Le constat n'est pas nouveau, mais assez pertinent pour interpeller les autorités sur le problème. Les conditions de détention des prisonniers dans les prisons et dans nos commissariats sont passées à l'alerte rouge. Une étude réalisée par le Mouvement ivoirien des droits humains (Midh), grâce au financement du National endowment for democraty (Ned), vient de le démontrer. La situation dans les maisons de détention est inquiète. 17 prisons ont été visitées par les enquêteurs sur les 33 que compte le pays. 15 en zone gouvernementale et 2 en zone CNO. Ces prisons révèlent en premier lieu un problème de surpeuplement. 11.603 détenus dont 5.040 pour la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca) qui a une capacité de 4000 places. Le rapport mentionne également que des jeunes filles mères dans les prisons de Toumodi, d'Aboisso et d'Abidjan gardent leurs enfants pendant leur détention. L'alimentation a aussi retenu l'attention. « Sur l'ensemble des maisons d'arrêt et de correction, la ration alimentaire par détenu varie de 120 à 140 Fcfa par jour, soit l'équivalent d'un repas à base de bouillie de maïs non trié », a indiqué hier Me Doumbia Yacouba, premier vice-président du Midh, lors de la présentation du rapport au siège de la structure. En général, précise l'étude, il ressort que les rations alimentaires sont pauvres, insuffisantes et invariables. La cuisson des aliments est faite dans des conditions précaires d'insalubrité. Les mineurs sont soumis aux mêmes rations alimentaires que les adultes. « Cela, en violation de l'article 33 du décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d'exécution des peines privatives de liberté », précise l'étude. Ce qui constitue en soi un problème pour la santé des prisonniers. Ceux-ci n'ont pas accès aux soins. Les prisons n'ont pas le plus souvent d'infirmiers d'Etat. Quand elles en ont, ces derniers ne sont pas dotés de matériels et de médicaments adéquats. Me Doumbia Yacouba note que dans certaines prisons, ce sont les prisonniers qui font office de soigneurs. Il ajoute que les cellules ne sont pas désinfectées. L'hygiène est calamiteuse dans ces cachots. Les toilettes ne sont pas vidées. La situation dans les commissariats n'est pas meilleure. Sur un ensemble de 23 commissariats et de 12 brigades de gendarmerie visités, les mêmes problèmes ont été soulevés. Les violons où les gardés à vue passent leur séjour, sont loin de respecter les normes. Les toilettes manquent d'eau tantôt d'entretien et de salubrité. « Les gardés à vue se trouvent en promiscuité dans les cellules sans éclairage », affirme Me Doumbia Yacouba. Ces cellules sont très souvent infectes et nauséabondes. Aucun suivi médical. Cela montre « le non respect des droits élémentaires dont bénéficient les gardés à vue en violation des prescriptions du code de procédure pénal ivoirien », mentionne le rapport. Parmi ses recommandations, le Midh demande à l'Etat de revoir la politique carcérale afin de lutter contre l'engorgement des prisons. Selon la structure, les prisons sont bourrées par l'absence de grâce présidentielle et le manque de peine de substitution pour les mineurs. Il y a aussi le fait que de nombreuses personnes en détention préventive restent sans nouvelle de leurs dossiers pendant souvent 15 ans. Aussi, les détenus ayant relevé appel de leur décision de condamnation restent pour la plupart sans nouvelle de cette procédure.
Raphaël Tanoh
Raphaël Tanoh