles, N'Guessan Joëlle, venue le 19 octobre 2007. Elle a été amenée dans la drogue par un ami qui dirigeait une société de la place. « Il me disait que c'était juste pour le plaisir. Il est parti en 2004 et j'ai rencontré d'autres personnes qui fumaient la drogue. Au fur et à mesure, mon organisme en avait besoin», se souvient-elle. Affaiblie, elle intègre une première structure religieuse qui ne lui apporte pas satisfaction. Un de ses proches va alors lui parler du centre de Kaotri : « Ici nous mettons l'accent sur les prières et les transformations morales. Nous disons aux jeunes de ne pas laisser la drogue parce qu'ils veulent faire plaisir à leurs parents, mais pour leur propre bien. Le changement provient de l'acceptation intérieure », indique le pasteur. L'admission n'est pas soumise à une condition financière. « Il suffit de vouloir accepter Jésus. Sinon, nous ne pouvons rien faire pour vous », prévient-il. Une contribution mensuelle de 20.000 Fcfa est néanmoins demandée à chaque famille pour la restauration et les soins cliniques. Les repas sont confectionnés dans le centre par un cuisinier. Il y a un petit déjeuner pour les malades. C'est la bouillie d'igname ou de riz. Certains possèdent des vivres apportées par leurs parents. Le camp ne sert pas de petit déjeuner.
...une nouvelle famille
Le déjeuner se compose généralement du riz gras accompagné de poisson. Les patients vivent en famille dans une parfaite complicité. Tous les travaux domestiques sont effectués par les hommes. La foi les a rendus humbles et galants. Toute relation sexuelle est formellement interdite entre les pensionnaires, sous peine d'être systématiquement exclus. « Avec les prières, ce sont des idées qui ne nous traversent jamais l'esprit », jure un des ex-drogués. Les soirs, pour se détendre, les garçons jouent parfois au football. Au centre, ils ont le droit de suivre des matchs à la télé. Notamment ceux de la Ligue des champions européenne. Une fois, en tentant de ramener un ballon tombé dans la lagune, un pensionnaire est mort noyé. C'est l'un des rares cas de décès. Un autre s'est produit récemment. Venu affaibli de la France, un pensionnaire est décédé de la tuberculose. Sa disparition a attristé ses camarades. Aujourd'hui une mauvaise nouvelle est source de consternation dans le campement. C'est l'imminence du déménagement du centre. Le propriétaire du site réclame son espace. Paul Cissé a dû trouver un autre terrain dans la même zone. Le calme offert par l'éloignement de la ville est indispensable à son travail, dit-il. Le nouveau centre sera bâti sur une parcelle de 5 ha située à 20 minutes de marche de l'ancien. C'est une ancienne palmeraie située toujours en bordure de lagune. Malgré le jeûne sec qu'ils observent ce vendredi, deux fidèles se chargent de la réhabilitation d'un vieux bâtiment qui va accueillir le groupe. Ce carême du vendredi est obligatoire pour les pensionnaires qui en ont la capacité physique. Faute de grands moyens, ils s’activent comme ils peuvent pour faire avancer les travaux.
Cissé Sindou