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Société Publié le jeudi 23 avril 2009 | Nord-Sud

Pasteur Paul Cissé, (Ancien toxicomane) : "Comment je guéris les drogués sans médicament"

Ancien drogué et fondateur du Centre de réhabilitation des toxicomanes de Kaotri, le pasteur Paul Cissé réussit à éloigner des centaines jeunes de l'héroïne, de la cocaïne et du chanvre indien. Cet « Abbé Pierre national » devrait être reconnu et aidé par l'Etat, à travers la mission colossale qu'il accomplit, dans la réinsertion sociale des jeunes ivoiriens.


• D'où est venue l'idée de mettre en place un centre de réhabilitation de toxicomanes ?

Je suis moi-même un ancien drogué. J'ai fumé la drogue pendant 23 ans quand j'étais en France. Dans les autres pays comme le Sénégal, le Nigéria où je suis passé, j'étais toujours avec la cocaïne et l'héroïne que je fumais. A mon arrivée ici en Côte d'Ivoire, il est arrivé un moment où je suis tombé gravement malade. J'avais les poumons dans un mauvais état. Les médecins m'ont conseillé de rentrer au Sénégal vu que j'étais très malade. Et sur mon lit d'hôpital, j'ai fait un songe dans lequel j'ai vu un jeune-homme qui s'appelait Jésus-Christ. Il avait douze ans. Il est venu s'adresser à moi. Il m'a dit qu'il est Jésus de Nazareth. Je lui ai dit que je ne le connaissais pas. A peine a-t-il dit cela, qu'une voix de femme s'est fait entendre. Elle appela Jésus et lui demanda d'aller s'occuper des brebis. Jésus m'a donc demandé de l'attendre et il est parti.


• C'était en quelle année ?

C'était en 2001. Ensuite, ma maladie s'est aggravée (…). J'ai eu le reflexe de quitter l'endroit où j'étais pour aller voir un ami du nom de Léon Déles qui habitait près du cinéma Ouezzin à Koumassi. Son père lui avait laissé en héritage un immeuble. C'est un drogué aussi. Je me suis dit que si je mourais chez lui, il m'aurait enterré décemment. Mais à mon arrivée chez lui, il n'était pas là. J'ai attendu jusqu'à 20 heures. Puis je me suis endormi. Alors, la voix qui avait dit dans mon rêve « Jésus, tu es avec qui ? » s'est fait entendre encore. Elle m'a dit : « Lève-toi et sors de cette maison. » J'étais stupéfait et je me demandais ce qui se passait. Etait-ce la mort ? Car les médecins m'avaient donné trois jours pour vivre.


• Etait-ce une voix réelle ou une voix que seul vous entendiez ?

Une voix audible et forte comme le bruit du tonnerre que moi seul entendais. Entré dans l'église, je regarde autour de moi et j'aperçois des chaises et la décoration. J'ai eu peur et l'envie de sortir. Un jeune homme m'a rattrapé et m'a demandé de m'asseoir. Je lui ai dit que je voulais voir le pasteur. Il m'informe que celui-ci était à l'extérieur et me demande de lui laisser mon nom pour qu'il puisse lui signaler mon passage. Je lui ai répondu que le pasteur ne me connaissait pas et qu'il serait alors inutile de lui dire mon nom. Il m'a demandé pourquoi je le cherchais. Je lui ai indiqué que j'avais appris qu'à l'église on pouvait prier pour ma guérison. Il me fait remarquer que j'ai un accent sénégalais. Je lui dis que je suis originaire de ce pays. Il me demande si je suis musulman. Je réponds par l'affirmative. Et il s'interroge sur ce que je cherchais dans une église étant musulman. Et m'apprend que Jésus ne peut rien faire pour moi si je ne l'ai pas accepté. Je lui ai demandé de prier s'il le peut en lui disant que Jésus était mon ami. Je l'ai dit en me référant à mon rêve. Il m'a demandé de me mettre à genoux. Je l'ai fait, et il a souhaité que je me confesse d'abord. Quand j'ai commencé à parler, il m'a demandé d'attendre un moment en invitant les quatre femmes qui intercédaient de m'entourer. Ils se sont mis tous à prier pendant 30 minutes. J'ai tellement transpiré que mon habit s'est collé à mon corps. Et d'un coup, j'étais envahi par une force surnaturelle. Je me suis levé et j'ai commencé à danser avec eux sans rien comprendre. J'étais bien dans ma peau pour la première fois depuis toutes ces années durant lesquelles la maladie m'avait rongé. Je suis entré dans une transe de pleurs sans que personne ne puisse me consoler. Le pasteur est arrivé et m'a demandé de m'asseoir. Il s'est mis à prêcher en me disant que Jésus n'est pas venu pour un seul individu, mais pour toute l'humanité. Dans le Coran, il est écrit que Jésus est celui qui donnait la vie et qu'il est la parole de Dieu incarnée. Tout cela m'a paru comme un film. J'étais malade pendant plus de 7 ans. Je suis allé partout personne n'a pu rien faire pour moi. A l'église, en 30 mn, j'ai senti quelque chose que je n'avais pas sentie depuis des années. Pour moi, celui qui venait de me délivrer était celui qui allait me délivrer dans l'au-delà. Voilà comment j'ai donné ma vie à Jésus.


• Que s'est-il passé ensuite ?

J'ai été envoyé à Mondoukou (entre Grand-Bassam et Bonoua), dans un camp de prière. J'y ai passé 8 mois. La servante de Dieu, qui y était, avait une autre église à Kaotri, derrière Adjouffou, dans la commune de Port-Bouët. Elle a proposé au pasteur de m'y amener parce que je représentais un cas spécial dont la guérison devait prendre du temps. A Kaotri, j'ai trouvé trois pasteurs vraiment engagés dans la prière. Ils ne sont pas intéressés par l'argent et ne portent pas de cravate comme ceux qu'on voit en ville. Ce sont des jeunes qui ont détourné leur regard du monde, de l'argent et tout ce qui est matériel. C'est là que j'ai appris la parole de Dieu. J'ai passé un an quatre mois sur place.


• Comment s'est réalisée la création de votre centre ?

Après un an et quatre mois, je suis allé à l'école pastorale où j'ai passé trois ans. Etant là-bas, une nuit, pendant que je dormais, le Seigneur m'a présenté des enfants en songe. J'avais une Mercedes noire. J'ai mis ma veste sur l'épaule et m'apprêtais à sortir. Les enfants m'ont dit : Où-vas-tu papa ?


• C'était vos propres enfants ?

C'était des jeunes comme ceux que j'encadre aujourd'hui et qui m'appellent papa. Certains ont bloqué la portière de la voiture. D'autres sont montés sur le capot pour m'empêcher de partir sans eux. Le lendemain matin, je suis allé expliquer mon rêve au prophète Danon Israël. Il m'a dit que le Seigneur voulait que je fasse quelque chose dans la lutte contre la toxicomanie. Je ne savais pas par où commencer. J'ai pensé à un ami qui avait assisté à ma conversion. Je me suis rendu chez lui. Lorsque j'ai frappé à la porte, avant d'ouvrir, il a demandé qui était là. Je lui ai dit que c'était le pasteur Paul. Il s'est écrié : Eh Jonas, ça va ? Je lui ai répondu que je m'appelais Paul et non Jonas. Il me rétorque que je me comportais comme Jonas et que le Seigneur lui avait dit qu'au lieu d'aller appeler les jeunes pour les sauver, je passais mon temps à dormir.


• Qu'avez-vous fait ?

Je suis rentré à la maison, j'ai pris mes affaires. Au Vallon, j'ai rencontré une dame qui est une vieille connaissance. Elle m'a demandé où j'allais. Je lui ai expliqué mon projet. Elle a trouvé que c'était une bonne chose. Elle m'a amené chez elle et m'a remis une grosse enveloppe. Je me rends à Treichville pour acheter des vêtements afin de venir à Kaotri. Dès que j'arrive à Treichville, je rencontre un jeune homme qui fumait la drogue avec moi. Il me dit qu'il me cherchait depuis longtemps et m'a demandé de l'emmener où je partais. Je lui ai demandé s'il était prêt. Il a dit oui. Nous avons acheté quelques vêtements et nous sommes venus à Kaotri. Le lendemain matin, un couple de drogués m'ont trouvé sur place parce qu'ils avaient appris j'y étais arrivé. Voici comment j'ai commencé.


• Les avez-vous guéris ?

J'ai prié pour eux et ils ont commencé à se retrouver. D'autres jeunes drogués sont également venus. Un jour j'ai reçu une délégation d'Américains parce qu'ils avaient appris que des personnes en Côte d'Ivoire guérissaient des drogués de la cocaïne et de l'héroïne sans médicament. Ils en étaient surpris et voulaient en savoir davantage. En fait, c'est un des jeunes que j'avais traités qui est allé leur donner l'information aux Etats-Unis. Ils m'ont dit qu'ils étaient venus, pas pour me donner quoi que ce soit, mais, pour constater ce qu'ils avaient entendu. Ils m'ont encouragé à tenir bon parce que ma mission s'annonçait difficile à leurs yeux. Car, les jeunes que je devais recevoir peuvent être des anciens bandits, des prostituées, des gens qui ont connu toutes sortes de maux. Ils nous ont donné des vivres et sont partis. Plus tard, des Français sont venus. Parmi eux, il y avait un Antillais qui est un ancien drogué devenu pasteur. Il a pleuré ce jour-là. Aujourd'hui, j'ai une alliance avec toutes ces personnes. Ce sont elles qui ont pris la décision de créer un site web pour le camp.


• Comment vos parents ont-ils réagi à votre conversion au christianisme ?

Tous se sont plaints sauf un oncle qui est un grand marabout au Sénégal. Il m'a appelé pour me dire ceci : Si ta nouvelle foi te permet d'abandonner la drogue et d'être un homme correct, reste chrétien. Il m'a dit que Issa ou encore Jésus a été cité 3.000 fois dans le Coran et que c'est le deuxième prophète le plus cité dans le Coran. Ce qui compte, c'est ma relation avec Dieu.


• Comment fonctionne votre centre?

J'ai monté le projet avec l'aide d'une organisation religieuse dirigée par le prophète Eugène Kakou qui est en ce moment en France. Je parle souvent de lui parce que dès qu'il m'a entendu un jour en train de témoigner, il m'a dit : Tonton, je ne t'envie pas, mais, sache que Dieu t'aime. Il m'a dit qu'il faut un homme d'expérience qui est prêt à rejeter le monde pour aider ceux qui y sont encore. Nous étions installés dans un endroit abandonné que j'occupais provisoirement. Maintenant nous partons sur un site de 5 ha où il y a plusieurs bâtiments : le compartiment des garçons, un temple qui n'est pas achevé. Il y a quatre maisons dans les environs et nous projetons d'en construire d'autres. Ce site nous a été donné par le chef du village et la communauté villageoise de Kaotri. Je suis resté à côté d'eux pendant 6 ans. Ils ont été séduits par le travail que j'ai abattu. Et je tiens à les remercier pour ce geste d'encouragement.


• Les fumeurs de drogue aiment pourtant les endroits isolés. Le calme qui prévaut dans votre centre n'est-il pas source de tentation ?

Seuls ceux qui fument l'herbe peuvent essayer de tricher en étant ici. Ceux qui fument la cocaïne ou l'héroïne ne le peuvent pas. Parce que, normalement ils ne peuvent pas passer une minute sans en consommer lorsque le besoin se présente. L'isolement devient donc un avantage pour ceux-là qui sont les plus nombreux.


• Combien de drogués avez-vous déjà guéris ?

Je ne saurai vous le dire avec exactitude parce que je ne prends pas note. On me le reproche, mais, le Seigneur me défend.


• A combien de personnes peut-on les estimer ?

Des centaines. C'est une affaire de Dieu, elle n'a pas besoin de statistique.


• Quelle est la moyenne d'âge des pensionnaires ?

Ils ont entre 18 et 24 ans. Il y a aussi des personnes âgées.


• Qu'est-ce qui les amène généralement à la drogue ?

Souvent ils y viennent parce qu'ils sont abandonnés à eux-mêmes, ou parce qu'ils fréquentent des personnes qui fument déjà la drogue. La contamination est très rapide. Il suffit d'y goûter une fois et tu ne peux plus t'arrêter.


• Beaucoup de consommateurs de drogues sont issus de familles musulmanes. Vous leur imposez la foi chrétienne. N'est-ce pas un handicap pour votre mission ? Ne pouvez-vous pas les guérir tout en leur permettant de garder leur foi musulmane ?

Il faut reconnaître que cela constitue un blocage pour beaucoup. Mais certains parents, bien que musulmans sont prêts à me laisser traiter leurs enfants avec la foi en Jésus. Pourvu qu'il abandonne la drogue. Une fois, une dame est venue avec son fils sans savoir à l'avance que c'était un centre chrétien. Elle m'a demandé s'il était possible qu'il reste ici dans la mesure où il est musulman. Je lui ai dit que c'était possible. Le fond du problème est que la drogue est en train de faire des ravages dans la jeunesse ivoirienne. Et les conséquences, ce sont les agressions, le grand banditisme et la prostitution pour les jeunes filles.


• Un enfant qui est admis de cette manière et qui n'est pas censé avoir une foi réelle en Jésus peut-il guérir chez vous ?

On ne peut pas obliger quelqu'un à avoir la foi. Il faut laisser libre cours à son imagination et à sa volonté et s'appuyer sur ses forces. Il faut lui montrer qu'il y a l'amour. Et c'est cet amour que Jésus a utilisé pour guérir les malades et ressusciter les morts.


• Une fois guéri et reparti dans sa famille, le pensionnaire musulman peut-il retrouver sa religion d'origine ?

Cela possible. Mais, bien souvent ils restent chrétiens.


• Y a-t-il des conditions matérielles pour accéder au centre ?

Pas du tout. Mais puisque nous ne sommes pas subventionnés par un organisme particulier, il y a une contribution mensuelle que les parents payent. C'est la somme de 20.000 Fcfa. Mais seulement cinq ou six familles sont en contact avec nous. Puisque la plupart des pensionnaires ont été recueillis dans la rue : abandonnés.


• Comment faites-vous pour les prendre en charge avec de si maigres moyens ?

Après une semaine quand je constate qu'il n'y a pas d'issue pour le soutien, je vais à l'église. Nous sommes aidés par des églises sociales ou des fidèles décident d'être les parents des pensionnaires qui n'en n'ont pas et payent leur contribution.


• Quels sont vos besoins actuels ?

Nous prions le Seigneur pour qu'il nous apporte des dons. Qu'il envoie vers nous des personnes de bonne volonté qui vont nous aider à avoir des bâtiments décents, des moustiquaires, des matelas et des médicaments de première nécessité.

Interview réalisée par Cissé Sindou
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