C’est le branle-bas à la Société hévéicole du Gô (Hevego, société anonyme de droit privé). La passation des charges prévue, le 19 mai, entre Kassoum Konaté, directeur général de Hevego, et Tiémélé-Yao Djué, du cabinet Uniconseil, nommé liquidateur de la société pour une durée de six mois à l’effet de procéder au transfert des acquis scientifiques dans le domaine hévéicole au Cnra, n’a pas eu lieu. La cérémonie a été reportée sine die, à la demande, apprend-on, du Premier ministre Soro Guillaume. Mais le calme qui a prévalu, ce jour-là au siège de la société, sis à Abidjan (Cocody II Plateaux), peut être comparé à celui qui précède la tempête. Car, presqu’au même moment, la Société civile agricole du sud-ouest (Scaso) a engagé une épreuve de force. Elle a déposé un acte d’huissier auprès des principaux clients d’Hevego, notamment la Société africaine des plantations d’hévéa (Saph) et la Société de Grand-Béréby (Sogb), pour leur interdire de verser désormais les recettes à Hevego. C’est un acte de subrogation pour faire d’une pierre deux coups: asphyxier la société hévéicole et prendre de force sa tête en attendant de… régulariser la situation. Par décret n°2009-71 du 26 mars 2009 (non encore publié au journal officiel pour être opposable aux tiers), la convention de cession du patrimoine hévéicole du Gô, conclue le 21 février… 2007 entre l’Etat de Côte d’Ivoire et la Scaso, a été approuvée. Ainsi, l’Etat a-t-il cédé ses actifs du patrimoine d’Hevego représentant 1570 hectares de plantations industrielles et expérimentales à cette société privée. Ceci entraînant cela, la liquidation d’Hevego a été autorisée. Le conseil d’administration (Ca) de la société hévéicole, présidée par Thiam Mokodou, s’est donc réuni, e 20 mai. Pas en séance extraordinaire, comme l’a demandé le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi, par courrier en date du 2 avril dernier adressé au président du conseil d’administration (Pca) de Hevego, mais en session ordinaire. Pour aborder les deux sujets qui défraient la chronique: la cession des actifs de l’Etat et la liquidation de la société. Surtout que, selon le procès verbal des délibérations du Ca, les procédures de liquidation légalement et statutairement prévues en pareille circonstance n’ont pas été respectées. Car, le décret n°2009-71 a été pris en contournant le gouvernement et le Conseil des ministres. En violation des dispositions du décret n°94-532 du 21 septembre 1994 portant modalités d’application de la loi n°94-338 du 9 juin 1994 relative à la privatisation des participations de l’Etat dans certaines entreprises et autres établissements publics nationaux. Mieux, Hevego est une société privée. Et l’Etat, quoique actionnaire majoritaire (70%), ne peut, de façon unilatérale, décider de la révocation des organes de direction de la société et de sa liquidation, au mépris des droits des autres actionnaires (Sogb, Saph, Pakidie), qui représentent 30% des actions et auxquels la cession n’a pas été proposée en priorité (Cf. Fraternité Matin n° 13356 du mardi 19 mai 2009). En outre, une convention pour la réalisation et la gestion d’un projet de recherche – développement agro-industriel dans la région de San Pedro, signée le 27 août 1987 entre l’Etat et Hevego, fixe les règles du jeu en matière de résiliation du contrat. “La résiliation de la présente convention sera possible, au 30 septembre de chaque année d’accord partie, moyennant un préavis d’une année. En cas de résiliation, Hevego remettra à l’Etat les actifs acquis dans le cadre du projet. Il pourra être procédé à l’évaluation de ces actifs à la demande de l’une ou l’autre des parties, par un audit agréé par les parties, à la charge de la partie qui demande la résiliation”, indique l’article de ladite convention mise volontairement en berne. Au regard de tous ces vices de forme, le Ca a remis en cause toutes les procédures en cours. Une assemblée générale extraordinaire d’approbation de la décision de cession des actifs du patrimoine hévéicole de l’Etat est convoquée pour le 10 juin prochain. C’est “le seul organe habilité légalement et statutairement à décider de la liquidation anticipée de Hevego SA et de la désignation d’un ou plusieurs liquidateurs”, dit le Pv du Ca. En attendant, le Ca a décidé “du maintien des organes statutaires (conseil d’administration et direction générale) jusqu’à la délibération de l’assemblée générale extraordinaire qui décidera de la dissolution anticipée ou non de la société Hevego S.a”. C’est donc le retour à la case départ.
Ferro M. Bally
Ferro M. Bally