A Ouaga, nous avons rencontré Koné Zakaria, le célèbre chef de guerre des Forces nouvelles, tombé en disgrâce et exilé au Burkina Faso. Nous avons ainsi été témoins des tractations en cours pour ramener l'entente dans la famille de Forces nouvelles. Et pour faire entendre raison à l'enfant-terrible de Vavoua. Ce n'est pas Koné Zakaria, le chef de guerre, l'ex-commandant de la zone 5 des Forces nouvelles que nous avons rencontré cette nuit-là au bar de l'atrium de l'hôtel Azalaï Indépendance de Ouaga. C'est avec El hadj Koné Djakaridja, le père de famille tranquille, discret, à la limite débonnaire que nous avons taillé un brin de causette. Bien sûr, il s'agit de la même personne, mais ce n'est plus le même homme. Il est 22 heures 10 quand il descend de son véhicule tout-terrain VW Touareg immatriculé au Togo. Un moteur V6, bien sûr ! Le véhicule, doté de larges empattements sur les flancs, est équipé d'un énorme pare-buffles dont le nickel illumine cette nuit ouagalaise. Il a plu ce matin du lundi 10 août, il fait frisquet, mais le gabarit sportif de l'athlète qui descend du 4X4 bleu nuit le protège de la fraîcheur ambiante. Habillé d'un complet Blue jeans sombre, il se cache derrière une casquette, bleue elle aussi. On se rend compte que le vêtement qu'il porte ne sert pas qu'à le vêtir. Il lui sert aussi de camouflage urbain. Son véhicule également a vocation à le camoufler à la vue des gens. En effet, les films sombres qui sont apposées sur les vitres, rendent l'intérieur du véhicule totalement opaque. Il se dirige tête baissée vers l'intérieur du palace, franchissant les flaques d'eau que ses énormes chaussures Timberland franchissent prestement. Mais qui a connu Koné Zakaria, l'ex-homme fort de Vavoua et Séguéla ne peut se tromper. C'est bien lui. Sa barbe bicorne est restée la même. Son regard noir n'a pas changé. Quand il entre dans le bar, d'instinct, il adopte le profil bas. Il essaie de passer sans attirer l'attention. Glissant comme une ombre, il rejoint un homme, qui l'attendait depuis une demi-heure. C'est un médiateur bien connu, un missi dominici, un facilitateur. Quand «Zak» ou «Djakis» s'installe, je me joins à eux. Le facilitateur en question est mon contact à Ouaga, où il bénéficie d'un fort entregent. Dès que Zakaria est assis, les présentations sont faites. Il sait qui je suis, que je suis journaliste et les raisons de ma présence à Ouaga. Pendant que nous parlons, un Ivoirien qui loge à l'hôtel Indépendance, assis au bar, nous dévisage longuement. Il me reconnaît, reconnaît également sans peine l'intermédiaire et finit par reconnaître Koné Zakaria. Il s'approche, salue avec chaleur et se présente : Diomandé Adama. Il est mahouka de Touba. Au nom de l'alliance entre mahoukas et koyakas, Zakaria le chahute. «Vous les mahoukas, on vous connaît ! On sait que l'invocation que vous faites après chacune de vos prières, c'est : Allah an dia mousso gbê lou yé (Que Dieu nous fasse aimer des femmes claires, Ndlr) ». Ce à quoi l'autre répond que ce sont les koyakas, qui les ont instruits, qui leur ont appris cette invocation-là. L'importun éloigné, les discussions s'engagent entre le chef de guerre sanctionné par sa hiérarchie et placé en résidence surveillée au Burkina Faso et l'homme de l'ombre. Deux longues heures de tractations sécrètes, sensibles. De ces conversations, nous n'aurons que l'os, pas la moelle. Koné Zakaria tient à lever toute équivoque, avec moi.
Koné Zakaria, le musulman mystique
«Mon frère, je n'allais jamais accepter de faire des photos avec un journaliste. Mais le grand-frère m'a demandé d'accepter. C'est pour son respect que j'ai accepté de faire ces photos et de causer avec toi.» Et de continuer : «Si je suis sorti de chez moi cette nuit pour venir dans un hôtel, c'est vraiment rare. Depuis que toi tu me connais, tu as déjà entendu une fois que je suis allé dans un bar, un maquis ou dans une boîte de nuit pour m'amuser ou prendre un pot? » me demande-t-il. Je cherche quoi lui répondre, mais je ne trouve pas. Il continue : «ici à Ouaga, je ne sors pas de chez moi. Même dans la rue, tu ne me verras pas. Je préfère rester chez moi avec ma famille. A partir de 19 heures, personne ne peut me voir dehors». A Ouaga, le soldat en disgrâce affirme consacrer beaucoup de temps à sa femme et à ses enfants, ainsi qu'à la prière et à la méditation. Le médiateur confirme : «façon toi ton front est noir-là, Zak prie plus que toi et fait beaucoup plus de zikrs (invocations) que certains imams. Là, il est en plein travail sur lui-même. Depuis son retour de la Mecque, il a saisi beaucoup de choses de la vie ». Un détail que j'avais remarqué : dans le véhicule de l'ancien chef de guerre, deux chapelets de prière s'entrecroisent sur le support du rétroviseur intérieur. Signe de sa dévotion toute retrouvée. Sans rien trahir de fondamental, nous pouvons dire que Koné Zakaria vit à l'aise à Ouaga. C'est vrai, il est en pleine traversée du désert. Il a perdu son commandement. Il est en exil loin de son pays. Il est sous sanction de sa hiérarchie. Mais il ne meurt pas de faim. Selon les confidences d'un célèbre patron de presse, il vit sans tapages certes, mais n'empêche qu'il a quelques grosses cylindrées dans son parking. Et de se livrer au décompte de ce qu'il croit savoir du parc immobilier ouagavillois de l'exilé ivoirien. Koné Zakaria affirme qu'il n'a jamais été dans la ligne de l'insubordination envers sa hiérarchie, encore moins envers le secrétaire général des Forces nouvelles. Selon les bribes d'information recueillies, son absence au regroupement de ses éléments en vue de leur cantonnement à Séguéla relève d'un simple malentendu. Il soutient qu'il était en vacances dans le golfe arabique, muni d'un ordre de mission, quand le regroupement de ses hommes a été programmé. D'où son absence, qui n'est point une défiance.
Bientôt la fin de la traversée du désert ?
Il pense que la jalousie et la méchanceté de certains de ses frères d'armes ont contribué pour beaucoup dans sa mise au placard. Ce qui lui arrive, pense-t-il, c'est le destin. Et qu'il faut assumer la vie avec ses joies, mais aussi avec ses peines. Mais son désir de rentrer est intact. Il ne cache pas qu’il ne se sent bien qu’au pays, et qu’il retrouver les siens, les Forces nouvelles. Le médiateur, expert en belles lettres, de ponctuer : «c'est la traversée du désert qui consolide les âmes fortes et fragilise les âmes faibles ». Zakaria a parlé pendant près de 2 heures avec son interlocuteur. Ils ont discuté de pardon, de la nécessité de revenir à l'amour et à la concorde entre frères d'armes, du risque de fragilisation des Forces nouvelles. Ils ont longuement épilogué «sur les sacrifices consentis par les frères au nom de la cause». Beaucoup de souffrances morales et physiques, vécues par les uns et les autres, ont été évoquées au cours de ces discussions. Les torts réciproques ont été mis sur la table pour être examinés. Selon nos sources, l'on est arrivé à la conclusion que beaucoup de choses sont arrivées, qui auraient pu être évitées aisément, si l'on se parlait plus souvent. Il est minuit passé quand il décide de regagner ses pénates. Les deux hommes sont contents des discussions amorcées. Ils pensent que beaucoup de choses positives peuvent en sortir. Et que ces entretiens nocturnes permettront à Guillaume Soro de comprendre que Zakaria Koné n'est pas son ennemi. Et que Zakaria Koné n'est pas l'ennemi des Forces nouvelles et de la paix. Il est évident que l'homme attend sa réhabilitation avec résignation, certes mais comme le fruit de sa traversée du désert. « Ce sont nos sacrifices communs qui ont bâti le mouvement des Forces nouvelles et moi Koné Zakaria, je ne serai pas celui qui va contribuer à déstabiliser ce que nous avons créé ensemble» nous confie le médiateur, citant son vis-à-vis, pour mettre un terme à nos entretiens. Et le soldat Zakaria repart comme il est venu. Discret. Silencieux. Effacé.
Touré Moussa, envoyé spécial à Ouaga
Koné Zakaria, le musulman mystique
«Mon frère, je n'allais jamais accepter de faire des photos avec un journaliste. Mais le grand-frère m'a demandé d'accepter. C'est pour son respect que j'ai accepté de faire ces photos et de causer avec toi.» Et de continuer : «Si je suis sorti de chez moi cette nuit pour venir dans un hôtel, c'est vraiment rare. Depuis que toi tu me connais, tu as déjà entendu une fois que je suis allé dans un bar, un maquis ou dans une boîte de nuit pour m'amuser ou prendre un pot? » me demande-t-il. Je cherche quoi lui répondre, mais je ne trouve pas. Il continue : «ici à Ouaga, je ne sors pas de chez moi. Même dans la rue, tu ne me verras pas. Je préfère rester chez moi avec ma famille. A partir de 19 heures, personne ne peut me voir dehors». A Ouaga, le soldat en disgrâce affirme consacrer beaucoup de temps à sa femme et à ses enfants, ainsi qu'à la prière et à la méditation. Le médiateur confirme : «façon toi ton front est noir-là, Zak prie plus que toi et fait beaucoup plus de zikrs (invocations) que certains imams. Là, il est en plein travail sur lui-même. Depuis son retour de la Mecque, il a saisi beaucoup de choses de la vie ». Un détail que j'avais remarqué : dans le véhicule de l'ancien chef de guerre, deux chapelets de prière s'entrecroisent sur le support du rétroviseur intérieur. Signe de sa dévotion toute retrouvée. Sans rien trahir de fondamental, nous pouvons dire que Koné Zakaria vit à l'aise à Ouaga. C'est vrai, il est en pleine traversée du désert. Il a perdu son commandement. Il est en exil loin de son pays. Il est sous sanction de sa hiérarchie. Mais il ne meurt pas de faim. Selon les confidences d'un célèbre patron de presse, il vit sans tapages certes, mais n'empêche qu'il a quelques grosses cylindrées dans son parking. Et de se livrer au décompte de ce qu'il croit savoir du parc immobilier ouagavillois de l'exilé ivoirien. Koné Zakaria affirme qu'il n'a jamais été dans la ligne de l'insubordination envers sa hiérarchie, encore moins envers le secrétaire général des Forces nouvelles. Selon les bribes d'information recueillies, son absence au regroupement de ses éléments en vue de leur cantonnement à Séguéla relève d'un simple malentendu. Il soutient qu'il était en vacances dans le golfe arabique, muni d'un ordre de mission, quand le regroupement de ses hommes a été programmé. D'où son absence, qui n'est point une défiance.
Bientôt la fin de la traversée du désert ?
Il pense que la jalousie et la méchanceté de certains de ses frères d'armes ont contribué pour beaucoup dans sa mise au placard. Ce qui lui arrive, pense-t-il, c'est le destin. Et qu'il faut assumer la vie avec ses joies, mais aussi avec ses peines. Mais son désir de rentrer est intact. Il ne cache pas qu’il ne se sent bien qu’au pays, et qu’il retrouver les siens, les Forces nouvelles. Le médiateur, expert en belles lettres, de ponctuer : «c'est la traversée du désert qui consolide les âmes fortes et fragilise les âmes faibles ». Zakaria a parlé pendant près de 2 heures avec son interlocuteur. Ils ont discuté de pardon, de la nécessité de revenir à l'amour et à la concorde entre frères d'armes, du risque de fragilisation des Forces nouvelles. Ils ont longuement épilogué «sur les sacrifices consentis par les frères au nom de la cause». Beaucoup de souffrances morales et physiques, vécues par les uns et les autres, ont été évoquées au cours de ces discussions. Les torts réciproques ont été mis sur la table pour être examinés. Selon nos sources, l'on est arrivé à la conclusion que beaucoup de choses sont arrivées, qui auraient pu être évitées aisément, si l'on se parlait plus souvent. Il est minuit passé quand il décide de regagner ses pénates. Les deux hommes sont contents des discussions amorcées. Ils pensent que beaucoup de choses positives peuvent en sortir. Et que ces entretiens nocturnes permettront à Guillaume Soro de comprendre que Zakaria Koné n'est pas son ennemi. Et que Zakaria Koné n'est pas l'ennemi des Forces nouvelles et de la paix. Il est évident que l'homme attend sa réhabilitation avec résignation, certes mais comme le fruit de sa traversée du désert. « Ce sont nos sacrifices communs qui ont bâti le mouvement des Forces nouvelles et moi Koné Zakaria, je ne serai pas celui qui va contribuer à déstabiliser ce que nous avons créé ensemble» nous confie le médiateur, citant son vis-à-vis, pour mettre un terme à nos entretiens. Et le soldat Zakaria repart comme il est venu. Discret. Silencieux. Effacé.
Touré Moussa, envoyé spécial à Ouaga