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Économie Publié le vendredi 29 mai 2009 | Le Repère

Ravitaillement des marchés en produits vivriers : Que de galère pour les commerçantes !

Elles pourvoient principalement nos différents marchés en produits vivriers tels que la banane, l'igname, la tomate, l'oignon... Usant de stratèges et souvent au prix de leur santé, elles parcourent des milliers de kilomètres à l'intérieur du pays pour pouvoir nourrir de nombreux foyers à Abidjan. Elles? Ce sont les commerçantes en gros de produits vivriers qui ravitaillent nos différents marchés, en dépit d'énormes difficultés qu'elles rencontrent aussi bien lors de leurs différents voyages que dans la livraison. Mais quelles sont les difficultés qu'elles rencontrent et comment vivent-elles de leur métier? Entrons dans l'univers des commerçantes ravitailleuses.


Au marché Gouro, sis à Adjamé, il est environ 14 heures, ce 4 mai, lorsque sous un soleil de plomb, nous apercevons trois camions venus de l'intérieur du pays stationnés sur une petite parcelle dudit marché. Des jeunes déchargent des camions, les régimes de bananes, les sacs d'avocats, d'orange, de piments, d'oignons,… sous les yeux virgilants des femmes qui en sont les propriétaires et des jeunes commerçantes et commerçants venus acheter en gros. Munie d'un cahier et d'un stylo, vêtue d'un pantalon jean et d'un tricot, la tête couverte d'une casquette, Sabine K, propriétaire d'un des convois de ces différents produits vivriers, fait le compte de ses bananes et autres produits vivriers qui sont déchargés par des jeunes. Elle refuse de se laisser distraire par une quelconque causette parce qu'elle doit vendre ses dix tonnes de bananes qui viennent de Sinfra avant le coucher du soleil. " Ce genre de voyage, j'en fais deux par semaine ", nous dit-elle en se replongeant dans ses comptes. Rencontrée le lendemain à Yopougon Gesco, Sabine qui exerce ce métier depuis quelques années maintenant, nous raconte comment elle a débuté dans ce secteur. " C'est ma mère qui exerce ce métier depuis plus de trente ans. Elle est la présidente des femmes qui payent les bananes en gros à Sinfra. Mais comme elle est devenue vieille, elle ne peut plus effectuer les voyages. Donc, c'est moi qui fait la navette entre Abidjan et là-bas " nous confie t-elle. Et comme elle, beaucoup de commerçantes qui sont chargées d'approvisionner les marchés en produits vivriers font au moins deux fois le voyage entre la capitale économique et une ville de l'intérieur du pays en vue de ravitailler les marchés communaux sis à Abidjan. Liliane.G, une autre commerçante de produits vivriers part à l'aide de sa sœur chercher de la banane, du "gnangnan", de l'aubergine, du piment et bien d'autres vivriers dans la brousse de Kétéclé (route de Yamoussoukro). Résidant dans la commune d'Abobo, cette dernière choisit ses produits en fonction des saisons et le prix est fixé d'avance avec les paysans. Pour le transport de ses marchandises, elle dit dépenser entre quinze mille (15000F) et vingt cinq mille (25000 F), voire plus. " Une fois que nous arrivons au village, il faut reprendre un autre camion qui, cette fois-ci conduira seulement les marchandises " précise t-elle.


L'approvisionnement, un parcours du combattant

Ravitailler les marchés de produits vivriers s'avère être un vrai parcours du combattant pour les commerçantes. Celles-ci doivent non seulement faire face aux différents frais de transport, mais aussi des chargeurs, sans toutefois oublier les taxes douanières. Pour Sabine K, tout commence par une commande qu'elle passe dans un campement. Deux jours après la commande effectuée, (elle s'évalue à un peu plus de dix tonnes de régimes de bananes, d'aubergine, de tomates, d'avocats et de quelques fruits), elle se rend au campement, en vue de compter les bananes. Après le décompte, des jeunes (pour un prix de trois mille (3000F) Francs Cfa par personne) font sortir les bananes du campement ainsi que les autres produits vivriers de la cliente pour les mettre dans des petits véhicules. Ils sont transportés jusqu'au village ou en ville selon le choix de la propriétaire, à hauteur d'une autre somme de trois mille Francs Cfa. Les bananes pour une dernière fois sont mises dans le camion loué. Le transport de sa marchandise de la campagne au village, lui, coûte trente cinq mille Francs Cfa. La location du camion, nous dit notre interlocutrice, est faite en fonction de la tonne de la marchandise : " Il faut payer 250 000 Francs Cfa pour dix (10) tonnes de produits vivriers et 350 000 francs pour les dix roues (camions plus grands que ceux de 10 tonnes) ", nous a t elle confié. Loin de connaître un répit financier, les commerçantes doivent aussi faire face à des dépenses supplémentaires pour ne pas avoir à subir les nombreuses et fréquentes tracasseries routières. Souvent, par faute de moyens, celles-ci sont obligées de s'associer à deux ou à trois pour ne pas trop sentir les dépenses effectuées. A côté de cela, il y a aussi le coût du convoi qui leur revient à trente mille (30.000) Francs Cfa. " On fait un convoi pour ne pas être trop embêtées sur la route. Ce sont des corps habillés qui nous accompagnent jusqu'à Abidjan "; nous a expliqué Edwidge T, une autre commerçante située à Yopougon. En échange, elles reçoivent (si les corps habillés ne sont pas du voyage), un papier qui atteste qu'elles sont passées à la caisse ( !). A ce sujet, elle nous affirme que très souvent, les personnes qui les accompagnent ne sont pas en fait des corps habillés, mais plutôt des jeunes, appelés dans le jargon populaire ''les bons petits'' des policiers qui à leur tour, rendent financièrement compte à leur ''vieux pères''. Outre ces dépenses, les commerçantes qui vont se procurer les produits vivriers dans les campements et villages doivent verser une taxe de trois mille (3000 F) Francs Cfa à l'Office pour la commercialisation des produits vivriers (Ocpv) en plus d'une taxe à payer à l'entrée de Gesco (Yopougon). Pourquoi ces taxes et à quoi servent-elles ? Celles interrogées nous répondent résignées : " On ne sait pas. Nous payons c'est tout ". " Il y a des femmes qui ne veulent pas payer les taxes. Et quand c'est comme ça, elles doivent payer cinq cent francs (500F) à chaque barrage. Or, quand on calcule, ça revient au même prix de 3000 francs à payer à l'Ocpv " ajoute t-elle. Lorsque le camion gare à Adjamé, elles doivent également débourser de l'argent. La somme versée au propriétaire du terrain équivaut à une location pour l'espace utilisé. " Quand nous arrivons à Adjamé, on doit aussi louer la terre où nous déposons nos marchandises. La terre nous revient à quinze mille Francs (15 000F) Cfa pour les dix (10) tonnes et à vingt cinq mille francs (25 000F) pour les dix roues " nous fait savoir Marthe K, une autre ravitailleuse. A l'instar d'elle, les commerçantes dans leur grande majorité vivent pratiquement la galère pendant leur voyage: dépense pour l'achat des bananes, le prix du déchargement, le prix de l'escorte, les taxes ainsi que les imprévus comme la panne d'un camion qui pourrait survenir en cours de route ou pis, les vols occasionnés par les coupeurs de route. Ces derniers mènent la vie dure aux commerçantes, car faisant fi de tout sentiment, ils les attaquent et leur prennent soit leurs marchandises ou l'argent qu'elles possèdent. C'est pourquoi, celles-ci préfèrent s'attacher les services de policiers. " Il est préférable de payer les trente mille francs aux policiers et de se faire escorter que de tout perdre " a affirmé Sabine. Si certaines commerçantes effectuent elles-mêmes les voyages pour leurs produits vivriers, cela n'est pas le cas pour d'autres qui préfèrent attendre patiemment qu'une connaissance ou un parent en ccollaboration avec un chauffeur de camion les leur livre.


Voyage ou commission ?

A la Ran d'Adjamé, les vendeuses en gros de tomates sont assises par groupe. Elles sont entourées de caisses de tomates ou de sacs d'oignons. Ils viennent du pays voisin, le Burkina Faso et rentrent en Côte d'Ivoire d'une manière toute particulière. Car le voyage se fait sous la forme d'une commission. " C'est notre maman qui nous envoie la tomate du Burkina. Elle est là-bas et nous sommes ici. Nous allons retourner dans six mois " nous a confié l'une des commerçantes trouvées sur place. Dans cet endroit, la plupart de ces femmes d'origine Burkinabé ont fait de la vente de ces produits, leur principale activité. Pendant que certaines font le trajet Burkina Faso- Côte d'Ivoire par train, d'autres restent sur place, c'est-à-dire à Abidjan et confient la tâche de l'approvisionnement à une connaissance de l'autre pays. L'approvisionnement ainsi fait se transforme en commission. La connaissance en question se rend en brousse, collecte les produits vivriers commandés, va à la gare et confie la marchandise et les coordonnées de la commerçante résidant en Côte d'Ivoire au chauffeur. Elle prend au préalable le soin de régler les taxes et le prix du transport. Certaines commerçantes préfèrent ce type d'approvisionnement dans la mesure où elles veulent éviter la fatigue et le stress des voyages. Mais là encore ce choix n'est pas sans risque, car il peut éventuellement arriver la perte de marchandises, les vols ou les accidents. D'où la peur qu'elles éprouvent lorsqu'elles n'effectuent pas elles-mêmes les voyages.


La conséquence sur les prix

Les frais de route, les tracasseries routières, la main d'œuvre utilisée dans les campements, le convoi (escorte des corps habillés), ainsi que la location de la terre ou des magasins une fois à Abidjan, ont forcément des conséquences sur le prix de vente des produits vivriers. A cet effet, Alima O, commerçante de produits vivriers en gros, nous précise que " c'est parce que le transport est trop cher que tout aussi est cher ". Comme quoi, si les produits de première nécessité sont onéreux, cela ressort de toutes les tracasseries et galère qu'elles vivent lors de leurs différents voyages. Liliane G indique, quant à elle : "quand parfois le prix d'achat des produits, le transport et les différentes taxes revient assez élevé, nous sommes bien obligées de revendre ces produits cher sur le marché ne serait-ce que pour retirer nos dépenses ".


Des bénéfices engendrés au compte-gouttes ?

" Commerce là, ça ne connaît pas, en un seul jour, tu peux tomber et tout perdre ". Tels sont les propos de Korotoum, vendeuse d'oignons. Venue s'approvisionner avec les commerçantes en gros de vivriers, à la Ran d'Adjamé. Elle nous explique qu'on ne peut vraiment pas parler de grands bénéfices au sens où l'on peut vendre à perte. " Le sac d'oignons que vous voyez là " nous dit-elle en nous montrant du doigt, un énorme sac posé juste à côté d'elle, " je l'achète à quinze mille (15 000f), souvent même plus ". Elle peut les revendre à vingt cinq mille Francs à d'autres vendeuses qui, sur le marché placeront le kilogramme en fonction de leur achat, du prix du transport et des taxes municipales. Alima, elle, affirme que malgré le calvaire qu'elles vivent lorsqu'elles ramènent les produits en ville, elles arrivent un tant soit peu à s'en sortir. " C'est difficile mais on va faire comment ? Si nos mamans on fait ça pendant des années en nourrissant leur famille, nous aussi on peut le faire. Le plus souvent pour obtenir des bénéfices on prend des produits non mûrs parce qu'ils sont plus faciles à écouler sinon on est obligé de les revendre moins cher pour ne pas qu'ils pourrissent dans nos mains ", nous a-t-elle dit.

Il est vrai que les commerçantes de produits vivriers achètent à un prix presque dérisoire les denrées dans les campements. Mais la galère, le coût élevé du transport sont pour beaucoup dans l'augmentation de ces produits de première nécessité. Conscientes de cette situation et du tort qu'elles causent aux consommateurs qui n'ont plus les moyens de se nourrir décemment, les commerçantes ne demandent qu'une seule action, à savoir la réduction du coût du transport pour le bien-être de tous.

CRA et L.G (Stagiaires)
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