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Économie Publié le mercredi 20 mai 2009 | Le Nouveau Navire

Libre opinion - Remous sociaux, incarcération des barons du café-cacao, cybercriminalité : La Côte d’Ivoire en chute libre ?

« Quand le rythme du tam-tam change, les pas de danse changent également», dit un proverbe africain.

Depuis la crise armée de septembre 2002, la Côte d’Ivoire ne pèse plus de son poids dans la sous région ouest-africaine. Une situation qui donne l’impression qu’elle tient la palme de l’instabilité dans une Afrique tenue en laisse par la corruption, la cupidité, la cleptomanie et bien d’autres maux. Et les autorités ivoiriennes dans leur volonté de sortir le pays de l’ornière se heurtent à des problèmes sociaux, notamment les mauvaises conditions de vie des salariés. Les différentes grèves enregistrées jusque-là, illustrent bien la marche à reculons imposée au pays. Il s’agit entre autres des grognes des enseignants, des infirmiers, des agents de mairies pour ne citer que ceux là. Un cocktail de flou duquel le pays aura du mal à sortir si certaines personnes proches du palais font du mensonge leurs choux gras.


Les bombes à retardement

Au nombre des dossiers brûlants qui pourraient marquer les prochains jours l’actualité ivoirienne, il y a sans doute la plausible instabilité sur les plates- formes portuaires d’Abidjan et de San Pédro. En effet, malgré la signature du protocole d’accord entre le Sempa et les dockers le 10 mai dernier devant le ministre de l’Intérieur, la baisse de cadence des bateaux manutentionnés demeure au centre des préoccupations des opérateurs économiques. L’ensemble des dockers réclame la hausse de leurs taux horaires, qui est de 289 FCFA, l’heure travaillée. Tandis qu’ils sont payés sur la base du Smig qui est de 36786 FCFA en Côte d’Ivoire. Une situation qui annonce des moments difficiles pour l’économie ivoirienne dont les conséquences seront énormes pour les pays de l’hinterland. En effet, ces pays sans façade maritime, qui connaissent le ralentissement des chargements et des déchargements de leurs marchandises, ne sont pas à l’abri de la famine. Le Collectif national des dockers et dockers transits pour la défense de leurs droits (Cndd), par ailleurs représentant les délégués du personnel, semble ne plus maîtriser la corporation docker. L’on assiste de temps à autre à quelques petites échauffourées entre ces derniers. Toute chose qui empirerait la situation. Les personnes mal intentionnées tapies dans l’ombre, qui semblent pousser les dockers vers l’implosion, sont effleurées par le souci de créer une autre entreprise de gestion de dockers. Ce qui fait dire à certains observateurs que les perturbations sur les plates-formes portuaires de Côte d’Ivoire, seraient le masque derrière lequel se cachent ces personnes ténébreuses. Pour sûr, rien ne laisse présager un retour définitif du calme dans les ports ivoiriens. Ensuite, il y a le délicat dossier de détournement de fonds dans la filière café-cacao. Une filière, qui durant des années a attiré des hommes de toutes natures dont le seul souci était de satisfaire leurs intérêts personnels au détriment des paysans. Depuis le lancement de la moralisation de la vie publique, tous les barons de ladite filière se sont retrouvés derrières les vieilles geôles de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Une incarcération en masse qui a permis à cette prison d’avoir la fière allure du siège du binôme café-cacao. Près d’un an après, la procédure judiciaire suivra t-elle son cours normal ? Assurément pas pour maintenant, car la mort de l’auditeur Mabo Gobou le 6 février dernier à Gagnoa, dans des conditions non encore élucidées retardera les choses. En effet, la mort de ce dernier nommé par décret présidentiel afin d’enquêter sur les détournements de fonds dans ladite filière semble être un assassinat selon certains témoignages. Un meurtre qui met à nu l’existence d’une mafia dans la filière café-cacao en Côte d’Ivoire. Mabo Gobou aurait selon des indiscrétions découvert des preuves qui accablent des personnalités qui, officiellement, n’ont rien à voir avec l’agriculture. Selon des sources proches des enquêteurs, les indices de sa mort sont troublants. Par ailleurs, il semblerait que l’infortuné auditeur n’aurait pas une garde rapprochée pour assurer sa sécurité. Si cela s’avère, il serait alors judicieux de se demander si nos autorités nourrissent un véritable souci quant à la manifestation de la vérité dans ce dossier honteux. Reste à savoir si les documents en sa possession avant sa mort ont été gardés en lieu sûr. La suite des évènements nous situera. Et que dire de la Maca où les évasions à grande échelle sans qu’aucune responsabilité ne soit située font désormais partie du vécu quotidien des Ivoiriens. Ce pénitencier prévu pour « accueillir » 1500 personnes, compte près de 5200 pensionnaires. Une prison surpeuplée et insalubre dans laquelle les conditions de détention n’ont rien à envier à ceux des négriers qui transportaient les solides Africains vers le reste du monde. Ces pensionnaires hommes, femmes, mineurs, grands criminels et petits délinquants purgent leur peine, la peur au ventre dans le souci de ne pas être agressés, abusés sexuellement…Egalement, l’insécurité grandissante, avec la prolifération des armes de guerre utilisées pour des braquages est le signe patent que les forces de l’ordre sont dépassées par l’expansion du banditisme. Une autre forme d’insécurité qui bat son plein, c’est l’émergence de la cybercriminalité. En effet, les différents séminaires de formation à l’intention des policiers afin de lutter contre cette autre forme de banditisme des temps modernes sont loin de donner une réponse satisfaisante sur le terrain. Les escrocs sur internet sont sans nombre et opèrent en toute tranquillité sans pour autant être inquiétés. Le ministère des NTIC et l’Atci (Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire) semblent ne plus être interpellés par ce phénomène récurrent. Partant, il y a l’admission de la Côte d’Ivoire à l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). Une nouvelle qui a fait jubiler plus d’une personne. Tandis que pour certains cela est considéré comme une malédiction, une injure, une humiliation du peuple ivoirien. Mais avant tout, cela laisse découvrir le mensonge dont les Ivoiriens ont de tout temps été victimes. En effet, la Côte d’Ivoire qui selon certains spécialistes en économie était considérée comme un pays sous développé est revenue au point de départ. C’est la preuve indélébile que l’accession à l’indépendance de notre mère patrie a été mal négociée. C’est en tout 48 ans (La Côte d’Ivoire a eu son indépendance en 1960 : Ndlr) de fausse indépendance. Feu Félix Houphouët Boigny et Henri Konan Bédié n’ont fait que miser sur la cooptation avec la France. Laurent Gbagbo lui, semble se démarquer de cette tradition en diversifiant les partenaires économiques de la terre d’Eburnie. A cet effet, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Chine et la Russie font désormais partie de l’agenda des dirigeants du palais. Apparemment, c’est un bon coup à jouer. Mais dans le fond, la France demeure encore aux commandes des plus gros contrats tels que les marchés de l’eau et de l’électricité. Le fait que notre pays soit pauvre revient à dire que les échanges de nos dirigeants avec la France n’ont fait que satisfaire leurs désirs personnels, au détriment de la population affamée, voire désabusée. « Le miracle ivoirien » de 1970, symbole de la stabilité politique et économique du pays du Dieu d’Abijamu (Divinité régnant en Afrique au temps préhistorique) n’était qu’un mirage, puisqu’il s’est effondré plus vite qu’on ne le croyait. Le pays criblé de corruption, d’abus de pouvoir et autres travers n’est pas loin de l’implosion. L’apparition des rebelles qui occupent le nord et qui sont à la base du ralentissement du trafic (moins de 20% en 2008) entre les ports ivoiriens, notamment celui d’Abidjan et les pays de l’hinterland (Mali, Burkina, Niger) est là encore, un autre dossier dont la résolution dépend entièrement des premiers responsables du pays. Pour le citoyen lambda, toutes les issues à en découdre avec l’occupation abusive du pays suite à la tentative de coup d’Etat en septembre 2002, ont été touchées. Après avoir essayé de laver leurs linges sales à Marcoussis, à Lomé, Accra, puis chez le médiateur zoulou (Tabo MBéki, président de l’Afrique du Sud d’alors) et enfin à Ouagadougou au Faso voisin, les responsables ivoiriens semblent être à bout de souffle. Pendant ce temps l’économie est quasi inexistante, la Côte d’Ivoire est ménacée de disparaître comme du beurre au soleil sous le poids de la mal gérance. Sa tombe étant déjà creusée par ses propres enfants. Des signes patents d’un naufrage collectif qui s’annonce à l’horizon. Un vent impétueux qui pourrait tout ramener aux calendes grecques.


“L’impossible” retour à la normale

La population ivoirienne paye le plus lourd tribut de la mauvaise gouvernance des autorités qui se sont succédé au bord de la lagune Ebrié. Les faux-vrais jeux de ceux actuellement aux commandes à régler une bonne fois pour toute le problème du désarment des rebelles dans les zones dites « ex-assiégées » afin de redéployer l’administration est la preuve irréfutable de cet impossible retour à la normale, dont certaines personnes veulent faire croire. En effet, loin d’apaiser la colère des populations, les discours sans accompagnement d’actes concrets des autorités mettent les premières citées dans une situation perplexe. La corruption, la cupidité voire la course rapide à l’argent facile, la démagogie et autres travers tolérés par tous les pouvoirs à Abidjan est avant tout, le symptôme d’une classe intellectuelle hors-norme, apeurée et dépassée par le cours des évènements. Ces derniers en misant plus sur leur ventre démontrent ainsi les limites de leur argumentation à occuper certains postes à responsabilités dans ce pays. Les colloques et séminaires de réflexion sur les conditions de vie de la population sont encore des évènements pour eux, car ils bénéficieront de miettes de présence et d’indemnités de transports. Rien n’est gratuit, surtout quand il s’agit de l’intérêt du pays. Le dévouement à la nation, prôné par certains n’est qu’un patriotisme à forte odeur de billets de banque. Toute chose qui donne un goût ocre au pays du Dieu d’Abijamu. L’amère patrie.


Yenon R. Assi
assyelie@yahoo.fr
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