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Société Publié le lundi 25 mai 2009 | Nord-Sud

Après sa sortie de prison, Yogoué Gogouahi Germaine : “Le député me poursuivait dans les toilettes”

Après sa libération de la Maca, le 22 mai, Germaine, l'ancienne servante raconte le calvaire qu'elle a vécu chez son ancien patron le député Bonhon Diet Joseph. Entretien.



•Comment êtes-vous arrivée chez le député ?

J'étais à Zuénoula lorsque la guerre a éclaté. Je suis venue chez mes parents avec mes trois enfants pour me reposer un peu. Comme je n'avais pas d'argent pour scolariser mes enfants, j'ai dit à mon grand frère (Ndlr : Séri Serge,) de me chercher un travail à Abidjan. C'est ainsi qu'il a trouvé le travail de fille de ménage chez le député. Mon grand frère m'a conduite chez lui. Nous avons défini les tâches domestiques que je devais faire. C'est un mois après le début de mon travail que le député a commencé…


•Que faisiez-vous concrètement comme travail chez lui?

Je lavais la maison, je faisais la cuisine sans oublier la lessive. Je faisais aussi le ménage, en un mot toutes les tâches domestiques.


•A quel moment vous avez commencé à être en désaccord avec le député ?

C'est depuis le mois de janvier 2009 lorsqu'il m'a appelée pour me dire qu'il partait au village. Il m'a dit qu'il devrait me parler. Selon lui, c'était très confidentiel. Il m'a demandé comment je suis arrivée à Abidjan, je lui ai expliqué mes problèmes. Il m'a dit qu'il allait m'aider dès son retour du village. Quand il est revenu du village, il m'a dit qu'il a trouvé une manière de m'aider. Il m'a dit qu'il veut que je sois sa confidente. Je lui ai dit que je ne comprenais pas “gros français”. Je lui ai demandé de bien expliquer sa pensée. Il m'a dit qu'il veut que je sois sa copine. Je lui ai dit que je ne pouvais pas, car j'ai trop de problèmes. Et puis, le travail de fille de ménage, je ne l'avais jamais fait auparavant. C'est parce que ça n'allait pas chez moi que je faisais ce boulot. Je lui ai dis que j'ignorais que lorsqu'on travaille chez quelqu'un, ce dernier doit sortir avec sa servante. Je lui ai dit que je ne pouvais pas faire ce qu'il me demandait. Il m'a répondu qu'il couche avec toutes les femmes qui viennent chez lui. « Toi, tu es comment et puis on ne peut pas coucher avec toi ? », m'a-t-il dit. Je lui ai dit que toutes les femmes ne sont pas les mêmes. Et il m'a dit qu'il allait trouver un moyen pour sortir avec un moi.


•Ensuite…

A chaque fois, quand il quittait l'Assemblée nationale, il me montrait de l'argent dans une enveloppe. Il me disait de prendre la somme que je voulais pour qu'il puisse sortir avec moi. Je refusais. Ma maman m'a dit de ne jamais prendre l'argent facile car c'est une malédiction. Comme il savait qu'il ne pouvait pas m'avoir avec l'argent, il a préféré user de la force.


•Comment, en présence des autres?

Nous sommes cinq personnes à la maison. Son fils et sa petite fille vont à l'école. Il envoyait son chauffeur pour acheter des journaux. Je ne sais pas ce qu'ils se disaient, mais le chauffeur durait là-bas. Quand nous restions seuls, il me trouvait dans la chambre. C'est là qu'il commençait à me brutaliser. Je me débattais dans ses mains. Je fuyais pour sortir et chaque fois c'est ce qu'il me faisait. Un jour, je suis allée me laver il a renvoyé tout le monde, comme d'habitude. Il m'a trouvée dans la douche et il a commencé à me brutaliser. C'est ainsi qu'il me violait. Je ne pouvais pas crier, car il me fermait la bouche. Il attachait mes deux mains. Il avait un tube dans sa main. Il me violait devant et derrière. Il a suffisamment abusé de moi. Quand il finissait, je lui disais que j'allais le dénoncer à la police. Je ne supportais pas ce qu'il me faisait, j'avais mal partout. A cause de lui, j'ai peur, je ne peux plus m'asseoir dans la maison. J'étais envahie par la peur. Quand mon grand frère venait, j'avais du mal à lui dire ce que le monsieur me faisait. Le député me menaçait en me disant qu'il a l'immunité parlementaire. Selon lui, si je partais le dénoncer à la police, on m'arrêterait pour me mettre en prison. Puisque je n'avais jamais fait le travail de servante, je ne savais pas comment ça se passe. J'avais donc peur d'aller le dénoncer à la police. Un jour, mon grand frère est venu me voir. Je lui ai dit de me pardonner parce que je ne sais pas comment je pouvais lui expliquer ce que le monsieur me faisait. C'est ainsi, qu'il m'a envoyée au centre social à Port-Bouët. J'ai tout expliqué, ils m'ont dit qu'ils allaient me donner une convocation pour le député dès son retour de voyage. Quand il est rentré de voyage, il a répété de plus belle les mêmes choses. Je suis tombée malade. Je n'arrivais plus à me tenir debout. J'avais des plaies au niveau de mon sexe, j'avais mal. J'ai donc décidé de rompre le silence.


•Personne ne savait donc qu'il vous violait?

Il trouvait toujours le moyen d'envoyer tout le monde. On restait toujours deux dans la maison. C'est ce moment qu'il choisissait pour me violer.


•Quels étaient ses endroits préférés pour se jeter sur vous ?

Souvent, il me tirait de la douche pour m'envoyer dans sa chambre. Souvent, il me tirait pour m'envoyer au salon.


•Le député se préservait-il avant de coucher avec vous ?

Il couchait avec moi sans prendre de préservatif. Puisqu'il ne me donnait même pas le temps de réagir. Il couchait avec moi comme ça. Quand il finissait, il se moquait de moi. Il riait en me disant que je ne pouvais pas lui créer de problèmes sous le prétexte que je suis une pauvre, et que je suis une analphabète. D'après lui, je ne pouvais rien contre lui. Il me disait que je devais m'estimer heureuse parce qu'il me donnait de l'argent que je refusais.


•Combien de fois, vous a-t-il possédée ?

Depuis le mois de janvier. A chaque fois qu'il avait envie, il me tombait dessus.


•Pouvez-vous expliquer cette histoire de vol d'argent dont le député vous accuse ?

Devant Dieu, je n'ai pas volé son argent. Un matin, sa fille et son petit-fils sont allés à l'école. On est restés deux à la maison puisqu'il avait envoyé son chauffeur à Port-Bouët pour faire des courses. J'ai pris le seau pour aller me laver avant de partir au marché. Il m'a trouvée dans la douche et a refait les mêmes choses. C'est là que je lui ai dit que dès qu'il quitterait sur moi, j'irai à la police. C'est ainsi qu'il est rentré dans sa chambre pour ressortir avec une enveloppe qu'il m'a tendue. J'ai compté l'argent c'était 400.000 Fcfa. J'ai pris une partie de l'argent pour aller payer des médicaments. C'est ainsi que trois jours après, il voulait reprendre les mêmes choses. J'ai refusé et le soir il a dit que son argent est perdu. Comme ses enfants ont l'habitude de voler son argent, je me suis dit que c'étaient eux. On s'est mis à chercher l'argent dans la maison. Deux jours plus tard, je me suis rendue compte que c'est l'argent qu'il m'a donné qu'il voulait reprendre vu que je refusais de coucher avec lui. C'est ainsi qu'il m'a accusée d'avoir volé son argent. Ce qui est faux, car c'est l'argent qu'il m'a donné. Il m'a dit de lui redonner cet argent pour qu'il puisse aller faire des funérailles au village. Il promettait me redonner la même somme à son retour. J'ai refusé. Il a conclu en disant que c'est moi qui ai volé son argent. Comme il ne voulait pas que ses enfants sachent ce qui se passe réellement il a donc dit que Germaine a volé son argent. Il a appelé son frère pour venir témoigner. Et j'ai dit à son frère de lui dire que je n'ai pas volé l'argent. Je lui ai dit que c'est parce que le député m'a violée qu'il m'a donné cet argent pour que je garde le silence. Si j'avais volé cet argent, j'aurais fui pour aller dans mon village parce qu'il n'y a rien entre nous. Je lui ai dit de faire tout ce qu'il peut, mais je ne donnerai pas l'argent. Ses frères ont commencé à lui conseiller d'aller prendre une convocation. Il est venu me dire qu'on devait aller à la gendarmerie. Le temps que je m'apprête, il m'a enfermée à clé dans la maison. Il est revenu avec deux gendarmes pour me chercher. J'ai passé 7 jours au violon, puis 11 jours à la Maca. Mais, lorsque je suis arrivée à la police, ils m'ont interrogée, j'ai expliqué tout ce qui s'est passé. L'un des frères du député lui avait même conseillé de régler le problème à l'amiable parce que cette situation était beaucoup gênante pour un homme politique.


•Vous n'avez pas eu de démêlés avec les gendarmes ?

Quand j'étais au violon, les gendarmes m'ont déshabillée comme si j'avais gardé l'argent dans mon slip ou dans mon sexe. Au moment où je me déshabillais, ils ont appelé une femme pour fouiller les moindres recoins de mon corps. J'étais restée devant des gendarmes, toute nue. J'étais paniquée. Non seulement, le député m'a violée et on me mettait nue devant tout le monde. Ils m'ont ensuite fait subir un interrogatoire musclé pour m'arracher des propos qui pouvaient me contrarier. Ils voulaient que je dise que c'est moi qui ai volé l'argent. J'ai toujours dis non, car je préfère dire la vérité et aller en prison plutôt que de mentir pour m'en sortir. Je leur ai dit que c'est le député qui m'a donné l'argent. 400.000 Fcfa pour que je garde le silence.


•Où se trouve cet argent ?

Je l'ai dépensé pour payer mes médicaments. Je n'avais plus rien sur moi.


•Comment s'est passé le procès au tribunal?

Comme l'affaire faisait honte, ils ont mis tout le monde dehors pour qu'on reste deux pour parler. Le député a dit au juge qu'il voulait son argent. On lui a dit qu'il avait couché avec moi et que c'était la contrepartie. Il a dit qu'il est allé voir un féticheur qui lui a dit que j'ai volé son argent. On lui a demandé comment, lui, une autorité peut parler de féticheur étant donné qu'il est censé connaître la loi. Le juge lui a aussi demandé s'il était allé voir un féticheur pour coucher avec moi afin que je n'en puisse pas dire un mot. A mon tour, j'ai expliqué toute l'histoire. Le député a dit qu'il a des témoins. On les a appelés et on leur a demandé s'ils m'ont vue prendre l'argent. Ils ont répondu non. Ils ont expliqué que c'est leur frère le député qui leur a demandé de venir témoigner en sa faveur. Le juge les a mis dehors. Ensuite, il a dit au député qu'il avait déjà abusé de l'une de ses servantes.


Comment le juge l'a-t-il su?

Gisèle, une servante qui était chez le député a témoigné au centre social à Port-Bouët. Elle a affirmé qu'il la violait aussi. Le député avait la tête baissée au procès. Quand je l'ai fixé je me suis rappelée de tout ce qu'il me faisait. Je ne pouvais pas tenir et j'ai commencé à pleurer. Il m'a regardée dans les yeux et m'a dit: « Quand tu veux tuer ton poulet, il faut lui donner de l'eau à boire». Il m'a aussi dit : « Je t'ai loupée, je ne t'ai pas bien violée c'est à cause de cela que tu as la grande gueule pour venir t'arrêter pour parler. Mais, ce n'est pas encore fini ». La juge n'était pas contente des propos qu'il a tenus. Elle a demandé aux policiers de m'accompagner dehors. Et le député continuait de se moquer de moi.


•Est-ce que vous allez retourner chez le député ?

Plus jamais, je ne retournerais chez lui. A cause de lui, je ne veux plus travailler comme fille de ménage. Actuellement, je suis dégoutée de tout. Aujourd'hui, je suis libre je vais chercher mes affaires chez lui pour quitter définitivement ce lieu. Mais, je veux qu'il me dédommage pour tout ce que j'ai subi. Il faut qu'il paie pour toutes les filles qui ont subi le même sort que moi. Il a mis en avant son statut de député pour abuser de toutes les servantes qui sont passées chez lui. Il faut qu'il paie pour ce qu'il a fait.


•Aujourd'hui que vous êtes libre. Que ressentez-vous ?

Actuellement, je n'éprouve rien comme sentiment. Je suis perdue, il n'y a rien qui m'anime. Je ne sais pas qui je suis, depuis que l'affaire s'est passée, je ne me reconnais plus. J'ai peur, je n'arrive pas à dormir. C'est comme s'il était encore là, je continue de voir ce qu'il me faisait chez lui. Je n'arrive plus à causer avec quelqu'un. J'ai perdu ma dignité de femme. Je constate que je ne suis pas la seule fille à avoir subi les exactions sexuelles du député Bonhon Diet Joseph. Je veux qu'il paie pour tout ce qui m'a fait subir.


•Qu'est-ce que vous comptez faire?

Je ne sais plus ce que je vais faire. Je vais retourner au village pour voir mes trois enfants. Je suis complètement traumatisée par ce que j'ai subi.


Réalisée par Bahi K. Coll : OM
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