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Économie Publié le vendredi 25 septembre 2009 | Le Repère

Assalé Tiémoko écrit au président Gbagbo : “M. le Président, où sont passés les 2 milliards des planteurs… ?”

Excellence M. le Président, avant que vous ne preniez votre mémorable dîner avec le président américain, je voudrais vous adresser ces quelques mots. Cela fait aujourd`hui près de deux ans que je ne vous ai pas écrit pour vous donner de mes nouvelles. Je sais que ce long silence vous a beaucoup pesé, surtout que je vous avais habitué à mes écrits sur la fraude, le tribalisme, le clientélisme, le favoritisme et la corruption dans les concours administratifs organisés dans notre pays. Mais ce long silence était dû au fait que comme vous, j`ai eu mon moment de gloire en allant goûter pendant 12 mois, aux indicibles joies de la Maca. Ah, la Maca ! Vous souvenez-vous de la Maca, M. le Président ? Vous souvenez-vous de cette prison dont vous disiez en 1992 qu`elle était un mouroir ? Je vous informe, M. le Président, que cette prison a beaucoup changé. Elle n`est plus un mouroir. Elle est devenue aujourd`hui, sous votre règne, vous le naguère défenseur des Droits de l`Homme, une véritable morgue, un lieu de déshumanisation où l`on conditionne l`homme à devenir une bête sauvage, un haut lieu de formation à la grande délinquance et à la grande criminalité. Après avoir dénoncé en tant qu`opposant les conditions de détention dans cette prison, vous n`avez posé aucun acte en tant que président, pour y améliorer un tant soit peu, les conditions de détention. Et c`est aujourd`hui de cette prison que sortent les grands braqueurs qui ne sont que des enfants âgés d`à peine 16 ans qui endeuillent au quotidien des familles dans la ville d`Abidjan et ailleurs. J`étais donc à la Maca et c`est pour cette raison que vous n`avez pas eu de mes nouvelles durant tout ce temps. Car, quand on sort de cet endroit, il faut bien avoir du courage pour retrouver goût à la vie, tant l`horreur est vivante dans votre esprit. Cela dit, M. le Président, je ne viens pas aujourd`hui vous parler de la corruption et de la destruction des valeurs morales dans notre pays. Je ne viens pas non plus vous parler des dysfonctionnements de notre service public de la justice. Vous avez déjà dit à propos de notre justice qu` " elle rend des décisions contradictoires en moins d`une semaine " et qu` " il faut mettre fin à une justice qui rend des décisions qui nuisent au pays ". C`est bien dit et je ne vais donc pas en rajouter. J`attends comme tous les Ivoiriens, la réforme de la justice que vous nous avez promise, la main sur le cœur, en début d`année. Vous savez que moi je crois en tout ce que vous dites sous les objectifs des caméras de notre vaillante télévision. Je ne suis pas comme les autres qui n`accordent aucun crédit à ce que vous dites. Donc j`attends cette réforme. Je ne viens pas aussi vous parler du comité de lutte contre la corruption dans les concours administratifs, mis en place par celui-là même qui, pendant près de 10 ans, a nié la réalité de la fraude et de la corruption dans lesdits concours. Je veux parler de votre ministre Hubert Oulaye. Vous savez très bien que ce comité dont vous avez autorisé la création sous le feu de nos dénonciations et qui est malheureusement logé au ministère de la Fonction Publique, n`a résolu aucun problème et que passé l`escroquerie liée à sa mise en place, les pratiques honteuses ont repris de plus belle à l`Ena et dans les autres concours. Je vous ai dit avant d`aller en prison, que la solution au problème de la corruption dans ce pays est la mise en place d`une haute autorité chargée de l`égalité des chances et de la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Une structure qui ne rendra compte qu`au chef de l`Etat et qui ne sera sous la tutelle d`aucun ministère et encore moins du ministère de la Fonction Publique. Vous savez qu`aujourd`hui, l`égalité des chances dans l`accès aux emplois publics dans notre pays est rompue et que les concours administratifs n`ont plus de sens. Je ne viens pas non plus vous parler du déversement scandaleux des déchets toxiques dans la ville d`Abidjan. Vous savez très bien que les responsables tueurs de Trafigura qui ont commis ce crime et qui ont été disculpés par votre régime, viennent d`être épinglés par un rapport de l`Onu qui les tient pour seuls responsables principaux de la mort de 15 personnes et de l`intoxication de plusieurs milliers d`autres et qu`ils doivent payer. Je me demande bien de quoi se mêlent ces Blancs de l`Onu. Ils ne savent pas que de façon souveraine, sans aucune interférence de la France, nous avons extorqué 100 milliards à ces tueurs pour effacer leur horrible crime ? Ils pensent que " souffrir (et mourir) des déchets toxiques est un métier " ?

Excellence M. le Président, je voudrais, avant de poursuivre, vous féliciter pour le don de 500 millions que vous venez de faire au peuple frère du Burkina, frappé par un immense malheur à la suite des inondations qui ont causé la mort de 9 personnes. Il est vrai que vous n`avez point fait preuve de la même largesse vis-à-vis des Ivoiriens qui ont été frappés par un malheur autrement plus grand dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 juin 2009, quand une pluie diluvienne s`est abattue sur la ville d`Abidjan, faisant 21 morts, 6 disparus, 7 blessés graves, 48 familles de policiers et de gendarmes sans abri… A ces sinistrés, vous n`avez donné aucun sou. Mais M. le Président, moi je vous comprends. Le président du Burkina Faso a fait preuve d`une telle disponibilité à l`égard de notre pays que lui retourner l`ascenseur avec quelques milliards de francs (provenant d`un pays à l`économie florissante comme le nôtre), ne peut faire de mal à personne, même si quelqu`un a dit qu`il n`y a jamais de service désintéressé. Une petite invitation (en passant) pour une visite d`Etat à Mama et le tour est joué. C`est d`un implacable réalisme ! " La fin justifie les moyens " et cela n`a pas manqué. " Tchoco-tchoco, les élections auront lieu… ! " Avez-vous dit ? Traduction : dans tous les cas, les élections auront lieu ! Quand ? En tout cas, pas le 29 novembre ! J`avoue que c`est rondement bien joué ! Mais 500 millions pour ça, c`est un peu cher payé à mon avis ! Mais qui suis-je ? Excellence M. le Président, venons-en, enfin, à la raison principale qui me pousse à vous écrire cette lettre. M. le président, faites libérer les ex-dirigeants des structures de gestion de la filière café-cacao. Pourquoi ? Parce que vous ne pourriez jamais les faire juger. Juger ces hommes et femmes incarcérés depuis plus de 15 mois, c`est faire le procès de votre propre régime. Si les preuves de leur culpabilité avaient été réunies, il y a longtemps qu`ils auraient été jugés et condamnés et vous en auriez tiré tous les dividendes politiques. " Je veux que quand on commence un procès, on aille jusqu`au bout et moi j`irai jusqu`au bout (…) ce ne sont ni des milliers de francs, ni des millions, mais des milliards qui ne sont ni dans les poches des paysans, ni dans les caisses de l`Etat… ". Vous souvenez-vous de ces propos, M. le Président ? Vous les avez librement tenus le 21 janvier dernier devant les chefs religieux. Vous accusiez ces ex-dirigeants incarcérés par vos soins, d`avoir détourné des milliards ! Vous vous en souvenez ? C`était avant qu`on ne sache ce qui suit : " Pour soulager un tant soit peu les planteurs dont la plupart ont abandonné plantations, maisons, tous leurs biens et même leurs morts…le président du FDPCC-INVESTISSEMENTS, Henri Amouzou, leur annonça une bonne nouvelle : il leur donne FCFA 2.000.000.000 (Deux milliards) qu`il remettra au président Gbagbo afin qu`il leur partage. Fait par la plus haute autorité de la République, ce partage éviterait bien des rouspétances et des palabres”, explique Amouzou. C`est ainsi que le 21 novembre 2003, par courrier référencé : PCG/DG/0903/03, le président du FDPCC-INVESTISSEMENTS transmis au Directeur financier de la Présidence de la République, le chèque CAA n°44795477 de CFA Deux milliards, signé à l`ordre de la Présidence de la République. Le mardi 17 août 2004, le ministre de l`Agriculture, M. Amadou Gon Coulibaly, reçoit les planteurs destinataires des deux milliards et est abasourdi qu`il apprend que cette somme n`ait pas encore été partagée, alors que, dit-il, c`est lui-même en personne et son collègue de l`Economie et des Finances, Bohoun Bouabré, qui ont approuvé le décaissement et ladite somme a été bel et bien décaissée. (Le Nouveau Réveil n°2242 du samedi 13 juin 2009). Cela fait maintenant 6 ans que les planteurs attendent, le regard hagard, tourné vers le Palais de la Présidence…Telle est la triste et honteuse histoire des deux milliards destinés aux planteurs déplacés de guerre… ". M. le Président, cette triste histoire est une histoire malheureusement vraie. Elle a été relatée après " Le Nouveau Réveil ", par plusieurs autres journaux qui ont publié la photocopie du même chèque. Ces deux milliards destinés aux planteurs ont disparu à la Présidence de la République. Voilà plus de trois mois que les journaux en parlent et jamais il n`y a eu de réaction de votre part, ni d`aucun membre de la présidence. Où sont donc passés les deux milliards de ces malheureux planteurs qui, las d`attendre, viennent de porter plainte contre X en pensant intérieurement que ce " X " n`est autre que la Présidence de la République ? Comment deux milliards peuvent-ils disparaître à la Présidence de la République ? Tant que ces deux milliards n`auront pas été remis aux planteurs, ne sommes-nous pas légitimement fondé à penser qu`ils ont été purement et simplement détournés ? Par qui ? Pourquoi restez-vous silencieux devant cette histoire ? Excellence M. le Président, vous conviendrez avec moi que la présidence de la République qui a engagé la procédure qui a conduit à l`emprisonnement des ex-dirigeants de la filière se retrouve elle-même totalement discréditée par la disparition de ces deux milliards destinés aux planteurs. Car, au nom de quoi le petit citoyen devrait-il accepter la sanction que lui inflige le juge si ce juge lui-même a beaucoup de choses à se reprocher ? Je pense modestement que tant que la lumière sur ces deux milliards n`aura pas été faite, tous ceux qui sont à la Présidence de la République devraient avoir le profil bas quand ils parleront de ceux qui sont en prison, accusés sans que la preuve en soit rapportée, d`avoir détourné des milliards. Je voudrais, avec votre aimable autorisation, encourager le procureur de la République qui a reçu la plainte des planteurs, à aller courageusement investiguer à la Présidence de la République pour retrouver les traces de ces deux milliards et à inculper et à conduire en prison, tous ceux qui se sont rendus coupables de ce détournement ( ?) et de cet affreux abus de confiance. Excellence M. le Président, quand vous reviendrez de votre dîner avec M. Barack Obama, je vous saurais gré de dire un mot sur ce que sont devenus ces deux milliards. Je vous saurais gré de mettre tout en œuvre pour faire arrêter tous ceux qui à la présidence de la République, se seraient rendus coupable de ce crime. Vous savez que moi, je vous aime bien et que mon cœur saigne de savoir que deux milliards aient pu disparaître sous votre toit depuis 6 ans et qu`on ne sache pas ce qu`ils sont devenus, au point de pousser ceux à qui ils étaient destinés à porter plainte contre X… nous prouvant ainsi que ceux qui sont en prison ne sont pas forcément ceux qui ont " bouffé " les milliards des planteurs de Côte d`Ivoire et qu`on indique à la vindicte " patriotique " et " sorbonnarde ". Les silences entourant la procédure en cours, en disent long… A bientôt M. le Président…

Assalé Tiémoko
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