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Société Publié le jeudi 27 août 2009 | Nord-Sud

Pr Koné Drissa (Psychiatre) : “80% des déprimés pensent au suicide”

Le Pr Koné Drissa, médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Bingerville, explique les causes profondes du suicide chez les adolescents et prodigue des conseils aux parents.


Un enfant à partir de 10 ans est censé commencer à jouir véritablement de la vie. D’où peut lui venir l’idée de se donner la mort ?

La présence d’idée de suicide chez un adolescent n’est pas quelque chose de rare. Il faut savoir que chercher à se donner volontairement la mort soulève des questions. Il y a des groupes vulnérables qu’on identifie tout de suite. Il y a des personnes qui sont fragilisées par des maladies graves, chroniques. Et il y a aussi des personnes âgées et des adolescents. A cette période, les idées de suicide et des comportements ou équivalences suicidaires naissent. Ces équivalences suicidaires peuvent être les conduites précoces à risque, les jeux dangereux, l’usage abusif de l’alcool et de certaines drogues et les comportements sexuels dangereux. Il s’agit aussi des comportements, des con?duites ou des bagarres qui mettent en jeu l’intégrité physique. Dans tous les cas, qu’il s’agisse de suicide, de tentative de suicide ou d’équivalent suicidaire, il faut bien vérifier si on veut faire de la prévention.


Quand est-il pour l’adolescent ?

Quand le jeune arrive à l’adolescence, il doit opérer un choix. Le choix devient un élément important. Il faut choisir de rester dans le giron de la famille ou choisir d’être avec les amis. C’est un choix psychologique qui se pose à l’individu. Qui dit choix, dit le deuil de quelque chose que vous n’avez pas choisi.


C’est-à-dire ?

Par exemple, si vous devez choisir entre un téléphone portable rouge et un bleu, si vous choisissez le rouge, vous devez faire le deuil du bleu. Et ce n’est pas toujours évident de choisir ce qu’on va faire demain. Il y a des cho?ses de ce genre qui imposent des choix. A côté de ces questions liées aux choix, ça peut être sur le plan de la vie sexuelle et sentimentale. Il faut qu’on fasse des choix. Il y a un deuxième aspect qui concerne cette période. C’est une période de transition, de changement. Il faut quitter le monde de l’enfance, du jeu qui est sécurisant et aller vers celui des adultes qui est un monde inconnu. Au cours de ces mouvements, le sujet peut être fragilisé. La question du conflit est toujours au centre de l’adolescence.


Par quoi se traduit ce conflit ?

Il se traduit dans son comportement, ses prises de position qui peuvent dérouter parfois. Et les parents doivent être attentifs à tous ses mouvements affectifs, psychologiques et cognitifs.


Certains parents dont les enfants se sont donné la mort disent qu’ils n’ont observé aucun signe d’alerte…

Il n’y a pas souvent de signes extérieurs. Parce que nous sommes dans une société où la relation individuelle n’est peut être pas bien observée. Il faut prendre l’habitude de parler avec les personnes. Les études montrent que ceux qui ont envie de se suicider ont souvent rencontré un personnage dans le mois qui a précédé le passage à l’acte. Dans ce conflit, il peut y avoir des comportements impulsifs.


La décision est-elle préméditée ou ponctuelle ?

Ce n’est pas spécifique aux adolescents. Les idées de suicide sont parfois présentes dans 80% des cas chez les déprimés. Est-ce qu’un adolescent peut être déprimé ? Oui, il y a des dépressions d’adolescents qui peuvent passer inaperçues. Parce qu’ils sont dilués dans les fameux équivalents. Ça peut être l’agressivité ou d’autres choses. Cela peut être masqué. Mais le médecin généraliste a un rôle très important à jouer.


Lequel ?

Dans la prévention. Puisque l’adolescent va s’exprimer par son corps. Il maltraite son corps. Donc les éducateurs peuvent discuter avec les enfants. Il faut être proche d’eux. Quand on a une position figée sur les adolescents, c’est évident qu’on n’y arrive pas.


Cette absence d’attention chez l’adulte ne peut-elle pas pousser l’enfant au suicide ?

C’est une question à laquelle les adultes doivent répondre. Quand on a une compréhension de l’adolescence, de tout ce qui se passe comme mouvement psychologique, intellectuel, social…
Etes-vous confronté à ce type de cas ?

Nous avons un service de guidance qui reçoit ce type de cas. Ce fait est une réalité. Il est bon que nous réfléchissions pour mettre en place des programmes de prévention.


Existe-il un projet dans ce sens ?
Il y a un programme national de santé mentale. Il est dirigé par le Pr Delafosse Roger.


Des enfants suivis pour tentative de suicide n’ont-ils pas fini par passer à l’acte ?

Dans toutes entreprises, il y a des échecs. Les statistiques que nous avons sont incomplètes. Car, elles viennent de sources différentes. Mais c’est déjà un début.


Comment cela se passe-t-il ? Est-ce les parents qui viennent avec les enfants parce qu’ils ont tenté de se suicider ou est-ce la démarche contraire ?

Quand on a tenté de se suicider, il y a un cheminement. On est conduit aux urgences. Là-bas, on peut réorienter le patient vers un autre service pour continuer le traitement.


En général, quels sont les moyens utilisés ?

On peut tout voir. Un suicide peut se présenter comme une idée lointaine. Il peut avoir un passage à l’acte immédiat. Il peut tenter avec tout ce qui est à sa disposition, les médicaments par exemple. Les moyens peuvent être divers. Il ne faut pas les citer pour ne pas encourager d’autres enfants à les utiliser.


Vous avez parlé de dépression. Comment conduit-elle à l’idée du suicide ?

La dépression correspond toujours à un moment où l’individu est découragé. Il pense que rien n’est possible. Il y a beaucoup de facteurs qui interviennent dans la suite des événements. La période de passage à l’acte correspond toujours à un moment où l’individu est en désorganisation psychologique. Il y a plusieurs maladies mentales qui peuvent amener à se suicider. Mais, nous parlons des adolescents. Mon message, il est simple. Il y a un mouvement général concernant tous les adolescents. Si on veut faire un programme, il faut comprendre le mouvement de l’évolution de l’individu. Dans ce lot, il peut y avoir des adolescents qui ont des difficultés passagères et quand les difficultés apparaissent, il faut les aider. Ils peuvent avoir des difficultés à peu près normales. Mais, ils peuvent aussi avoir de vraies maladies, il faut les repérer et les soigner. Il y a des pathologies qui commencent le plus souvent à cet âge, des problèmes de santé. Il faut les observer. Ça ne veut pas dire que c’est la pathologie. Mais il peut y avoir la pathologie et je vous ai dit que parmi les pathologies, un adolescent peut être déprimé. Et quand il est déprimé, le risque de suicide est présent. Mais un adolescent normal peut être impulsif et il peut mettre sa vie en danger.


Entretien réalisé par Cissé Sindou
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