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Politique Publié le samedi 20 juin 2009 | Notre Voie

Commémoration des 50 ans du Barreau de Côte d`Ivoire-Me Allouko Jean Jacques, responsablede la communication de l`Ordre des avocats : “Nous saurons pourquoi certains chefs d`Etat s`accrochent au pouvoir”

Le Barreau de Côte d'Ivoire commémore du 22 au 26 juin prochain, à Yamoussoukro, ses 50 ans d'existence. A ce rendez-vous, sont annoncés plusieurs anciens chefs d'Etat. On parlera notamment de l'Etat de droit et de la vie après le palais présidentiel. Me Allouko Jean Jacques, respon-sable de la communication de l'Ordre des avocats plante le décor avant l'événement. Entretien.


Notre Voie : Le Barreau ivoirien marque un temps d'arrêt après un demi siècle d'existence...

Me Allouko Jean Jacques: Depuis le 1er janvier 2009 l'Ordre des avocats est entré dans sa 50ème année. Nous estimons que 50 ans dans la vie d'une institution ou d'un individu, c'est beaucoup, c'est un événement qui ne peut pas passer inaperçu. Donc, l'idée nous est venue de le commémorer pour faire ressortir le parcours du barreau, le parcours de tous ceux qui ont contribué à l'émergence du barreau, ce que le barreau a fait pour l'Etat de Côte d'Ivoire. Ce cinquantaine sera articulé autour du thème de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance. Il ne peut en être autrement puisque l'avocat a pour rôle de faire en sorte que les lois soient appliquées. Le thème central, c'est “l'Etat de droit” et “Existe-t-il une vie après le palais?”, le palais présidentiel s’entend. On n'arrive pas à comprendre que sous nos tropiques, certaines personnes arrivent au pouvoir d'une manière ou d'une autre, l'exercent, s'en vont et continuent de vivre quand d'autres arrivent au pouvoir, s'y accrochent et ne veulent plus partir, comme si en quittant le pouvoir, le ciel va leur tomber sur la tête. Alors, est-ce que quand on part du palais, on cesse d'être moins que ce qu'on a été avant de venir au palais? Donc, on a invité un certain nombre de chefs d'Etat qui ont exercé le pouvoir, qui sont partis, qui vivent normalement, qui n'ont pas de soucis particuliers. Dans le cadre d'un panel entre eux, ils vont expliquer comment ils ont géré le pouvoir, comment ils sont partis, comment ils vivent à ce jour, pour que ceux qui sont encore là, qui s'accrochent au pouvoir, que ce soit ici ou ailleurs, puissent s'en inspirer afin de favoriser l'alternance démocratique. Ce thème sera débattu le jeudi 25 juin à la Fondation Houphouët-Boigny de Yamoussoukro.


N.V. : A qui s'adresse le thème “Existe-t-il une vie après le palais?”

AJ.J. : A tout le monde. Aussi bien aux politiciens aux présidents en exercice. Il ne faut pas croire qu'on parle de notre président particulièrement, mais à tous les présidents africains en exercice, aux hommes politiques qui aspirent au pouvoir. On ne peut pas penser à exercer le pouvoir sans penser un jour à le céder à quelqu'un d'autre, puisque pour que quelqu'un accède au pouvoir, il faut que celui qui l'exerce accepte de partir. En fait, c'est un fauteuil qui n'appartient à personne en particulier, il appartient à tous les citoyens. Celui qui, à un moment donné, est apte à occuper ce fauteuil, il l'occupe pour le moment pour lequel il est là. Quand le moment de partir arrive, il faut qu'il parte. Dans la sous-région et en Afrique, on a des chefs d'Etat qui, une fois au pouvoir, changent les textes, en prolongeant leur mandat, pour s'y maintenir. La population et la société civile sont également concernées par ce thème.


N.V. : Quel est, selon vous, la situation de l'Etat de droit en Côte d'Ivoire?

A.J.J. : La Côte d'Ivoire est un Etat de droit. Un Etat de droit est un Etat dans lequel toutes les institutions légales, les trois pouvoirs : Exécutif, législatif et judiciaire, sont réunis et séparés parce que chacun est autonome. Dans le cas de la Côte d'Ivoire, ces pouvoirs existent et sont exercés normalement, donc on peut parler d'Etat de droit. Maintenant, quels sont les rapports entre les différents pouvoirs? C'est qui fait la différence entre un Etat et un autre. On peut avoir des Etats où le pouvoir exécutif gère tout, quoiqu'il y a une séparation, et puis on peut avoir des Etats où l'exécutif se contente de l'exécutif, le législatif appartient aux députés, le judiciaire aux magistrats, et chacun fait son travail.


N.V. : Est-ce qu'en Côte d'Ivoire, chacun de ces pouvoirs joue son rôle comme il se doit?

A.J.J. : Jusqu'à preuve du contraire, chacun joue son rôle comme il se doit, mais pas comme on l'aurait souhaité, parce que rien n'est parfait dans ce monde. Donc, nous estimons qu'il y a des choses à parfaire. A l'occasion de ces échanges, chacun, en fonction du pouvoir qui est le sien ou du pouvoir dans lequel il se meut saura désormais, s’il veut vraiment changer, puisque c'est une question de mentalité aussi, à quoi s'en tenir. Quand les choses fonctionnent normalement, chacun fait son travail correctement, tous ceux qui commettent des infractions ou qui se mettent en marge de la loi sont sanctionnés conformément aux textes, et personne ne se plaint. Mais dès l'instant où on sent, à tort ou à raison-ce n'est pas parce que les gens se plaignent qu'ils ont forcément raison une injustice, les frustrations naissent, se développent et entraînent des situations irréversibles comme ce que nous vivons dans notre pays. Donc, il s'agit d'attirer l'attention des uns et des autres sur les responsabilités collectives et individuelles. Chaque acteur, là où il se trouve, doit savoir ce qu'il a à faire et se faire un examen de conscience : est-ce que je fais correctement ce que j'ai à faire? Est-ce que j'ai toujours fait ce que je dois faire? Tout ça participe de la bonne gouvernance. Donc, quand bien même on serait dans un Etat de droit, il y a le problème de la bonne gouvernance. Quand vous êtes une autorité, la loi vous autorise à signer des marchés avec telle ou telle institution, par appel d'offres. Vous ouvrez le marché, les gens soumissionnent et puis après vous faites le dépouillement. Mais quand vous mettez ça de côté pour traiter de gré-à-gré, et que vous demandez pour un marché de 100 millions, 250 millions, afin de mettre 150 millions dans votre poche, cela pose le problème de la bonne gouvernance.

Il y aura à côté des panels, des thèmes dont la Déclaration de Bamako qui est une sorte de charte africaine de bonne gouvernance, adoptée sous l'égide de l'OIF. C'est en cela que nos manifestations sont placées sous le parrainage du président Abdou Diouf, secrétaire général de l'OIF. Dans ce document, des principes ont été listés qui concernent aussi bien les partis politiques que la société civile. Chacun à son rôle à jouer. La déclaration concerne également les tribunaux, notamment la Cour constitutionnelle puisque c'est elle qui apprécie les candidatures à la présidentielle, c'est elle qui statue sur le contentieux après les élections lorsqu'il y a des recours. Malheureusement, cette déclaration est méconnue. On a également un thème relatif à la contribution des Cours constitutionnelles à l'émergence de l'Etat de droit, au développement de la démocratie. Le rôle des partis politiques à la consolidation de l'Etat de droit, est un thème qui sera traité par des chefs de partis politiques. L'ancien bâtonnier de Paris, animera le thème relatif au rôle du barreau pour l'émergence de l'Etat de droit.

Les assises de l'Association des jeunes avocats de l'Afrique de l'Ouest se tiendront au cours de nos manifestations. Dans tous les barreaux du monde, il y a une association des jeunes avocats. C'est un regroupement informel qui est reconnu par l'ordre, qui est assujetti aux règles de l'ordre. Mais ce sont des jeunes avocats dont l'âge va jusqu'à 45 ans. Ils se retrouvent de temps en temps pour parler de leurs problèmes spécifiques et voir dans quelle mesure ils peuvent contribuer à l'émergence du barreau. Chaque barreau a une association de jeunes avocats. Il est question de fédérer ces associations, notamment celles de l'Afrique de l'Ouest. Donc, c'est l'association de Côte d'Ivoire qui a eu l'honneur d'organiser ces assises pour élire les personnes qui vont diriger les organes.

Le président de la République sera présent au panel des chefs d’Etats.


N.V. : Après 50 ans d'existence, avez-vous des motifs de satisfaction, des perspectives, des déceptions...

AJ.J. : Des motifs de satisfaction, oui parce que de 2 ou 3 avocats qu’on avait en 1959, aujourd'hui, nous sommes à 600 avocat, dont la moitié est constituée de jeunes. Nous avons beaucoup de chantiers à construire. Quand nous voyons l'évolution de l'Ordre, les positions qu'il a prises par rapport à certains problèmes du pays, je peux dire qu'il y a eu une évolution positive des choses. Aujourd'hui, l'Ordre des avocats est reconnu et connu de tous les Ivoiriens. Il y a des pays où l'ordre n'existe que de nom, les avocats sont désignés par le pouvoir central, si bien que leur indépendance n'est pas manifeste. Chez nous, c'est différent, la profession est libérale et indépendante, elle concourt à l'œuvre de justice. Aujourd'hui, tous les avocats sont à la page des NTIC, on sort du système traditionnel où l'avocat a son petit cabinet avec 2 ou 3 sièges, et reçoit la veuve et l'orphelin. On va vers d'autres activités, les fusions, les absorptions, les créations de sociétés.... Il y a une évolution qualitative de la matière.

Mais il y a des déceptions, comme toute œuvre humaine. Malgré tout ce que nous avons demandé au pouvoir, à l'autorité, on est toujours confin au sein du palais de justice, alors qu'on aurait bien voulu avoir notre siège à nous. Plusieurs gouvernements nous avaient promis un siège, ça n'a jamais été effectif. On se bat tout seul, sur fonds propres pour acquérir un siège digne des avocats que nous sommes. On n'est pas toujours écoutés malheureusement parce qu'aujourd'hui les magistrats travaillent dans des conditions très difficiles. On a décrié ça mille et une fois, mais les choses ne semblent pas s'améliorer, on a quand même foi que ça va se faire un jour. Quand on vient au tribunal, et qu'on voit qu'il n'a de nom que par sa présentation, qu'on rencontre des vendeurs de tout acabit, on trouve cela scandaleux, on a des regrets, parce que ce sont des choses qu'on a décriées depuis des années, mais qui ne chargent pas. Il est grand temps que le pouvoir central se penche sur ce problème de sécurité. La Côte d'Ivoire qui à 10 ans d'avance sur ses voisins, malgré la crise, ne doit pas avoir un palais de justice dans cet état.

Interview réalisée par Félix teha Dessrait
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