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Société Publié le mercredi 13 mai 2009 | Le Nouveau Réveil

Mon carnet de la Maca - Le chef de poste n`est pas obligé… Mais nous tapons

La vie d'un prisonnier ne vaut rien… La vie d'un prisonnier, en détention préventive ou condamné, ne vaut pas dans ce pays, le prix d'un clou. Dans le milieu carcéral, la vie d'un être humain n'a aucune espèce de valeur. Quand on est en prison et qu'on est en bonne santé, tout va bien, malgré toutes les humiliations. Mais lorsqu'un malaise survient la nuit alors que toutes les cellules sont hermétiquement fermées de l'extérieur, les gardes pénitentiaires sont rentrés chez eux et le silence de la nuit s'installe, on réalise la précarité de la situation. Quand on est détenu à la MACA, il faut prier tous les jours pour ne pas avoir un malaise pendant la nuit. Car, le processus d'intervention en cas d'urgence relève à la fois de la plaisanterie de mauvais goût et de la non assistance à personne en danger. Plusieurs fois, des détenus pris de malaise sont décédés sans que personne ne vienne à leur secours. Au bâtiment des Assimilés où je me trouvais détenu, nous avons frôlé plusieurs fois la catastrophe. Monsieur Bamba, deux mois avant mon arrivée à la MACA, avait perdu la vie dans ce bâtiment en raison de la lenteur avec laquelle les gardes pénitentiaires interviennent en cas de danger. Pris d'un malaise aux environs de 21 heures, ce n'est qu'à 23 heures que ces derniers sont venus s'enquérir de son état avant d'informer le médecin qui réside hors de la prison. Et quand celui-ci est arrivé, il était trop tard. Ces codétenus avaient tapé en vain ! Taper ? Oui. Et le temps d'arriver fermée de l'extérieur est le seul moyen d'appeler du secours en cas d'urgence. A la tombée de la nuit, le garde pénitentiaire chargé du bâtiment arrive, compte les détenus pour s'assurer que tout le monde est présent et les ferme les unes après les autres. Cela fait, il dépose toutes les clés au greffe de la prison entre les mains du chef de poste désigné pour la garde de nuit, avant de rentrer chez lui. Donc, quand un détenu est pris d'un malaise la nuit, ce sont d'abord ses codétenus de la même cellule qui donnent l'alerte en tapant à la porte. C'est le seul moyen de communication. Par solidarité et sachant le sens de ce message, tous les autres détenus en font autant. Et nous tapons, nous tapons, nous tapons de toutes nos forces, avec des cuillères, avec des chaussures, avec toutes les choses même dérisoires qui peuvent permettre de faire du bruit afin d'informer le chef de poste endormi et qui n'est pas obligé d'entendre les bruits que nous faisons ou de se réveiller. Mais quand par miracle, il se réveille (plusieurs minutes après les premiers coups), il vient d'abord s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une manœuvre pour nous évader. Donc, il laisse les clés du bâtiment au greffe " Qu'est-ce qui se passe " ? Et les détenus qui sont enfermés au rez-de-chaussée doivent lui répondre. - Chef, il y a un malade, c'est urgent ! "Qu'est-ce qui me prouve que ce n'est pas une manœuvre pour vous évader " ? -Non, Chef ! On ne cherche pas à s'évader ! Il y a vraiment un malade ! " Dans quelle cellule se trouve le malade " ? -On ne sait pas chef ! C'est au premier ou au deuxième étage que se trouve le malade ! Et cela est vrai. Etant tous enfermés dans nos cellules respectives, il est impossible de savoir dans laquelle se trouve le malade. Nous tapons juste par réflexe. Une fois convaincu qu'il ne s'agit pas d'une manœuvre pour nous évader, le chef de poste retourne au greffe. De là, il joint au téléphone le médecin de la prison qui n'est pas obligé d'être chez lui à toute heure, pour le prévenir de la situation. Toute cette procédure peut prendre deux ou trois heures. Pendant ce temps, nous continuons de taper, de taper… Et quand le médecin arrive enfin, c'est juste pour constater l'état du malade. La pharmacie de la prison ne possédant aucun médicament digne de ce nom, le malade doit faire preuve de patience et attendre le lever du jour pour espérer une évacuation à ses propres frais dans un hôpital, après de longues formalités administratives. Entre la visite du médecin, le lever du jour et les formalités administratives, le malade a largement le temps de crever…Cela arrive très souvent dans les autres bâtiments où les détenus sont à 75 dans les cellules. Et le prisonnier qui a la chance de mourir pendant la nuit reste dans les bras de ses codétenus jusqu'à l'ouverture des cellules à 8 heures. Porté au dos, faute de brancard, il est conduit à la morgue de la MACA où se trouve toujours un cadavre emprisonné.

A Mercredi prochain !
Par ASSALE TIEMOKO (sosjusticeci@live.fr )
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