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Économie Publié le jeudi 27 août 2009 | Notre Voie

Campagne agricole café-cacao 2009-2010 / Fulgence N’Guessan, PCA de Kavokiva du Haut-Sassandra : "Les producteurs doivent faire en sorte de ne plus subir le marché"

Pendant que tous les acteurs de la filière attendent impatiemment l’ouverture officielle de la campagne café-cacao 2009-2010, les acheteurs privés et les pisteurs s’en mettent plein les poches. Dans cet entretien, Fulgence N’Guessan, président de la coopérative agricole Kavokiva du Haut-Sassandra invite les producteurs à prendre leur destin en main. Notre Voie : Bien que la campagne agricole n’ait pas été encore lancée, on apprend que les producteurs ont commencé à mettre du cacao sur le marché. En votre qualité de président de la coopérative agricole Kavokiva du Haut Sassandra, pouvez-vous dire quelle est aujourd’hui la réalité du terrain ? Fulgence N’Guessan : La campagne est, pour le moment, officieuse. Mais officiellement, elle s’ouvre dans un mois. Effectivement, la production a été précoce cette année. Ce qui nous oblige à commencer la campagne. Malheureusement, comme les coopératives ne sont pas sur le terrain, les acheteurs de produits et les pisteurs offrent des prix qui ne sont pas forcément rémunérateurs aux planteurs. N.V. : Dans quelle fourchette se situent ces prix ? F.N. : Aujourd’hui, le prix Londres est de 1400 FCFA. Et en Côte d’Ivoire, le cacao est entré à l’usine entre 600 FCFA et 700 FCFA. Alors qu’au bord champ, les acheteurs et les pisteurs prennent le cacao à 300 FCFA ou à 350 FCFA. Ça veut dire que la marge bénéficiaire est beaucoup plus importante que le prix auquel il a été pris au producteur. Et c’est tout ceci qui a obligé la coopérative agricole Kavokiva du Haut Sassandra à commencer très tôt la campagne en offrant à nos sociétaires des prix qui varient entre 450 FCFA et 500 FCFA. Aujourd’hui, quand à Abidjan le prix est à 650 FCFA, nous pouvons acheter à 500 FCFA puisqu’il y a des charges d’évacuation du produit. Et quand ça paye à 700 FCFA, nous pouvons aller jusqu’à 650 FCFA. Mais si on ne commençait pas tôt la campagne, les planteurs allaient subir le marché. Or, en tant que planteurs, nous voulons maintenant faire le marché. N.V. : Est-ce que cela veut dire que votre coopérative a déjà reçu de la filière le financement de la campagne 2009-2010 ? F.N. : Nous n’attendons pas forcément le financement de la filière café-cacao. Nous sommes une coopérative qui pratique le système de dépôt vente. Lorsque le cacao du planteur est sec, nous lui faisons une avance sur la recette attendue compte tenu de la rentrée qui est proche et des difficultés nombreuses que connaît le producteur. Et puis, nous acheminons le produit sur Abidjan. Nous lui payons le reliquat à notre retour. Mais nous trouvons normal d’avancer toujours un peu d’argent. Nous avons une réserve qui nous aide à démarrer ainsi la campagne agricole. N.V. : Devrions-nous comprendre qu’à un mois de la campagne, vous n’avez pas encore reçu de financement ni de l’Etat ni de la filière café-cacao ? F.N. : Non. Nous n’avons pas encore reçu de financement ni de la filière ni de l’Etat. Mais le financement, lui-même, il n’y en a pas eu l’année dernière. Vous savez, il y a une nouvelle équipe qui a voulu financer. Mais ça n’a pas été possible avec son mécanisme mis en place ? N.V. : Quel était ce mécanisme ? F.N. : Le Comité de gestion de la filière café-cacao qui a été mis en place a demandé aux coopératives de déposer leurs dossiers de financement aux banques pour un financement classique. C’était un peu compliqué pour nous dès lors que nous avons initié un prélèvement pour nous autofinancer. On ne pouvait donc plus nous ramener à la banque pour un financement classique dont le double d’intérêt est de l’ordre de 20 %. Nous nous sommes dit, on ne peut pas cotiser de l’argent qui est en banque et puis on va nous le vendre. Personnellement, j’ai trouvé que ce mécanisme était mauvais. Mais on n’a pas voulu en parler pour éviter que notre combat ne donne les mêmes effets que nos palabres précédentes. Celles-ci avaient été accompagnées de plaintes et les dirigeants d’alors de la filière café-cacao ont été incarcérés. On a donc laissé le système pour voir jusqu’où ça pouvait aller. La réalité est là. Je ne connais aucune coopérative qui a été financée au cours de la dernière campagne 2008-2009. Pour la campagne qui arrive, je ne connais pas encore leur plan. N.V. : Vous êtes aussi président de l’Union des coopératives exportatrices du café-cacao de Côte d’Ivoire (UCOOPEX-CI). Quel est actuellement l’impact du non financement des coopératives sur vos activités ? F.N. : C’est une bonne question. En tant que jeunes producteurs, nous nous sommes dit que nous ne pouvions plus produire pour vendre notre cacao à un passant. C’est ce qui nous a conduit à mettre en place notre union pour exporter notre production. Notre objectif était de commercialiser, dans les 3 premières années, 50 % de la production nationale. Et on était bien parti puisque la première campagne, nous avons commercialisé 14 % de la production nationale. Mais au moment où on était près de 20 % pour atteindre 30 %, le Comité de gestion de la filière café-cacao a été mis en place et il n’y a pas eu de financement. Ça nous a ramené à 7 % d’exportation de la production nationale. C’est la catastrophe. Je pense que ce sont des choses qu’il faut corriger. N.V. : Avez-vous une solution ? F.N. : Il faut dire que les discussions entre les acteurs de la filière et le comité n’ont pas été toujours faciles. Parce que nous n’avons pas les mêmes objectifs. Nous, planteurs, sommes des hommes de terrain et quand on nomme un administrateur, un directeur ou encore un président qui n’est pas planteur, ça fausse tout les calculs. Ils sont nommés par l’Etat alors que la façon de voir de l’Etat n’est pas forcément celle des planteurs. Et c’est tout ça qui est difficile. N.V. : Avez-vous indiqué au comité de gestion que ses objectifs ne rencontraient pas les vôtres et que vous avez mal ? F.N. : Bien sûr ! Il y a eu des voix qui se sont élevées pour dénoncer cela. Mais nous sommes dans une corporation mineure. Les gens ne sont pas souvent responsables. Je veux parler des producteurs, les acteurs de la filière café-cacao. Pendant que vous dénoncez ce qui n’est pas bon, il y en a qui vont trouver que c’est bon. Juste pour dire que le plus souvent, nos positions ne sont pas harmonisées. Mais on attend que le Comité de réforme en cours de la filière café-cacao nous présente ses conclusions. C’est en fonction de ça que nous allons encore reprendre les discussions pour dire qu’il n’est pas normal pour les producteurs que nous sommes de produire pour que notre production soit vendue par quelqu’un d’autre que nous-mêmes. N.V. : Quels sont vos rapports avec le comité chargé de la réforme de la filière café-cacao que le Président Gbagbo vient de mettre en place ? F.N. : Nos rapports sont meilleurs. Il fait d’ailleurs un travail très appréciable. Il a déjà initié des rencontres et des séminaires. Nous attendons les conclusions pour voir si nos préoccupations ont été prises en compte. Je profite de cette question pour lancer un appel aux producteurs et aux dirigeants de coopératives que nous n’avons pas intérêt à croiser les bras. Nous devons travailler pour agir sur le marché mondial. Nous ne devons plus subir le marché. Il faudrait que nous fassions le marché. C’est seulement ainsi que nous pouvons bénéficier de notre travail. Interview réalisée par Robert Krassault ciurbaine@yahoo.fr
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