Suite à des rumeurs selon lesquelles des sachets collectés dans des dépotoirs publics se retrouvaient sur les tables des vendeuses de légumes, dans les marchés, Nord-Sud a enquêté. Il ressort que ces plastiques retournent plutôt sous forme d`articles usinés dans les ménages.
Le dépotoir d`Akouédo-village accueille chaque jour des dizaines de personnes venues des quatre coins d`Abidjan. Ces visiteurs ne viennent pas y jeter des ordures Ils sont à la recherche des sachets plastiques usagers. Ils les récupèrent pour les « placer ». Ce jeudi matin, une vingtaine de personnes fouinent dans la décharge puante, quelquefois pieds nus. Sans gêne ou crainte aucune des maladies, ces « chercheurs » enfoncent leurs mains dans les détritus pour sortir des sachets. Puis, ils les regroupent en tas, avant de les emporter dans de gros sacs. Cet endroit est devenu une véritable « mine d`or ». De fait, c`est toute une filière qui se crée autour de la récupération de ces précieux sachets. Les pieds plongés dans les ordures et indifférent à tout, Mamadou Koné, est préoccupé à sortir ses « articles » malgré les mouches et la puanteur. Il est aidé dans sa tâche par son frère Karim. Autour d`eux, plusieurs personnes, hommes et femmes s`adonnent à la même occupation. Très tôt le matin, ces gens-là s`y rendent tous les jours de la semaine à la recherche des sachets récupérables. Et même aucune des conditions d`exercice qu`on ne peut détailler, par respect pour ces chercheurs, ne les répugne. Mamadou et son frère travaillent pour le compte d`un patron. « Notre travail consiste à ramasser les sachets plastiques. Nous sommes rémunérés en fonction du nombre de sacs de sachets que nous pouvons apporter (sac de 50 kg) », explique-t-il. En effet, plusieurs personnes font ce travail pour le compte d`employeurs. Deyneba Sawadogo, une fille de 22 ans, quitte la commune d`Attécoubé presque chaque matin aux environs de 7 heures pour se rendre à Akouédo-village.
L`argent dans les immondices
Ce jeudi, elle a amassé assez de sachets regroupés en plusieurs tas. Trois balles de sachets enveloppés sont regroupées. « Quand je viens très tôt, j`arrive à ramasser assez de sachets plastiques. Celui qui m`emploie n`aime pas les paresseux. Cette rigueur me convient parce que cela me permet de gagner assez d`argent », souligne-t-elle. A l`entendre, le sachet plastique récupérable nourrit son homme. «Le prix du kilogramme varie en fonction du type de sachets », déclare Barry, la quarantaine, qui est dans le métier depuis plusieurs années. Selon lui, les sachets utilisés pour vendre l`eau glacée (10 Fcfa l`unité) et les sachets noirs et bleus (25 ou 50 Fcfa l`unité) sont payés à bas prix. Soit 100 Fcfa le kg. Les grands sachets, ceux utilisés pour couvrir les marchandises ainsi que les sachets lourds, sont par contre prisés. Ils sont payés à 150 voire 200 Fcfa le kg.
«Par jour, je peux faire un tas de quatre à cinq balles de sachets et me retrouver avec 5.000 Fcfa ou bien 10.000 Fcfa », révèle Fatoumata Koné. Mathieu, lui, travaille à son propre compte. Il quitte Yopougon pour se retrouver au lieu de la fouille. « C`est ce que je fais comme métier, j`arrive à nourrir ma famille avec mes revenus. Cette activité ne me gène pas. Dès 8 heures je suis sur place, et je quitte Akouédo à 18 heures une fois que j`ai vendu tout mon stock de sachets. Je peux gagner jusqu`à 15.000 Fcfa minimum par jour. A la question de savoir si les odeurs et les risques de maladies ne les gênent pas, les opérateurs expliquent : « Nous sommes habitués. L`odeur ne nous dit plus rien ». Assetou Dembélé, une autre chercheuse, a sa philosophie : « On peut vivre dans un endroit propre, qui sent bon et mourir d`infection. Je crois à l`adage qui dit que les microbes ne tuent pas les Africains. Du moment où je gagne de l`argent pour nourrir mes enfants, c`est l`essentiel ».
Une fois les sachets regroupés, ils sont vendus à des sociétés industrielles. Parmi elles, Gig (Groupe industriel général) basé à la zone industrielle de Yopougon. Ces unités de transformation utilisent le plastique pour confectionner des seaux, des cuvettes ou des gobelets. C`est-à-dire un ensemble d`ustensiles ménagers utiles et nécessaires dans la maison.
Après la collecte à Akouedo, les sachets sont acheminés vers Yopougon, dans la forêt du Banco pour être lavés. Ici, c`est la deuxième étape. Un agent de la mairie d`Attécoubé, trouvé sur place, nous donne plus d`informations. « Nous distribuons les taxes aux femmes d`ici. Elles viennent très tôt pour laver les sachets venus d`Akouédo» indique-t-il. Des filles, le pagne attaché à la taille à mi-genou et foulard sur la tête, sont accroupies dans l`eau qui leur arrive aux chevilles. Elles lavent le « produit » sans précaution d`hygiène. Elles font ce boulot toute la semaine. Kady, 18 ans, plonge les sachets dans l`eau, les frotte et les ressort pour le séchage sur l`herbe. Chaque jour, elle vient en compagnie de ses amies pour la même besogne. « Je préfère cela au commerce. Car, par jour je peux avoir 2.000 Fcfa, ce qui me fait environ 14.000 Fcfa par semaine » révèle-t-elle. Ce matin, un camion vient de décharger des tonnes de sachets qui appartiennent à Salif. Il emploie des jeunes pour la récupération de sachets plastiques et des filles pour les laver. A peine le camionneur a fini de décharger la marchandise que les femmes se ruent là-dessus. Elles se disputent les sacs. Chacune veut avoir le plus de sachets possibles à laver. Salif, assis sous un arbre non loin, les surveille vigilant.
Une activité rentable
Approché, il explique son business. « Quand nous venons avec les sachets, nous sollicitons l`aide de ces jeunes filles pour les laver. Je leur fais le kilo à 50 Fcfa », confie-t-il. Après le lavage, il va vendre sa marchandise aux sociétés industrielles. Bien que moins communicatif sur ses gains mensuels, Salif reconnait que c`est une activité rentable. Les hommes ne restent pas en marge de cette « belle affaire ». Ils sont accroupis de même que les femmes, occupés à frotter les sachets pour les rendre propres. « Depuis mon arrivée d`Abengourou, je ne fais que ce métier. Il n`y a pas de travail. Cela me permet de me débrouiller un peu en attendant qu`une solution meilleure s`offre à moi », indique plein d`espoir Nestor. Près de lui, Cissé Lamine, un autre employeur, est en train d`attacher un lot de sachets propres. Il est pris par le temps car le camion de la société qui rachète sa marchandise va arriver d`un moment à l`autre. « Aujourd`hui la pluie n`est pas tombée. Je suis content parce que mes sachets vont être payés à bon prix. Les acheteurs ne vont pas me parler de deuxième choix » se satisfait-il. A ce qu`il parait, lorsque les sachets ne sont pas bien lavés et bien séchés, ils deviennent un produit de deuxième choix. Le kilo revient moins cher. Mais, quand ils sont « au top », le propriétaire en tire plus de profit. A cet effet, les collecteurs sont toujours tristes par les temps des pluies.
Dans cette filière huilée et réglée, il y a ceux qui collectent les sachets de porte-à-porte. On les rencontre généralement dans presque tous les marchés d`Abidjan ou devant les poubelles des habitations. Alima Touré, mère de famille de 32 ans a renoncé à la vente de « banane braisée » pour collecter les sachets. Ce vendredi, assise près d`un magasin de chaussures, elle attache le lot qu`elle a collectionné dans la journée. « La collecte des sachets est rentable. J`arrive à subvenir à mes besoins grâce à cela», soutient-elle. Ces opératrices sont en contact avec des grossistes qui leur rachètent leur stock. Une fois qu`elles ont amassé une quantité importante, elles les contactent pour la vendre. Mais ce n`est pas toujours facile. « Souvent, je me déplace avec mes sachets collectés jusqu`à la forêt du Banco pour pouvoir trouver un acheteur. Cela me revient un peu plus cher avec le transport », déplore Angèle, une ramasseuse qui travaille à son propre compte. Elle nourrit l`ambition de faire carrière dans cette activité. De fait, elle souhaite créer son « entreprise de récupération de sachets plastiques» et pouvoir traiter avec des opérateurs. « Si nous sommes bien organisés et si nous avons le soutien des autorités, nous n`aurons rien à envier aux bureaucrates », se soulage-t-elle.
S.S
Le dépotoir d`Akouédo-village accueille chaque jour des dizaines de personnes venues des quatre coins d`Abidjan. Ces visiteurs ne viennent pas y jeter des ordures Ils sont à la recherche des sachets plastiques usagers. Ils les récupèrent pour les « placer ». Ce jeudi matin, une vingtaine de personnes fouinent dans la décharge puante, quelquefois pieds nus. Sans gêne ou crainte aucune des maladies, ces « chercheurs » enfoncent leurs mains dans les détritus pour sortir des sachets. Puis, ils les regroupent en tas, avant de les emporter dans de gros sacs. Cet endroit est devenu une véritable « mine d`or ». De fait, c`est toute une filière qui se crée autour de la récupération de ces précieux sachets. Les pieds plongés dans les ordures et indifférent à tout, Mamadou Koné, est préoccupé à sortir ses « articles » malgré les mouches et la puanteur. Il est aidé dans sa tâche par son frère Karim. Autour d`eux, plusieurs personnes, hommes et femmes s`adonnent à la même occupation. Très tôt le matin, ces gens-là s`y rendent tous les jours de la semaine à la recherche des sachets récupérables. Et même aucune des conditions d`exercice qu`on ne peut détailler, par respect pour ces chercheurs, ne les répugne. Mamadou et son frère travaillent pour le compte d`un patron. « Notre travail consiste à ramasser les sachets plastiques. Nous sommes rémunérés en fonction du nombre de sacs de sachets que nous pouvons apporter (sac de 50 kg) », explique-t-il. En effet, plusieurs personnes font ce travail pour le compte d`employeurs. Deyneba Sawadogo, une fille de 22 ans, quitte la commune d`Attécoubé presque chaque matin aux environs de 7 heures pour se rendre à Akouédo-village.
L`argent dans les immondices
Ce jeudi, elle a amassé assez de sachets regroupés en plusieurs tas. Trois balles de sachets enveloppés sont regroupées. « Quand je viens très tôt, j`arrive à ramasser assez de sachets plastiques. Celui qui m`emploie n`aime pas les paresseux. Cette rigueur me convient parce que cela me permet de gagner assez d`argent », souligne-t-elle. A l`entendre, le sachet plastique récupérable nourrit son homme. «Le prix du kilogramme varie en fonction du type de sachets », déclare Barry, la quarantaine, qui est dans le métier depuis plusieurs années. Selon lui, les sachets utilisés pour vendre l`eau glacée (10 Fcfa l`unité) et les sachets noirs et bleus (25 ou 50 Fcfa l`unité) sont payés à bas prix. Soit 100 Fcfa le kg. Les grands sachets, ceux utilisés pour couvrir les marchandises ainsi que les sachets lourds, sont par contre prisés. Ils sont payés à 150 voire 200 Fcfa le kg.
«Par jour, je peux faire un tas de quatre à cinq balles de sachets et me retrouver avec 5.000 Fcfa ou bien 10.000 Fcfa », révèle Fatoumata Koné. Mathieu, lui, travaille à son propre compte. Il quitte Yopougon pour se retrouver au lieu de la fouille. « C`est ce que je fais comme métier, j`arrive à nourrir ma famille avec mes revenus. Cette activité ne me gène pas. Dès 8 heures je suis sur place, et je quitte Akouédo à 18 heures une fois que j`ai vendu tout mon stock de sachets. Je peux gagner jusqu`à 15.000 Fcfa minimum par jour. A la question de savoir si les odeurs et les risques de maladies ne les gênent pas, les opérateurs expliquent : « Nous sommes habitués. L`odeur ne nous dit plus rien ». Assetou Dembélé, une autre chercheuse, a sa philosophie : « On peut vivre dans un endroit propre, qui sent bon et mourir d`infection. Je crois à l`adage qui dit que les microbes ne tuent pas les Africains. Du moment où je gagne de l`argent pour nourrir mes enfants, c`est l`essentiel ».
Une fois les sachets regroupés, ils sont vendus à des sociétés industrielles. Parmi elles, Gig (Groupe industriel général) basé à la zone industrielle de Yopougon. Ces unités de transformation utilisent le plastique pour confectionner des seaux, des cuvettes ou des gobelets. C`est-à-dire un ensemble d`ustensiles ménagers utiles et nécessaires dans la maison.
Après la collecte à Akouedo, les sachets sont acheminés vers Yopougon, dans la forêt du Banco pour être lavés. Ici, c`est la deuxième étape. Un agent de la mairie d`Attécoubé, trouvé sur place, nous donne plus d`informations. « Nous distribuons les taxes aux femmes d`ici. Elles viennent très tôt pour laver les sachets venus d`Akouédo» indique-t-il. Des filles, le pagne attaché à la taille à mi-genou et foulard sur la tête, sont accroupies dans l`eau qui leur arrive aux chevilles. Elles lavent le « produit » sans précaution d`hygiène. Elles font ce boulot toute la semaine. Kady, 18 ans, plonge les sachets dans l`eau, les frotte et les ressort pour le séchage sur l`herbe. Chaque jour, elle vient en compagnie de ses amies pour la même besogne. « Je préfère cela au commerce. Car, par jour je peux avoir 2.000 Fcfa, ce qui me fait environ 14.000 Fcfa par semaine » révèle-t-elle. Ce matin, un camion vient de décharger des tonnes de sachets qui appartiennent à Salif. Il emploie des jeunes pour la récupération de sachets plastiques et des filles pour les laver. A peine le camionneur a fini de décharger la marchandise que les femmes se ruent là-dessus. Elles se disputent les sacs. Chacune veut avoir le plus de sachets possibles à laver. Salif, assis sous un arbre non loin, les surveille vigilant.
Une activité rentable
Approché, il explique son business. « Quand nous venons avec les sachets, nous sollicitons l`aide de ces jeunes filles pour les laver. Je leur fais le kilo à 50 Fcfa », confie-t-il. Après le lavage, il va vendre sa marchandise aux sociétés industrielles. Bien que moins communicatif sur ses gains mensuels, Salif reconnait que c`est une activité rentable. Les hommes ne restent pas en marge de cette « belle affaire ». Ils sont accroupis de même que les femmes, occupés à frotter les sachets pour les rendre propres. « Depuis mon arrivée d`Abengourou, je ne fais que ce métier. Il n`y a pas de travail. Cela me permet de me débrouiller un peu en attendant qu`une solution meilleure s`offre à moi », indique plein d`espoir Nestor. Près de lui, Cissé Lamine, un autre employeur, est en train d`attacher un lot de sachets propres. Il est pris par le temps car le camion de la société qui rachète sa marchandise va arriver d`un moment à l`autre. « Aujourd`hui la pluie n`est pas tombée. Je suis content parce que mes sachets vont être payés à bon prix. Les acheteurs ne vont pas me parler de deuxième choix » se satisfait-il. A ce qu`il parait, lorsque les sachets ne sont pas bien lavés et bien séchés, ils deviennent un produit de deuxième choix. Le kilo revient moins cher. Mais, quand ils sont « au top », le propriétaire en tire plus de profit. A cet effet, les collecteurs sont toujours tristes par les temps des pluies.
Dans cette filière huilée et réglée, il y a ceux qui collectent les sachets de porte-à-porte. On les rencontre généralement dans presque tous les marchés d`Abidjan ou devant les poubelles des habitations. Alima Touré, mère de famille de 32 ans a renoncé à la vente de « banane braisée » pour collecter les sachets. Ce vendredi, assise près d`un magasin de chaussures, elle attache le lot qu`elle a collectionné dans la journée. « La collecte des sachets est rentable. J`arrive à subvenir à mes besoins grâce à cela», soutient-elle. Ces opératrices sont en contact avec des grossistes qui leur rachètent leur stock. Une fois qu`elles ont amassé une quantité importante, elles les contactent pour la vendre. Mais ce n`est pas toujours facile. « Souvent, je me déplace avec mes sachets collectés jusqu`à la forêt du Banco pour pouvoir trouver un acheteur. Cela me revient un peu plus cher avec le transport », déplore Angèle, une ramasseuse qui travaille à son propre compte. Elle nourrit l`ambition de faire carrière dans cette activité. De fait, elle souhaite créer son « entreprise de récupération de sachets plastiques» et pouvoir traiter avec des opérateurs. « Si nous sommes bien organisés et si nous avons le soutien des autorités, nous n`aurons rien à envier aux bureaucrates », se soulage-t-elle.
S.S