Un conflit foncier oppose depuis maintenant 2 ans, la Société internationale de plantation et de finance en Côte d’Ivoire (SIPEF-CI) au village de Lazoa dans la sous-préfecture d’Okrouyo. Lundi dernier, un affrontement entre agents de cette entreprise et des jeunes de cette localité a fait de nombreux blessés. Notre Voie s’est rendu sur le terrain pour comprendre l’origine de ce conflit.
Lozoa, localité située dans la sous-préfecture d’Okrouyo (département de Soubré), a été le théâtre d’affrontement, vendredi dernier, entre populations autochtones et employés de la Société internationale de plantations et de finance en Côte d’Ivoire (SIPEF-CI). L’on dénombre plusieurs blessés dans les deux camps. La gendarmerie, qui a tenté de s’interposer pour éviter un bain de sang, a vu certains de ses éléments tailladés à la machette par, dit-on, des jeunes de Lazoa. Conséquence, des arrestations dans le rang des autochtones (11) dont le chef de village, Gbogou Gokui Pascal. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on en arrive à cette violence ?
Nous sommes le vendredi 16 juillet 2009. La SIPEF-CI, qui a axé sa politique sur les actions sociales au profit des populations riveraines de ces sites, fait don d’un véhicule 4X4 à la gendarmerie de Soubré. La cérémonie a lieu à Ottawa, dans la sous-préfecture de Okrouyo. Sont présents le préfet de Soubré, Georges Gonbagui, le commandant de la 2ème légion de gendarmerie de Soubré, le Lieutenant-colonel Bamba Vako, et le président du COJEP, Charles Blé Goudé. Après la cérémonie officielle, la délégation se rend à Lazoa pour procéder au lancement d’un planting. Blé Goudé s’entretient même avec la jeunesse du village. Tout semble aller pour le mieux. Il y a même un échange de cadeau entre eux. Mais, le leader du COJEP a-t-il à peine tourné le dos que ces mêmes jeunes s’en prennent aux employés de la SIPEF-CI chargés du planting. Le tractoriste de l’entreprise est lynché. Certains de ses collègues sont bastonnés et blessés. Pourquoi une telle violence sur les agents d’une entreprise qui a posé, en quelques mois seulement, des actions sociales de plus de 63 millions FCFA au profit des populations riveraines de ces sites dont fait partie celles de Lazoa ?
Sur le terrain, avec les nombreuses arrestations qu’il y a eues, ce petit village d’à peine 200 habitants dont seulement 50 autochtones, s’est vidé de ses bras valides. Difficile de connaître les motivations de cette attaque contre les employés de la SIPEF-CI. C’est Bitty Gnizako Philippe, chef central de la tribu Bricolo dont fait partie Lazoa, qui donne un début d’explication. “Les populations de Lazoa ont été trahies par leurs cadres. Ils leur ont dit de résister à la SIPEF-CI pour obliger l’Etat qui a pris leurs terres à les dédommager”, explique-t-il. Entouré de membres du tribunal coutumier, il a fait comprendre que ce village exige de cette entreprise qu’elle les dédommage parce qu’elle exploite leurs terres. N’ayant pas obtenu gain de cause, il a décidé de tout mettre en œuvre pour l’empêcher de faire son planting.
Le préfet de Soubré est plus précis : “Lazoa exige que la SIPEF-CI lui cède 599 ha des terres qu’elle exploite, qu’elle lui paie 50 millions FCFA de redevance par an et étende le réseau électrique du village”. Informations conformées par Léopold Béhi, directeur général de la SIPEF-CI . Avant de préciser que c’est impossible que son entreprise rétrocède une partie de ses parcelles à un quelconque village parce que ces terres font partie du patrimoine de l’Etat.
En effet, comme il l’a expliqué, suite à la privatisation de la Palmindustrie en 1997, trois sociétés ont été créées : la PALM-CI, la PALMAFRIC et la SIPEF-CI. Chacune d’elle a hérité de parcelles de l’Etat. La dernière citée bénéficie d’un bail emphytéotique de 99 ans. “Et, pour ces terres, l’Etat possède un titre foncier. Nos terres sont de 3206 ha attribués par le titre foncier 1819 auquel est adossé notre bail. Nous reversons une redevance en guise de loyer à l’Etat. Pour les parcelles d’Okrouyo, par exemple, nous payons 23 millions par an à l’Etat. J’ai déjà rencontré le président de leur mutuelle, M. Saki Guy, pour le lui expliquer”, a précisé le directeur général. Comme lui, le préfet dit avoir fait comprendre cela aux villageois : “J’ai expliqué à nos parents que, dans le droit positif ivoirien, le titre foncier est incontestable. Je leur ai dit de tourner leurs revendications vers l’Etat et non vers la SIPEF-CI qui est un partenaire, un agent de développement”.
En outre, les populations disent ne plus avoir de terres cultivables. “Faux”, rétorque le préfet. Qui s’interroge : “Pourquoi est-ce qu’ils n’ont plus de terres cultivables et les allogènes en ont. C’est parce qu’ils ont vendu celles qu’ils avaient”. La preuve, a-t-il continué, la SIPEF-CI leur permet de cultiver sur les parcelles qu’ils n’exploitent pas pour le moment, mais ils ne font rien.
Les cadres de Lazoa indexés
Dans ce conflit, de nombreuses personnes voient des mains obscures qui incitent les populations à s’en prendre aux installations de la SIPEF-CI et à ses agents. Zéhé Gnazalé, du village de Babaéroua, pense que ce sont les cadres de Lazoa qui activent le feu. “Ils ont été trahis par leurs cadres”, affirme-t-il. Le directeur général Béhi Léopold a révélé que les populations même disent avoir l’appui de certains de leurs cadres : “Ils nous disent qu’ils ont des parents bien placés dans l’administration, notamment au ministère de l’Intérieur, qui leur ont promis de tout mettre en œuvre pour qu’ils entrent en possession de leurs terres. Car, pour ces derniers, leurs parents ont été expropriés par l’Etat”.
Le préfet Georges Gombagui est formel. Pour lui, les populations villageoises ont le sens de la parole donnée. Il suppose que si elles agissent ainsi, il faut absolument penser à une manipulation. “Ce sont nous, les cadres, qui intoxiquons nos parents avec nos mauvaises idées. Ce sont les cadres qui les manipulent”, soutient-il. Avant d’ajouter : “J’ai rencontré les cadres et ils m’ont dit la terre ou rien. Le problème provient de l’irresponsabilité des cadres”. Comme preuve d’irresponsabilité, il ajoute que les 11 personnes qui ont été arrêtées, ont été relâchées la veille (NDLR : jeudi 23 juillet dernier), sur son intervention et celle du commandant supérieur de la gendarmerie. “Pendant le temps de leur détention, ces cadres qui les incitent à agir ainsi n’ont pas daigné les assister”, a-t-il déploré.
Dans tous les cas, Léopold Béhi est décidé à en finir avec ce litige qui a déjà fait perdre beaucoup d’argent à sa société. “C’est un cas d’indiscipline que nous allons régler tout en respectant le droit. Ça ne peut pas continuer ainsi. Ils ont déjà détruit 300 ha de plants qui étaient grands. Ils les ont vendus à des allogènes. Depuis 2 ans, ça nous fait un manque à gagner de 300 millions FCFA”, a-t-il relevé.
Attention à un conflit inter-villages
De passage dans le canton Bricolo, les populations ne sont pas contentes de l’attitude de leurs frères de Lazoa. Pour eux, ce village veut en réalité bénéficier seul des retombées des actions sociales de la SIPEF-CI. Pour Zéhé Gnazalé du village de Babaéroua, lorsque M. Béhi a pris la tête de cette entreprise, il a promis beaucoup de choses pour notre sous-préfecture. Depuis, des actions palpables ont été constatées sur le terrain. Il cite entre autres des dons de plants de palmiers à huile aux jeunes, des dons de fournitures scolaires aux élèves, la construction d’un poste de gendarmerie. Il s’insurge contre le fait que ce seul village veuille tuer la poule aux œufs d’or. “Ce comportement de Lazoa risque de porter préjudice à toute la tribu Bricolo. Nous ne pouvons l’admettre”, dénonce-t-il. Avant d’ajouter : “Nous sommes aujourd’hui frustrés et ne pouvons accepter plus longtemps leurs railleries. D’ailleurs, ce village n’est pas de la tribu Bricolo à l’origine. Ce sont des gens qui viennent de Guitry. Logiquement, ils n’ont pas de terres ici”.
Propos confirmé, en d’autres termes, par le préfet : “les terres de la SIPEF-CI sont situées dans la sous-préfecture de Okrouyo. Alors que Lazoa est rattaché à Liliyo”.
Dans tous les cas, l’Etat, déjà indexé pour n’avoir pas respecté ses engagements vis-à-vis des populations de cette zone au moment de la création de l’ex-Palmindustrie, ce qui est la résultante des rapports difficiles entre la SIPEF-CI et Lazoa, doit prendre ses responsabilités pour régler définitivement le litige. Cette fois, il n’y a pas eu de mort d’hommes. Mais, personne ne garantit qu’il en sera de même prochainement. Surtout que la tension reste encore vive.
Koné Modeste envoyé spécial Konemo2002@yahoo.fr
Lozoa, localité située dans la sous-préfecture d’Okrouyo (département de Soubré), a été le théâtre d’affrontement, vendredi dernier, entre populations autochtones et employés de la Société internationale de plantations et de finance en Côte d’Ivoire (SIPEF-CI). L’on dénombre plusieurs blessés dans les deux camps. La gendarmerie, qui a tenté de s’interposer pour éviter un bain de sang, a vu certains de ses éléments tailladés à la machette par, dit-on, des jeunes de Lazoa. Conséquence, des arrestations dans le rang des autochtones (11) dont le chef de village, Gbogou Gokui Pascal. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on en arrive à cette violence ?
Nous sommes le vendredi 16 juillet 2009. La SIPEF-CI, qui a axé sa politique sur les actions sociales au profit des populations riveraines de ces sites, fait don d’un véhicule 4X4 à la gendarmerie de Soubré. La cérémonie a lieu à Ottawa, dans la sous-préfecture de Okrouyo. Sont présents le préfet de Soubré, Georges Gonbagui, le commandant de la 2ème légion de gendarmerie de Soubré, le Lieutenant-colonel Bamba Vako, et le président du COJEP, Charles Blé Goudé. Après la cérémonie officielle, la délégation se rend à Lazoa pour procéder au lancement d’un planting. Blé Goudé s’entretient même avec la jeunesse du village. Tout semble aller pour le mieux. Il y a même un échange de cadeau entre eux. Mais, le leader du COJEP a-t-il à peine tourné le dos que ces mêmes jeunes s’en prennent aux employés de la SIPEF-CI chargés du planting. Le tractoriste de l’entreprise est lynché. Certains de ses collègues sont bastonnés et blessés. Pourquoi une telle violence sur les agents d’une entreprise qui a posé, en quelques mois seulement, des actions sociales de plus de 63 millions FCFA au profit des populations riveraines de ces sites dont fait partie celles de Lazoa ?
Sur le terrain, avec les nombreuses arrestations qu’il y a eues, ce petit village d’à peine 200 habitants dont seulement 50 autochtones, s’est vidé de ses bras valides. Difficile de connaître les motivations de cette attaque contre les employés de la SIPEF-CI. C’est Bitty Gnizako Philippe, chef central de la tribu Bricolo dont fait partie Lazoa, qui donne un début d’explication. “Les populations de Lazoa ont été trahies par leurs cadres. Ils leur ont dit de résister à la SIPEF-CI pour obliger l’Etat qui a pris leurs terres à les dédommager”, explique-t-il. Entouré de membres du tribunal coutumier, il a fait comprendre que ce village exige de cette entreprise qu’elle les dédommage parce qu’elle exploite leurs terres. N’ayant pas obtenu gain de cause, il a décidé de tout mettre en œuvre pour l’empêcher de faire son planting.
Le préfet de Soubré est plus précis : “Lazoa exige que la SIPEF-CI lui cède 599 ha des terres qu’elle exploite, qu’elle lui paie 50 millions FCFA de redevance par an et étende le réseau électrique du village”. Informations conformées par Léopold Béhi, directeur général de la SIPEF-CI . Avant de préciser que c’est impossible que son entreprise rétrocède une partie de ses parcelles à un quelconque village parce que ces terres font partie du patrimoine de l’Etat.
En effet, comme il l’a expliqué, suite à la privatisation de la Palmindustrie en 1997, trois sociétés ont été créées : la PALM-CI, la PALMAFRIC et la SIPEF-CI. Chacune d’elle a hérité de parcelles de l’Etat. La dernière citée bénéficie d’un bail emphytéotique de 99 ans. “Et, pour ces terres, l’Etat possède un titre foncier. Nos terres sont de 3206 ha attribués par le titre foncier 1819 auquel est adossé notre bail. Nous reversons une redevance en guise de loyer à l’Etat. Pour les parcelles d’Okrouyo, par exemple, nous payons 23 millions par an à l’Etat. J’ai déjà rencontré le président de leur mutuelle, M. Saki Guy, pour le lui expliquer”, a précisé le directeur général. Comme lui, le préfet dit avoir fait comprendre cela aux villageois : “J’ai expliqué à nos parents que, dans le droit positif ivoirien, le titre foncier est incontestable. Je leur ai dit de tourner leurs revendications vers l’Etat et non vers la SIPEF-CI qui est un partenaire, un agent de développement”.
En outre, les populations disent ne plus avoir de terres cultivables. “Faux”, rétorque le préfet. Qui s’interroge : “Pourquoi est-ce qu’ils n’ont plus de terres cultivables et les allogènes en ont. C’est parce qu’ils ont vendu celles qu’ils avaient”. La preuve, a-t-il continué, la SIPEF-CI leur permet de cultiver sur les parcelles qu’ils n’exploitent pas pour le moment, mais ils ne font rien.
Les cadres de Lazoa indexés
Dans ce conflit, de nombreuses personnes voient des mains obscures qui incitent les populations à s’en prendre aux installations de la SIPEF-CI et à ses agents. Zéhé Gnazalé, du village de Babaéroua, pense que ce sont les cadres de Lazoa qui activent le feu. “Ils ont été trahis par leurs cadres”, affirme-t-il. Le directeur général Béhi Léopold a révélé que les populations même disent avoir l’appui de certains de leurs cadres : “Ils nous disent qu’ils ont des parents bien placés dans l’administration, notamment au ministère de l’Intérieur, qui leur ont promis de tout mettre en œuvre pour qu’ils entrent en possession de leurs terres. Car, pour ces derniers, leurs parents ont été expropriés par l’Etat”.
Le préfet Georges Gombagui est formel. Pour lui, les populations villageoises ont le sens de la parole donnée. Il suppose que si elles agissent ainsi, il faut absolument penser à une manipulation. “Ce sont nous, les cadres, qui intoxiquons nos parents avec nos mauvaises idées. Ce sont les cadres qui les manipulent”, soutient-il. Avant d’ajouter : “J’ai rencontré les cadres et ils m’ont dit la terre ou rien. Le problème provient de l’irresponsabilité des cadres”. Comme preuve d’irresponsabilité, il ajoute que les 11 personnes qui ont été arrêtées, ont été relâchées la veille (NDLR : jeudi 23 juillet dernier), sur son intervention et celle du commandant supérieur de la gendarmerie. “Pendant le temps de leur détention, ces cadres qui les incitent à agir ainsi n’ont pas daigné les assister”, a-t-il déploré.
Dans tous les cas, Léopold Béhi est décidé à en finir avec ce litige qui a déjà fait perdre beaucoup d’argent à sa société. “C’est un cas d’indiscipline que nous allons régler tout en respectant le droit. Ça ne peut pas continuer ainsi. Ils ont déjà détruit 300 ha de plants qui étaient grands. Ils les ont vendus à des allogènes. Depuis 2 ans, ça nous fait un manque à gagner de 300 millions FCFA”, a-t-il relevé.
Attention à un conflit inter-villages
De passage dans le canton Bricolo, les populations ne sont pas contentes de l’attitude de leurs frères de Lazoa. Pour eux, ce village veut en réalité bénéficier seul des retombées des actions sociales de la SIPEF-CI. Pour Zéhé Gnazalé du village de Babaéroua, lorsque M. Béhi a pris la tête de cette entreprise, il a promis beaucoup de choses pour notre sous-préfecture. Depuis, des actions palpables ont été constatées sur le terrain. Il cite entre autres des dons de plants de palmiers à huile aux jeunes, des dons de fournitures scolaires aux élèves, la construction d’un poste de gendarmerie. Il s’insurge contre le fait que ce seul village veuille tuer la poule aux œufs d’or. “Ce comportement de Lazoa risque de porter préjudice à toute la tribu Bricolo. Nous ne pouvons l’admettre”, dénonce-t-il. Avant d’ajouter : “Nous sommes aujourd’hui frustrés et ne pouvons accepter plus longtemps leurs railleries. D’ailleurs, ce village n’est pas de la tribu Bricolo à l’origine. Ce sont des gens qui viennent de Guitry. Logiquement, ils n’ont pas de terres ici”.
Propos confirmé, en d’autres termes, par le préfet : “les terres de la SIPEF-CI sont situées dans la sous-préfecture de Okrouyo. Alors que Lazoa est rattaché à Liliyo”.
Dans tous les cas, l’Etat, déjà indexé pour n’avoir pas respecté ses engagements vis-à-vis des populations de cette zone au moment de la création de l’ex-Palmindustrie, ce qui est la résultante des rapports difficiles entre la SIPEF-CI et Lazoa, doit prendre ses responsabilités pour régler définitivement le litige. Cette fois, il n’y a pas eu de mort d’hommes. Mais, personne ne garantit qu’il en sera de même prochainement. Surtout que la tension reste encore vive.
Koné Modeste envoyé spécial Konemo2002@yahoo.fr