La précampagne électorale constitue une opportunité pour les artistes ivoiriens. Ils sont sollicités par différents partis politiques pour animer les manifestations.
«Les gens me négligent. Maintenant que la campagne est arrivée, ils viennent vers moi ». Ce propos de Yao Bilé Serge alias Billy Billy, chanteur de rap engagé lors d'un meeting du Pit, révèle l'importance d'un artiste à succès en période électorale. L'enfant de «Wassakara» poursuit en ces termes : « Comme ils savent que c'est riz couché que je mange, ils me donnent chawarma. Sachant aussi que je n'ai pas d'habits, ils me donnent des t-shirts avec leurs photos pour faire leur publicité». Des propos pleins d’humour mais qui ne manquent pas de pertinence. Car, avec les partis politiques, les artistes changent de vie en période électorale. Ils «bouffent» ! Mais, à quel prix?
On confond «gombo» et prise de position
Les partis politiques cherchant à mobiliser le maximum de personnes au cours des tournées, meetings et autres rassemblements ont recours à un moyen efficace. Associer des artistes chanteurs et comédiens en vogue aux manifestations qu'ils organisent. Pdci, Rdr, Fpi, Udpci, Pit…, tous les partis sans exception connaissent le topo et ne manquent pas d'en faire usage. Tous ont leurs artistes. Cette sympathie à l'égard des créateurs, a touché la sensibilité de certains d'entre eux qui ne manquent pas d'afficher leur choix politique. Nombreux sont aujourd'hui les artistes qu'on ne peut défaire d'une bannière politique. Alpha Blondy, Antoinette Allany, N'Guess Bon Sens, les Galliets, Paul Madys etc., tous ont leur camp. Ou du moins, tous ont « calé » leur « gombo ». « Papa ADO, tu vas gagner. Tchôkô tchôkô, tu vas gagner », dixit Antoinette Allany, lors du meeting du président du Rdr à Bouaké le 27 juin. Cette parole de l'auteur de « on gagne ou on gagne », qui était considérée comme un slogan anti-Forces nouvelles dans le temps, est fréquente lors des meetings politiques. Et, les artistes sont prêts à retourner leur veste quand il s'agit de se faire de l'argent. Certains chanteurs vont jusqu'à s'ériger en chanteur officiel d'un leader politique. Ce qui leur permet de ne rester actif tout le long du processus électoral. Cette façon de faire constitue une garantie financière pour l'artiste et permet à ce dernier d'avoir la sympathie des militants du parti qu'il soutient. Par ricochet, il attire le mépris des sympathisants des partis adverses. Mais les «gomboïstes » n'en ont cure.
Des chansons détournées à des fins politiques
D'autant plus qu'ils gagnent bien leur vie. Le rossignol de la musique ivoirienne, Bailly Spinto, en sait quelque chose. Pour lui, l'artiste doit prendre position. « Un artiste peut donner son point de vue. Moi, j'ai choisi le président Gbagbo parce qu'il peut faire beaucoup pour les artistes. Il nous a donné le Burida et je lui suis reconnaissant », argumente-t-il. Mais, certains chanteurs sont victimes de leur engagement. Des artistes très virulents ont vu leurs chansons exploitées à des fins politiques lors des meetings. La chanson «Président » par exemple de Yodé et Siro, dans laquelle les auteurs critiquent la corruption à grande échelle et indexent la responsabilité du chef de l'Etat, est exploitée par les adversaires politiques de celui-ci. Les sollicitations de ces derniers par les leaders opposés au parti au pouvoir pour animer leurs sorties publiques, ne se font pas attendre. C'est dans ce cadre que le titre « Cé le moment » de Abou Nidal, conçu dans un autre contexte, est devenu l'hymne des républicains qui l'interprètent comme étant l'annonce de l'arrivée de leur leader au pouvoir. Mais, l'artiste ne se laisse pas séduire par ce rapprochement. « Chaque parti peut utiliser ma chanson comme il veut. Mais moi, je suis apolitique. Que ce soit devant Gbagbo, Bédié ou ADO, chacun peut penser que c'est son moment à lui », clarifie le « boucantier ».
Le cas des comédiens
Loin d'une prise de position, il faut reconnaître que certains artistes ont su rester engagés sans prendre partie. Taxé d'être le porte-voix du Rdr, Tiken Jah Fakoli, s'est démarqué de toute étiquette politique par son talent et son professionnalisme. Là où de nombreux autres artistes n'ont pas réussi.
Contrairement à de nombreux chanteurs, les humoristes dans leur majorité, savent se démarquer des bannières politiques. Ils ont des sketchs qui prennent en compte les leaders dans leur ensemble. Il est ainsi difficile de leur coller, à partir de leurs spectacles, une appartenance politique. Le président du «Dromican», Adama Dahico, «candidat déclaré à l'élection présidentielle», en est l'exemple. Il a affiché sa neutralité à travers un discours proche des aspirations de la population, évitant ainsi des prises de position pour un quelconque homme politique. Quelle que soit la tribune, son discours est resté constant. Dénoncer les dérives du pouvoir et des hommes politiques, en vue de réclamer une vie meilleure pour le peuple. Sans pour autant oublier son cachet.
La générosité des politiques à l'endroit des artistes à succès n'est pas fortuite, et elle est bien accueillie dans le monde de la musique. Avec les politiciens, vous n'entendrez pas de problème de cachets impayés. Tout se paye cache. Du moins, pour ceux qui exercent leur boulot de façon professionnelle. Mais attention ! Certaines formations politiques ont mauvaise presse sur ce plan. Après un petit sondage auprès des artistes (qui ont pris part à des meetings et d'autres qui en ont eu écho), c'est le Rdr qui semble offrir les meilleurs cachets (150 à 200.000 Fcfa). Ce parti va jusqu'à prendre en charge (paiement de loyer) des artistes qui se sont alliés à leur cause. Quant au Pdci, les responsables sont plus prudents (50.000 Fcfa en général) et les cachets sont raisonnables. Au Fpi, même les privilégiés restent perplexes. Car, de nombreuses considérations rentrent en jeu. A partir de là, des prestations peuvent se solder par de simples remerciements. Si pendant la crise militaro-politique les refondateurs avaient «la main généreuse», la fin de celle-ci ne profite plus aux artistes. Souvent, ce sont des promesses de financement du prochain album de l'artiste qui couronnent leurs prestations.
La technique de l' «atalaku»
Quel que soit le parti, les sommes reçues prennent l'ascenseur lorsque le chanteur fait les éloges du responsable politique qui l'invite. « Ils prennent toutes les dispositions et savent à l'avance quoi donner à qui. Dans chaque poche, ils ont des coupures de billets de banque. 10.000 Fcfa, 5.000 Fcfa, 2.000 Fcfa et 1.000 Fcfa. Et quand un artiste fait leur ''atalaku'' (éloge), ils commencent par les billets de 10.000 Fcfa. Sinon il faut s'attendre souvent à 1.000 Fcfa », confie un comédien. C'est ainsi que les Dj, les plus habiles dans cet art, ne manquent pas de dire aux politiciens ce qu'ils veulent entendre. Ils reviennent sur leurs exploits, leurs programmes et évoquent même des choses invraisemblables. « Tous les chefs de partis politiques devant lesquels j'ai fait une prestation ont travaillé sur moi » avoue Abou Nidal. Parmi les leaders politiques, le président du Pdci semble être le plus sensible aux éloges de ces griots des temps modernes. Il « travaille » (gratifie le chanteur en lui donnant publiquement des billets de banque) à satiété. Le Fpi dans ce domaine semble encore être le dernier de la classe.
Quand le « gombo » expose à la mort
Mécontents des prises de position de certains artistes, des fans, outre des censures personnelles, profèrent des menaces de mort contre leurs chanteurs préférés. C'est ainsi que des artistes proches de l'opposition sont fréquemment menacés par des fanatiques. Qui, ne peuvent pas contenir leur rage lorsqu'ils les voient associer à leurs opposants politiques. Antoinette Allany est dans cette situation en ce moment. Elle dit être menacée depuis qu'elle a épousé le combat du Rassemblement des républicains. Bailly Spinto pense que les menaces ne doivent pas décourager un artiste. Quant à ceux qui le font, il soutient que ce n'est pas une façon démocratique d'agir. Mais, les jours passent, la campagne approche et les artistes se frottent les mains.
S.A.
«Les gens me négligent. Maintenant que la campagne est arrivée, ils viennent vers moi ». Ce propos de Yao Bilé Serge alias Billy Billy, chanteur de rap engagé lors d'un meeting du Pit, révèle l'importance d'un artiste à succès en période électorale. L'enfant de «Wassakara» poursuit en ces termes : « Comme ils savent que c'est riz couché que je mange, ils me donnent chawarma. Sachant aussi que je n'ai pas d'habits, ils me donnent des t-shirts avec leurs photos pour faire leur publicité». Des propos pleins d’humour mais qui ne manquent pas de pertinence. Car, avec les partis politiques, les artistes changent de vie en période électorale. Ils «bouffent» ! Mais, à quel prix?
On confond «gombo» et prise de position
Les partis politiques cherchant à mobiliser le maximum de personnes au cours des tournées, meetings et autres rassemblements ont recours à un moyen efficace. Associer des artistes chanteurs et comédiens en vogue aux manifestations qu'ils organisent. Pdci, Rdr, Fpi, Udpci, Pit…, tous les partis sans exception connaissent le topo et ne manquent pas d'en faire usage. Tous ont leurs artistes. Cette sympathie à l'égard des créateurs, a touché la sensibilité de certains d'entre eux qui ne manquent pas d'afficher leur choix politique. Nombreux sont aujourd'hui les artistes qu'on ne peut défaire d'une bannière politique. Alpha Blondy, Antoinette Allany, N'Guess Bon Sens, les Galliets, Paul Madys etc., tous ont leur camp. Ou du moins, tous ont « calé » leur « gombo ». « Papa ADO, tu vas gagner. Tchôkô tchôkô, tu vas gagner », dixit Antoinette Allany, lors du meeting du président du Rdr à Bouaké le 27 juin. Cette parole de l'auteur de « on gagne ou on gagne », qui était considérée comme un slogan anti-Forces nouvelles dans le temps, est fréquente lors des meetings politiques. Et, les artistes sont prêts à retourner leur veste quand il s'agit de se faire de l'argent. Certains chanteurs vont jusqu'à s'ériger en chanteur officiel d'un leader politique. Ce qui leur permet de ne rester actif tout le long du processus électoral. Cette façon de faire constitue une garantie financière pour l'artiste et permet à ce dernier d'avoir la sympathie des militants du parti qu'il soutient. Par ricochet, il attire le mépris des sympathisants des partis adverses. Mais les «gomboïstes » n'en ont cure.
Des chansons détournées à des fins politiques
D'autant plus qu'ils gagnent bien leur vie. Le rossignol de la musique ivoirienne, Bailly Spinto, en sait quelque chose. Pour lui, l'artiste doit prendre position. « Un artiste peut donner son point de vue. Moi, j'ai choisi le président Gbagbo parce qu'il peut faire beaucoup pour les artistes. Il nous a donné le Burida et je lui suis reconnaissant », argumente-t-il. Mais, certains chanteurs sont victimes de leur engagement. Des artistes très virulents ont vu leurs chansons exploitées à des fins politiques lors des meetings. La chanson «Président » par exemple de Yodé et Siro, dans laquelle les auteurs critiquent la corruption à grande échelle et indexent la responsabilité du chef de l'Etat, est exploitée par les adversaires politiques de celui-ci. Les sollicitations de ces derniers par les leaders opposés au parti au pouvoir pour animer leurs sorties publiques, ne se font pas attendre. C'est dans ce cadre que le titre « Cé le moment » de Abou Nidal, conçu dans un autre contexte, est devenu l'hymne des républicains qui l'interprètent comme étant l'annonce de l'arrivée de leur leader au pouvoir. Mais, l'artiste ne se laisse pas séduire par ce rapprochement. « Chaque parti peut utiliser ma chanson comme il veut. Mais moi, je suis apolitique. Que ce soit devant Gbagbo, Bédié ou ADO, chacun peut penser que c'est son moment à lui », clarifie le « boucantier ».
Le cas des comédiens
Loin d'une prise de position, il faut reconnaître que certains artistes ont su rester engagés sans prendre partie. Taxé d'être le porte-voix du Rdr, Tiken Jah Fakoli, s'est démarqué de toute étiquette politique par son talent et son professionnalisme. Là où de nombreux autres artistes n'ont pas réussi.
Contrairement à de nombreux chanteurs, les humoristes dans leur majorité, savent se démarquer des bannières politiques. Ils ont des sketchs qui prennent en compte les leaders dans leur ensemble. Il est ainsi difficile de leur coller, à partir de leurs spectacles, une appartenance politique. Le président du «Dromican», Adama Dahico, «candidat déclaré à l'élection présidentielle», en est l'exemple. Il a affiché sa neutralité à travers un discours proche des aspirations de la population, évitant ainsi des prises de position pour un quelconque homme politique. Quelle que soit la tribune, son discours est resté constant. Dénoncer les dérives du pouvoir et des hommes politiques, en vue de réclamer une vie meilleure pour le peuple. Sans pour autant oublier son cachet.
La générosité des politiques à l'endroit des artistes à succès n'est pas fortuite, et elle est bien accueillie dans le monde de la musique. Avec les politiciens, vous n'entendrez pas de problème de cachets impayés. Tout se paye cache. Du moins, pour ceux qui exercent leur boulot de façon professionnelle. Mais attention ! Certaines formations politiques ont mauvaise presse sur ce plan. Après un petit sondage auprès des artistes (qui ont pris part à des meetings et d'autres qui en ont eu écho), c'est le Rdr qui semble offrir les meilleurs cachets (150 à 200.000 Fcfa). Ce parti va jusqu'à prendre en charge (paiement de loyer) des artistes qui se sont alliés à leur cause. Quant au Pdci, les responsables sont plus prudents (50.000 Fcfa en général) et les cachets sont raisonnables. Au Fpi, même les privilégiés restent perplexes. Car, de nombreuses considérations rentrent en jeu. A partir de là, des prestations peuvent se solder par de simples remerciements. Si pendant la crise militaro-politique les refondateurs avaient «la main généreuse», la fin de celle-ci ne profite plus aux artistes. Souvent, ce sont des promesses de financement du prochain album de l'artiste qui couronnent leurs prestations.
La technique de l' «atalaku»
Quel que soit le parti, les sommes reçues prennent l'ascenseur lorsque le chanteur fait les éloges du responsable politique qui l'invite. « Ils prennent toutes les dispositions et savent à l'avance quoi donner à qui. Dans chaque poche, ils ont des coupures de billets de banque. 10.000 Fcfa, 5.000 Fcfa, 2.000 Fcfa et 1.000 Fcfa. Et quand un artiste fait leur ''atalaku'' (éloge), ils commencent par les billets de 10.000 Fcfa. Sinon il faut s'attendre souvent à 1.000 Fcfa », confie un comédien. C'est ainsi que les Dj, les plus habiles dans cet art, ne manquent pas de dire aux politiciens ce qu'ils veulent entendre. Ils reviennent sur leurs exploits, leurs programmes et évoquent même des choses invraisemblables. « Tous les chefs de partis politiques devant lesquels j'ai fait une prestation ont travaillé sur moi » avoue Abou Nidal. Parmi les leaders politiques, le président du Pdci semble être le plus sensible aux éloges de ces griots des temps modernes. Il « travaille » (gratifie le chanteur en lui donnant publiquement des billets de banque) à satiété. Le Fpi dans ce domaine semble encore être le dernier de la classe.
Quand le « gombo » expose à la mort
Mécontents des prises de position de certains artistes, des fans, outre des censures personnelles, profèrent des menaces de mort contre leurs chanteurs préférés. C'est ainsi que des artistes proches de l'opposition sont fréquemment menacés par des fanatiques. Qui, ne peuvent pas contenir leur rage lorsqu'ils les voient associer à leurs opposants politiques. Antoinette Allany est dans cette situation en ce moment. Elle dit être menacée depuis qu'elle a épousé le combat du Rassemblement des républicains. Bailly Spinto pense que les menaces ne doivent pas décourager un artiste. Quant à ceux qui le font, il soutient que ce n'est pas une façon démocratique d'agir. Mais, les jours passent, la campagne approche et les artistes se frottent les mains.
S.A.