Ministère des Affaires étrangères : La mort de 3 ambassadeurs crée la psychose

Le climat en apparence studieux régnant au bloc ministériel sis à Abidjan-Plateau cache en réalité une psychose doublée de colère. La mort récente de trois diplomates justifie cette atmosphère délétère au siège du ministère ivoirien des Affaires étrangères. Les quelque 800 diplomates de l’effectif global du ministère des Affaires étrangères, y compris les agents en poste à l’étranger, ruminent une grosse colère depuis quelque temps. Surtout après le décès de trois des leurs, tous emportés par une crise cardiaque. Sous le sceau de l’anonymat, des diplomates rencontrés, le week-end dernier, relatent la disparition subite de leurs collègues. Ils pointent tous le doigt accusateur vers leur département central qui ferait prévaloir « le clientélisme, le favoritisme et l’immobilisme » dans la gestion du ministère sur les priorités réelles du département. “Le ministre (Youssouf Bakayoko) et son cabinet ont décidé d’exercer au département central (autre appellation du ministères des Affaires étrangères) un règne éminemment politicien qui ne fait pas du décret d’application de la loi portant statut du Corps Diplomatique devant mettre fin à un feuilleton qui dure depuis près d’une décennie, une priorité. C’est le lieu aussi de rappeler l’absence de couverture médicale pour le personnel du ministère des Affaires étrangères. Pourtant, le président de la République (Laurent Gbagbo) avait donné instruction au ministre des Affaires étrangères pour la mise en place d’une assurance- maladie en faveur de l’ensemble des diplomates qui serait prise en charge par le budget de la Présidence. Après les travaux sur cette assurance-maladie, le projet a été curieusement classé par le département central ”, accuse un diplomate. Avant d’exposer les circonstances du décès des diplomates Kaba Djénébou Camara, Konan Kramo et Kra Kra René. “L’ambassadeur Kaba Djénébou Camara était précédemment ambassadeur de Côte d’Ivoire au Canada. Affectée au Canada en juillet 2004, elle a été rappelée au département central en mai 2008, après moins de quatre années d’exercice, alors que la règle l’autorise à séjourner pendant six ans en poste. Le ministre lui avait promis le poste de Secrétaire général du ministère. Elle ne sera pas nommée à ce poste qui est revenu à l’ambassadeur Konan N’Guessan Marcel, ancien ambassadeur de Côte d’Ivoire en Egypte, un proche du ministre. La tutelle promettra un autre poste à l’ambassadeur Kaba, celui de Directeur de Cabinet. Mme Kaba Djénébou Camara n’aura pas encore ce poste que le ministre attribuera à un autre de ses proches, M. Jérôme Kloh-Weyah. La promesse faite à l’ambassadeur Kaba Djénébou est ensuite revue à la baisse par le ministre qui lui a signifié qu’elle sera finalement nommée directeur de département. A la grande surprise de Mme Kaba, le cabinet du ministre la convoque, le 26 novembre 2008, pour lui annoncer qu’elle est invitée à faire valoir ses droits à la retraite. Deux jours après cette nouvelle inattendue, soit le 28 novembre 2008, elle sera foudroyée par une crise cardiaque”. A l’instar de l’ambassadeur Kaba Djénébou, deux autres diplomates succomberont d’une crise cardiaque que de nombreux agents du ministère des Affaires étrangères attribuent, au dire de nos interlocuteurs, “au climat de sape” entretenu par le département central. “Le deuxième cas de décès par crise cardiaque est celui de l’ambassadeur Konan Kramo,ancien Ambassadeur en Chine et précédemment en fonction à l’inspection des postes diplomatiques. Rappelé au département central en 2005, il devrait être réaffecté à l’étranger après trois années, donc en 2008. Souffrant déjà d’un problème cardiaque qui l’obligeait à porter une batterie servant à pallier les défaillances de son cœur, il espérait que sa mutation à l’étranger lui permettrait d’avoir une meilleure marge de manœuvre pour se soigner. Il attendra en vain une décision d’affectation du ministère. L’ambassadeur Konan Kramo est décédé par crise cardiaque le 2 juin 2009”, poursuit l’une de nos sources. Avant d’ajouter que “le dernier cas de décès qui a écœuré tout le personnel du ministère des Affaires étrangères et accentué la psychose est celui de M. Kra Kra René, Sous-directeur de la protection des personnes et des biens au département des Ivoiriens de l’étranger (DIE)”. En effet, poursuit le diplomate, Kra Kra René attendait inlassablement “ son hypothétique affectation” lorsqu’il est mort d’une crise cardiaque dans la nuit du 29 au 30 juillet 2009. “Annoncé d’abord comme premier conseiller en Corée du Sud, puis en Inde, il ne savait plus à quel saint se vouer tant sa situation paraissait incertaine.

D’autant que le ministre a envoyé à Séoul- où les traitements salariaux sont les plus élevés compte tenu du niveau de vie- l’un de ses protégés. Kra Kra René accuse le choc. Il n’était pas encore au bout de ses surprises (désagréables). L’Inde lui sera aussi ravie. Il apprend qu’il sera peut-être affecté en libye.

Psychologiquement atteint, il sera brutalement arraché à l’affection des siens”.

Didier Depry didierdepri@yahoo.fr