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Politique Publié le mardi 7 juillet 2009 | Fraternité Matin

Choi à Fraternité Matin : “Septembre sera décisif”

Le représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire, Young

J. Choi, était, hier, dans nos locaux, pour évaluer le chemin parcouru depuis la signature de l’Accord de Ouaga.

Introduction

Mesdames, messieurs les journalistes, c’est un grand honneur et un plaisir pour moi d’être avec vous ce matin. Laissez-moi partager avec vous, dans mon introduction, ce que je pense de la crise actuelle. La crise ivoirienne me fait penser à un tableau du peintre français Manet. La situation en Côte d’Ivoire est comparable à une œuvre impressionniste. A la regarder de près, on voit des lignes et des formes qui ne sont pas harmonieuses et ne paraissent pas très belles. Mais, quand on prend du recul, on se rend compte que le tableau est très beau. C’est ainsi que je schématise la situation en Côte d’Ivoire. Pourquoi ? Parce que de près, nous avons des problèmes, des défis à relever. Pour les élections d’abord, il y a encore des étapes à franchir. Et il y a des problèmes à toutes les étapes. La fin de l’enrôlement va enclencher le traitement des données. Cela doit commencer très vite dans tous les centres régionaux qui sont plus de 68. Mais quand? D’après les calculs de la Commission électorale indépendante, il faudra à peu près six semaines pour atteindre le stade de la production de la liste électorale provisoire. C’est prévu, comme vous le savez, au mois d’août.



Après cette étape, nous entamerons une autre, très sensible, le traitement des contentieux. Combien de temps cela va-t-il durer ? Cela se fera-t-il sans trop de difficultés? Ce sera une bataille politique qui ne sera pas très facile à gagner. Puis, on abordera la production de la liste électorale définitive. Si nous y arrivons, ce sera un excellent signe. Parce qu’à ce moment-là, ce sera comme si nous n’entrions dans un tunnel. Nous n’aurions alors d’autres choix que d’avancer pour arriver au scrutin présidentiel. Après, il y a la confection et la distribution de millions de cartes d’électeurs. Ce sont des étapes techniques, et nous y arriverons.



A chaque niveau, il y aura des défis à relever. Il ne faudrait pas oublier la réunification, le fameux Ouaga IV. Dans cet accord complémentaire, on décèle quatre prévisions essentielles. Pour le gouvernement central, il y a d’autres prévisions qui doivent être concrétisées. Tout d’abord, la passation des charges des commandants de zone aux préfets. La cérémonie s’est très bien déroulée, mais elle doit être matérialisée. L’unicité des caisses doit être aussi achevée. Il y a le profilage des éléments des Forces nouvelles en militaires, polices et gendarmes. Sans oublier leur implication dans chaque secteur de l’armée unifiée; le paiement des primes promises, qui s’élèvent à 500 mille F CFA par ex-combattant. Ainsi qu’aux éléments des ex-milices auxquels il faut payer également, par personne, le même montant. Des milices dont le nombre augmente, chaque jour.

Ces quatre prévisions doivent être achevées à la fin du mois de septembre, soit deux mois avant le scrutin présidentiel. Or, nous sommes déjà en juillet.

Le processus électoral et la réunification représentent des défis formidables qui nous montrent, quand on regarde de près le tableau de la politique ivoirienne, qu’il y a des problèmes à résoudre à tous les niveaux. Même si de loin nous ne parlons pas beaucoup, nous avons le recul nécessaire pour affirmer que la perspective sur la Côte d’Ivoire est réellement belle.

La Côte d’Ivoire n’est pas un pays en faillite. A la différence de nombreux pays où les Nations unies ont envoyé des missions d’opération de maintien de la paix, tels que le Liberia, la République Démocratique du Congo. Quand on compare la Côte d’Ivoire à ces deux pays, sa beauté saute aux yeux. Ici, il y a un gouvernement en activité. Même s’il faut assurer son efficacité après les élections. Il y a des ministères, des structures, des fonctionnaires. Ce qui n’est pas le cas ni au Liberia ni en République Démocratique du Congo. Dans ce dernier pays, la situation est très inquiétante. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de force de sécurité fiable. Une armée qui n’est pas fiable devient plus une menace pour la population. Au Liberia, l’armée et la police sont en reconstitution. Les Etats-Unis s’occupent des militaires et les Nations unies prennent en charge les policiers.

3000 militaires et 3000 policiers seront formés d’ici deux ans et demi, trois ans. Mais, ce n’est que le commencement. Car la question pendante qui s’impose est celle-ci : qui va les payer après la formation ? Il n’y a pas de budget pour payer la solde des soldats. C’est d’ailleurs pour cela qu’aux Nations unies, notre mission est d’être là jusqu’à ce que l’Etat du Liberia se dote d’une force de sécurité fiable, financée par le budget national. Ce qui n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. Ici, il existe une Police, une Gendarmerie et une Armée. Et l’Etat a les moyens de payer les soldes. Si la situation au Liberia était similaire à celle de la Côte d’Ivoire, notre mission aurait quittée ce pays.

De loin, les perspectives en Côte d’Ivoire sont très bonnes et prometteuses. Or, en République Démocratique du Congo, il n’ y a pas d’argent, il n’y a pas de budget pour la consolidation de l’armée. Notre mission restera donc dans ce pays jusqu’à ce qu’il ait une armée pour sa sécurisation et le budget nécessaire à son existence.

Depuis l’Accord politique de Ouagadougou, il y a deux ans et demi, personne ne peut contester que la paix et la stabilité sont largement restaurées dans votre pays. Les touristes et toutes les personnes qui visitent les différentes villes d’Afrique de l’ouest pensent qu’Abidjan est l’une des plus belles. Et on nous demande pourquoi nous sommes là. Puisque la paix et la sécurité sont revenues. La vie économique reprend. Les commerces se multiplient, les investisseurs reviennent pas à pas. Qui aurait pensé, il y a deux ans, que l’identification s’achèverait, aujourd’hui, avec plus de 6 millions de la population identifiée, enrôlée ? Et sans incident majeur ? Ce sont des données formidables et très positives qui nous donnent l’assurance que la Côte d’Ivoire va bientôt sortir de la crise pour devenir, encore une fois, le havre de stabilité, de paix et de prospérité pour toute l’Afrique de l’ouest. Il y a néanmoins des défis à relever. Ils ne sont pas du tout minimes. Bien au contraire, ce sont de grands défis. Nous sommes là pour les relever avec vous. Si nous ne faisons pas attention au processus électoral et à la réunification, nous pourrons perdre des aspects positifs que nous avons réussi à obtenir dans ce pays.

Le mois de septembre, je le crois fermement, sera décisif. Pour deux raisons : dans le cadre du processus électoral, pour arriver au 29 novembre, il faudra que la liste définitive soit prête en septembre. Sur le plan du processus de la réunification, c’est la même chose. Deux mois avant l’élection présidentielle, c’est-à-dire avant la fin de septembre, la totalité, ou au moins la majorité des quatre prévisions, notamment l’unicité des caisses, la passation des charges, le profilage devront être réalisés. Cette période est cruciale et sensible pour vous et pour nous. Travaillons ensemble. La devise de l’Onuci est: Travaillons ensemble, main dans la main. Vous sortez de la crise. Et nous nous sortons de la Côte d’Ivoire.

Mandat Onuci

Notre mandat pourrait être divisé en deux, avec la signature de l’Accord Politique de Ouagadougou, en mars 2007. Avant, nous étions directement impliqués dans le processus, pour le mener avec vous, comme un des principaux acteurs. Depuis l’Accord politique de Ouagadougou, le Conseil de sécurité de l’Onu a décidé que le mandat de l’Onuci serait désormais celui de l’accompagnement. C’est-à-dire qu’on vous suit, on vous soutient et on vous assiste. Nous ne planifions pas le calendrier électoral et le processus de réunification. Cela relève de la compétence de la Côte d’Ivoire, à travers la Cei, la Cnsei, et les autres structures chargées de la mise en œuvre de ce plan. Nous ne sommes là que pour vous assister. Cela nous a donné un grand soulagement car avant l’Accord de Ouagadougou, le mandat n’était pas du tout aisé. Mais ce nouveau mandat qui a facilité certaines choses a, en même temps, créé un dilemme pour nous. L’Accord de Ouagadougou envisageait les élections pour novembre 2007 ! Nous avions donc cru, au mois de mars 2007, que notre rôle d’accompagnement s’achèverait une année plus tard. Et nous avions accepté une structure, qui, dans sa configuration actuelle était une mission normale de maintient de paix. Mais il y avait une contradiction avec la mission d’accompagnement, conformément à notre dispositif et le rôle que nous avions à jouer. Nous l’avons acceptée en pensant que tout allait se terminer au bout d’un an. Mais comme vous le savez, la mission a été prolongée, nous sommes entrés dans la troisième année. J’espère que nous relèverons le défi. Si le processus suit son cours normal, que la Côte d’Ivoire sort de la crise, l’année prochaine, nous pourrons envisager notre stratégie de sortie, nous-mêmes. Nous allons diminuer nos effectifs, vous remercier les uns et les autres, et partir, peut-être, dans un endroit plus difficile où l’on a vraiment besoin de notre soutien plus que le peuple ivoirien. Autrement, le dilemme demeure. Avec un budget de 500 millions de dollars par an, plus de 10 000 personnes, pour jouer seulement un rôle d’accompagnement, cela pose une contradiction énorme. J’espère que ces dilemmes seront réglés avec la présidentielle, cette année et les législatives l’année prochaine et, aussi, l’achèvement de la réunification du pays, de facto, avec les élections.

Arbitrage et impartialité

Le nouveau mandat adopté après l’Accord politique de Ouagadougou a divisé et détaché le rôle de certification de celui de l’arbitrage. L’arbitrage, la médiation appartiennent au Facilitateur. La certification du processus électoral, me revient, à moi, personnellement.

Nous avons trois tâches majeures: le maintien de la stabilité et de la paix est notre mandat fondamental. Nous devons sécuriser l’environnement de paix dans votre pays. Il n’y aura pas de tragédie humanitaire ici. Notre deuxième mandat qui va au-delà de l’accompagnement, c’est la certification. Nous devons, absolument, sauvegarder le processus ainsi que le résultat des élections qui sont essentielles pour le pays. Je suis déterminé, avec mes collègues, à sauvegarder le processus et le résultat du scrutin. Sans compromis. A part ces deux mandats, nous avons les ressources tant humaines que matérielles, pour apporter assistance technique, logistique et pourquoi pas politique, au processus. Nous avons apporté les premiers matériels électoraux d’Italie. Nous avons monté l’opération transport avec plus de 300 voitures à l’intérieur du pays pour faciliter l’enrôlement et l’identification, etc. Nous combinons ces trois mandats.

Mécanisme de certification

Nous avions reçu deux mandats, au sujet de la certification, du Conseil de sécurité de l’Onu. Le premier mandat spécial concerne toutes les étapes pour aboutir à des élections libres, transparentes et ouvertes conformément aux standards internationaux. Le second mandat nous incline à certifier, explicitement, la liste électorale définitive ainsi que les résultats.

Les Nations unies ont déjà certifié des élections dans certains endroits, au Timor oriental et au Népal. Mais le contexte est différent, parce que dans ces deux cas, nous avons planifié les élections avec les autorités locales. Ce n’était pas que de l’accompagnement. Nous pouvions donc certifier chaque étape et chaque élément au fur et à mesure qu’évoluait le processus. Ici, ce n’est pas l’Onu qui planifie le processus électoral, ni sa mise en œuvre, mais plutôt la Commission électorale indépendante. Nous sommes là pour le certifier. Il y a donc des situations assez nouvelles, qui, fort heureusement, ont trouvé un accord entre nous, les dirigeants ivoiriens et le Facilitateur, pour certifier les élections selon les niveaux suivants : la paix, l’inclusivité, les médias d’Etat, la liste électorale et les résultats. Ce sont les quatre étapes qui ont été adoptées pour la certification. En ce qui concerne la paix, l’inclusivité et les médias d’Etat, nous allons adopter, comme modus operandi, une certification implicite, parce qu’on ne peut pas explicitement certifier la paix. Chaque jour, chaque semaine et chaque mois, nous faisons le point de la situation. Et s’il y a des problèmes, nous saisirons les acteurs pour qu’ils ne refassent pas la même chose. Si tout se déroule bien, tant mieux. Dans le cas contraire, nous saisirons les institutions nationales pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Et si aucune solution ne s’impose, nous saisirons le Facilitateur pour l’arbitrage. Le dernier recours reste le Conseil de sécurité.

Jusqu’à présent, nous n’avons pas connu de difficultés. Mais nous ne pouvons pas, actuellement, faire une certification explicite des audiences foraines et de l’identification, puisque ces opérations continuent.

Pour la validation de la liste électorale, nous envisageons un Cpc. Avec les principaux acteurs de l’Accord politique de Ouagadougou, nous nous mettrons d’accord sur la liste définitive. Ensuite, avec notre cellule de certification, nous allons amener notre rapport sur le plan technique. Sur la base de ces deux approches, je vais déclarer la certification publique explicite de la liste électorale.



S’agissant du résultat qui est plus sensible, nous avons eu une séance de travail avec le Conseil constitutionnel, la semaine dernière et nous nous sommes entendus sur plusieurs points essentiels. Les deux institutions partagent le même objectif, le principe démocratique ainsi que la sauvegarde des résultats légitimes. La certification doit s’appuyer sur les éléments d’appréciation y compris les résultats définitifs de l’élection. La certification doit donc, par définition, intervenir après que le Conseil constitutionnel a tranché conformément aux dispositions constitutionnelles.



Il y a des gens qui envisagent un conflit entre les deux institutions mais la seule façon pour qu’il en soit ainsi, la seule façon d’envisager une confrontation entre les deux, ce serait d’imaginer un scénario similaire à celui de 2000. C’est-à-dire, quand une institution nationale a été usurpée par ceux qui voulaient s’approprier un résultat légitime. Ça ne passera pas cette fois-ci. Les gens qui entretiennent une telle idée seront déçus. Je n’imagine pas que la haute juridiction puisse agir en dehors de la loi et des intérêts du peuple ivoirien. Je ne pense pas qu’il puisse avoir une tentative d’avorter le résultat légitime. Nous sommes entendus et avons décidé, le Conseil constitutionnel et l’Onuci, de sauvegarder le résultat légitime et démocratique.



Rapports avec les hommes politiques et la population

J’ai une impression assez positive d’être compris par les uns et les autres. Parce qu’à mon arrivée, le pays était divisé. Il y avait la ligne de confiance et les gens, notamment les hommes politiques, ne circulaient pas librement du nord au sud et vice versa. Il y avait des endroits où l’Onuci ne pouvait pas arriver. Mais aujourd’hui, cela n’est qu’un vieux souvenir. Tout le monde circule librement et les candidats à l’élection présidentielle sont même en pré campagne. Depuis l’amélioration de ce climat général, l’Onuci est partout. La radio Onuci Fm est par exemple écoutée partout. A travers elle, nous partageons nos visions sur la sortie de crise. Je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui un problème particulier, ni avec les hommes politiques ni avec les populations. Je ne crois pas que nous ayons des problèmes ni en communication, ni en matière de vision post crise.

Fin de l’enrôlement

Je suis d’accord qu’il faut enrôler, inclure tous les Ivoiriens qui le veulent. Nous avons accompagné le processus notamment en matière de transport avec cet objectif. Ceci dit, notre rôle est de vous accompagner. Et nous sommes déterminés à accompagner tout le processus.

Mais c’est aux Ivoiriens de jouer le jeu. La fin de l’enrôlement a été annoncée par la Commission électorale indépendante, le 30 juin. Mais vous avez un dispositif qui permet aux partis politiques et aux autres de demander une prorogation. En ce moment-là, les instances nationales compétentes en la matière, telles que la Commission électorale indépendante ou la Commission nationale pour la supervision de l’identification, pourraient délibérer sur leur requête. Il n’est donc pas convenable que l’Onuci se prononce sur la question avant la fin du processus. Nous avons un rôle d’accompagnement. Nous attendons.

Désarmement des Fn et formations d’auto-défense

Il faut être clair : le désarmement classique, le fameux désarmement, démobilisation, réinsertion (Ddr), ne marche pas en Côte d’Ivoire, pays qui partage des frontières avec cinq autres pays. Les frontières sont très poreuses et on ne peut pas empêcher la circulation des armes légères. Il n’est donc pas réaliste d’y envisager un désarmement classique. Le désarmement va donc se faire en deux étapes : le désarmement par défaut, avant les élections et le désarmement classique, l’enlèvement des armes après les élections. Mais j’insiste pour dire que le désarmement par défaut consiste à faire en sorte que les gens n’utilisent pas les armes. Il y a des pays où les citoyens possèdent des millions et des millions d’armes individuelles. Mais on ne parle pas de désarmement dans ces pays, parce qu’on est sûr que ces populations ne vont pas les utiliser pour troubler l’ordre public. L’atmosphère de paix qui règne maintenant dans le pays prouve que le désarmement par défaut y est possible. Pour soutenir cela, nous avons l’opération mille microprojets pour montrer aux ex-combattants qu’il y a une alternative. Au lieu de rester ex-combattants ou miliciens, il vaut mieux qu’ils s’engagent à faire de l’élevage, du maraîchage ou d’autres activités. Nous fournissons un fonds sans crédit. L’année dernière, nous avons offert quatre millions de dollars et monté environ six cents microprojets. Notre slogan, du braquage à l’élevage. On ne peut pas dire que nous avons atteint notre objectif à 100%, mais nous avons des résultats encourageants. Avec les Forces de défense et de sécurité, les Forces nouvelles, les forces impartiales, avec le désarmement par défaut, on peut aller aux élections dans un climat apaisé. Après les élections, le gouvernement qui en sera issu fera le désarmement classique. Qui doit faire le désarmement? Mais Ouaga IV est très clair et précis.

Quant au non respect de l’échéance du 29 novembre, je ne peux pas répondre à une question hypothétique. Mais j’espère bien que cette date sera respectée, puisque ça va résoudre nos dilemmes et contradictions chez nous. Nous allons tout faire pour que cette date soit respecté. Il faut respecter l’Accord de Ouagadougou IV. Il y a des prévisions que les Ivoiriens ont établies, il faut les respecter. Et vous avez notre soutien, nos ressources et toute notre énergie.

Réalisations pour la population

C’est vrai, l’Onuci a de grandes ressources. Nous avons un budget annuel de 500 millions de dollars avec plus de dix mille hommes, militaires, policiers et civils. Nous remplissons trois mandants essentiels. D’abord le maintien de la paix et de la sécurité. Nous contribuons à la stabilité et la sécurité de votre pays pour vos populations.

Puis vient la certification. Nous allons mettre tout notre temps, notre imagination et notre intelligence pour sauvegarder le processus électoral et le résultat des élections. Mais je suis d’accord avec vous qu’il faut qu’il ait quelque chose de tangible pour les populations. Très conscient de cela, j’ai lancé l’opération mille microprojets l’année dernière. Alors que notre budget ne prévoit pas ce genre d’activités. C’est une initiative personnelle. L’idée nous est venue au mois de juillet, l’échéance des élections était fin novembre, les combattants devaient être démobilisés, nous avons monté cette opération pour eux (Il n’y avait pas encore le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire), puis nous avons élargi la cible aux jeunes à risque et aux femmes affectées par la crise. Toujours l’année dernière, nous avons lancé la deuxième opération qui est les projets à impact rapide intitulé «Opération cent projets à impact rapide» avec deux millions de dollars que j’ai collectés moi-même. Cela pour être au service réel de la population. La crise a détruit des infrastructures communautaires, tels les écoles, les centres de santé. En plus du fonds de deux millions, nous avons introduit un élément nouveau : l’utilisation de nos forces militaire et policière pour la réalisation de certains projets dans le cadre de cette opération, notamment l’aménagement des écoles, la réparation des pompes, des routes... Cela profite directement aux populations. Avant, nous n’étions pas très bien accueillis. Mais aujourd’hui, nous le sommes à bras ouverts. Et je suis d’avis qu’il faut encore multiplier les projets tangibles en faveur des populations.

Interprétation des résolutions de l’Onu

Les résolutions de l’Onu constituent notre Constitution. Il faut donc les respecter scrupuleusement. Mais heureusement, en Côte d’Ivoire, il y a une évolution nette et claire depuis la signature de l’Accord politique de Ouagadougou. Le point de possibilité de conflit, de tension, a considérablement diminué, quasiment disparu. Nous sommes très satisfait des résultats des résolutions qui ont été arrêtées depuis l’Accord de Ouagadougou.

Problème à Adzopé, Issia, Divo et Lakota

Merci d’évoquer les endroits où nous n’étions pas. Il nous a fallu de la patience, du tact et de l’intelligence pour assurer notre présence dans ces zones que vous citez. Nous avons rencontré les autorités des quatre villes pour solliciter leur opinion et demander en retour des conseils pour savoir comment procéder pour nous établir dans leurs localités. La réponse est qu’il fallait qu’on se parle avant tout. Et j’étais absolument d’accord avec eux. Nous avons parlé avec les élus, les préfets; mais aussi avec les représentants de la jeunesse. Surtout avec ceux-ci. Ainsi que les chefs traditionnels. Il nous est arrivé de parler durant quatre à cinq heures de temps, sans interruption. Nous étions bien préparés parce que la conjoncture a changé en notre faveur et maintenant, nous sommes partenaires. Grâce aux résolutions du Conseil de sécurité. Nous avons insisté sur le partenariat qui nous lie désormais. C’est pourquoi, ils ont accepté au terme des discussions, et admis que nous étions effectivement partenaires. Finalement, ils ont accepté notre présence et nous avons poursuivi avec eux nos opérations de microprojets et de projets à impact rapide. Au début, ils étaient réticents. Mais, je leur ai fait comprendre que ces projets sont entièrement à eux, qu’ils ne seront pas repris. Aujourd’hui, dans ces quatre villes, nous sommes très actifs concernant nos opérations de projets à impact rapide et les microprojets.

Impartialité

Mon credo c’est l’impartialité. C’est la position des Nations unies. Si nous perdons notre impartialité, nous perdons l’essence même de notre mission. J’accorde un point d’honneur à l’impartialité. Si nous la perdons, nous perdons notre autorité aussi. Aux Nations unies, nous ne générons pas de ressources propres, nous dépendons donc des Etats membres pour entretenir les soldats, la police et tout le personnel de soutien. Et nous avons un seul atout que ne peut nous procurer aucun paiement, l’autorité morale qui résulte de l’impartialité. C’est cela que je veux sauvegarder à tous prix. Je suis impartial à 100%. Sinon je conduis tout mon staff dans la voie de la défaite et de la perdition. Avec l’impartialité qui est la clé de voûte du succès, je pense que je continuerai à rester en de bons termes avec tout le monde. Et je suis sûr que je réussirais.

Différends

Pourquoi voulez-vous qu’un régime démocratique soit contesté par des moyens illégitimes ? Face à la violence, que faisons-nous ? Ceux qui prennent la rue violent le principe d’impartialité. Je serai 100% partial en faveur de la démocratie et de la légitimité. Ma position en faveur de celui qui a remporté les élections, c’est ma raison d’être. Si des protagonistes violent l’impartialité, je n’hésiterai pas un seul moment à condamner leurs actes, parce que cela est inacceptable.

Micro-projets

Nous avons décentralisé le processus et prenons en compte les recommandations des préfets des départements et des structures locales. Nous consultons toujours les préfets rester en de bons termes avec tout le monde. Et je suis sûr que je réussirais.

Pourquoi voulez-vous qu’un régime démocratique soit contesté par des moyens illégitimes ? Face à la violence, que faisons-nous ? Ceux qui prennent la rue violent le principe d’impartialité. Je serai 100% partial en faveur de la démocratie et de la légitimité. Ma position en faveur de celui qui a remporté les élections, c’est ma raison d’être. Si des protagonistes violent l’impartialité, je n’hésiterai pas un seul moment à condamner leurs actes, parce que cela est inacceptable.

Nous avons décentralisé le processus et prenons en compte les recommandations des préfets des départements et des structures locales. Nous consultons toujours les préfets, les élus locaux, les coalitions de femmes pour toute recommandation et nous faisons ensemble des réunions, y compris d’ailleurs avec le Pnrrc, pour sélectionner les projets. Nous pouvons aussi être contacté directement, mais nous nous référerons toujours au comité de sélection. Ce sont les autorités locales qui nous recommandent les projets.

Médias d’État

Les règles sont très claires. Avec la sortie de la liste électorale provisoire, il reviendra à la Commission électorale indépendante d’assurer l’accès équitable aux médias d’Etat et la diffusion équitable. Nous assisterons la Commission en cas de violation flagrante et saisirons, si nécessaire, le Facilitateur. Mais j’espère qu’avec la sortie de la liste provisoire, la Commission va fonctionner comme il faut avec nous pour assurer l’accès équitable aux médias d’Etat.

Appui aux médias

Pour la transparence, nous avons deux moyens. C’est vrai qu’il y a les médias, mais il y a aussi un deuxième élément important, ce sont les observateurs. Nous comptons plus de mille observateurs nationaux et internationaux. Nous comptons sur les deux médias, nationaux et internationaux, ainsi que les mille observateurs. Nous avons aussi nous-mêmes des moyens, notamment 1500 agents nationaux civils et neuf mille militaires et policiers. Au fur et à mesure que l’échéance approche, je vais convertir et mobiliser le staff qui s’occupera momentanément du processus électoral. Avec ces trois moyens : médias, observateurs et nos propres ressources, nous allons travailler pour la transparence. Nous souhaitons aussi que les partis politiques soient dans les endroits sensibles. Nous sommes là pour vous aider. Si vous avez des idées précises, vous pouvez les partager avec nous et nous vous soutiendrons.

Réunification du pays

La Côte d’Ivoire n’est pas en faillite, c’est vrai, mais la situation n’est pas normale à 100%. C’est pour cela que nous avons besoin des élections et de la réunification. Cela renvoie à l’image pertinente d’un tableau divisé en deux. Je me souviens d’avoir observé au musée d’Orsay, en face de la salle qui abritait le fameux Déjeuner sur l’herbe de Manet, un tableau, un autre Déjeuner sur l’herbe peint par quatre peintres, il était coupé en quatre morceaux rassemblés.

C’est l’image que j’ai de la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas un tableau net mais ce n’est pas totalement divisé; ce sont des éléments juxtaposés, avec un bois d’encadrement au milieu qu’il faut enlever pour combiner les deux. C’est la tâche de la réunification. Nous allons tout faire pour jumeler les deux tableaux.

Enquêtes sur les fraudes

La Côte d’Ivoire est dans une situation spéciale et assez favorable par rapport à d’autres pays où nous avions des problèmes l’année dernière. Parce que nous avons ici quatre couches anti-fraude ou plutôt pour la transparence. Il y a d’abord le jumelage entre l’Ins et la Sagem, deux opérateurs techniques. Ce n’est pas le cas d’ordinaire. Normalement, on devrait avoir un seul opérateur technique. La Côte d’Ivoire a adopté deux opérateurs pour assurer, elle-même, des mesures anti-fraudes. C’est donc un dispositif formidable. Il coûte cher, mais il rend la fraude difficile, avec les techniques ultra-modernes apportées par la Sagem : biométrie, empreintes, etc. C’est très positif. Ensuite, il y a la Commission électorale indépendante qui a une multiple configuration. De quoi s’inquiète donc-t-on? La Commission est trop indépendante, au point que son fonctionnement s’en trouve affecté. Elle intègre toutes les parties et est elle-même, de part sa composition multipartite, une garantie anti-fraude. Il y a aussi l’Onuci, les forces impartiales. Dans les autres pays, ce n’était pas le cas. Ici, le chef de l’assistance électorale a à peu près deux cents experts dans sa division qui est représentée partout en Côte d’Ivoire. Les forces impartiales sont aussi une source d’information.

La quatrième couche d’information, ce sont les médias et les observateurs. Nous en attendons plus de mille et nous avons une cellule d’appui aux observateurs dans notre division électorale. Je vais me rendre à New York, au Conseil de sécurité, dans deux semaines et je profiterai de cette occasion pour visiter le Carter Center et voir comment assurer la transparence et le contrôle des élections ivoiriennes. Ceci pour dire que nous avons des dispositifs réels et formidables anti-fraudes et pour la transparence. Je suis convaincu que nous avons des dispositifs assez fiables pour faire face à une telle éventualité.

Impact économique

L’économie ivoirienne est tellement importante, c’est 40% de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest que notre poids direct est minime. C’est plutôt notre politique de sécurité qui influence l’économie ivoirienne. A mon arrivée, la phase de sécurité pour notre propre staff de sécurité était au niveau trois. Ce qui empêchait le retour des institutions de financement. Après examen, nous avons baissé le niveau de trois à deux, non pas à votre demande mais à la suite de notre propre analyse. Cela a eu un impact, puisque la Bad a, depuis ce temps, examiné la possibilité d’envisager son retour après les élections.

Équipements de la presse pendant les élections

Notre pratique traditionnelle concernant les voitures réformées, c’est de les vendre aux enchères au marché local. A mon arrivée, nous avons revu cette pratique parce qu’il est de notre devoir d’augmenter la capacité nationale. Nous avons pris nous-mêmes l’initiative et commencé à en offrir aux institutions et au gouvernement à un prix commercial. Nous avons certaines références, les 4x4 après 150 000 Km ou entre six et dix ans, doivent être réformées automatiquement. Nos véhicules sont en bon état, et si nous devons les vendre ici, ils vont coûter six, sept voire dix mille dollars. Nous les avons donc offerts aux institutions avec le prix commercial minime.

Allégation d’abus sexuels

Il n’y a pas d’excuses pour les abus sexuels. C’est la tolérance zéro. On ne peut l’accepter. Nous prétendons être les garants de l’impartialité, et paradoxalement, c’est encore nous qui allons faire du mal à la population que nous sommes venus protéger. C’est absolument inacceptable!

Ce n’est pas l’Onuci, mais les responsables des troupes qui mènent l’enquête. Les cas de flagrants délits facilitent notre tâche, puisque nous pouvons saisir les gouvernements des pays dont les éléments sont concernés. Mais dans les cas où nous sommes informés après les faits, cela nous pose, bien évidemment, un problème, puisque les personnes suspectées ne sont plus là.

Je demande aux Ong et autres associations de partager l’information avec nous, chaque fois qu’elles sont saisies d’un tel dossier. Puisque si les problèmes ne sont pas résolus avec rigueur, c’est la réputation de l’ensemble des Casques bleus qui est compromise. C’est donc dans notre intérêt de régler rapidement ces problèmes. Dans le cas spécifique du contingent marocain, le gouvernement de leur pays a envoyé une équipe d’investigation, appuyée de notre propre équipe. Les Marocains ont opté pour une enquête en s’appuyant sur des tests d’Adn. Nous attendons qu’ils mettent les résultats à notre disposition. Ce n’est pas l’Onuci qui mène directement les investigations. C’est l’Etat marocain. Et ce, en application des conventions que nous avons signées au moment où il constituait les troupes. Aucun pays dans le monde ne veut céder sa souveraineté aux Nations unies.

Unicité des caisses

Ce n’est pas prudent pour moi de porter un jugement sur ce sujet, parce que cela n’entre pas dans mon mandat. D’autant plus que l’Accord de Ouagadougou, que nous soutenons, est très clair et précis sur ce point. C’est une tâche lourde à réaliser, autant que le transfert des compétences aux préfets, le profilage des ex-combattants et le payement de leur compensation, contenus dans l’Accord politique de Ouagadougou. Nous allons apporter notre soutien pour que ces points soient réalisés le plus tôt possible.

Onuci et la Présidentielle

Nous avons une délibération du Conseil de Sécurité sur le 21ème rapport du Secrétaire général ce mois de juillet; nous discuterons formellement de ces questions. C’est en septembre que nous allons avoir des perspectives plus claires, tant sur le plan électoral que sur celui de la réunification. La liste définitive doit être publiée à ce moment-là. Les tâches importantes doivent être réalisées avant la fin de ce mois, puisque ce mois-là est déterminant pour nous.

Attentat contre le Premier ministre

Soyons clairs: le cabinet du Premier ministre a demandé au Conseil de sécurité des Nations unies une enquête du même type que celui qui a été ouvert sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre du Liban, Hariri. Le Conseil de sécurité a refusé après délibération. Il a plutôt proposé au Gouvernement ivoirien de l’assister avec des moyens techniques dont il aurait besoin.

Siège de l’Onuci

Après notre départ, nous laisserons le maximum d’éléments possible à l’Etat de Côte d’Ivoire. Le siège Sébroko, nous le louons, nous payons donc un loyer mensuel. Nous le remettrons en l’état à notre départ.

Soutien aux candidats

Pour l’assistance aux élections, nous attendons des demandes précises que nous allons analyser au regard de nos ressources. Si nous ne sommes pas sollicités, nous ne pouvons pas prendre des initiatives. Nous adoptons ce même comportement avec la Commission électorale indépendante. La sécurité du processus et celle des candidats incombent à l’Etat ivoirien et aux Forces nouvelles. Nous apportons seulement notre soutien.

Il faut distinguer deux instances. D’abord la sécurisation du processus et la protection des candidats. Nous allons apporter une assistance à l’Etat ivoirien à travers le Centre de commandement intégré (Cci).

Contestation des résultats

En cas de remise en cause par violence du résultat électoral, les forces impartiales ont les moyens de coopérer avec les forces de sécurité nationale. Nous ne permettrons pas que des résultats légitimes soient contestés par des moyens violents. Nous utiliserons tous les moyens pour éviter que les résultats légitimes soient contestés.



Propos recueillis par

Paulin Zobo
Pascal Soro
Marc Yevou
Cissé mamadou
Rémi Coulibaly
Diallo Mohamed
coordonnateur
Agnès Kraidy
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