Vous n’en trouverez plus. Vous voulez des pneus usagés ? Adressez-vous à la Police nationale. Allez dans les différents arrondissements de la ville d’Abidjan. Allez au camp de la Brigade anti-émeute (BAE) à Yogougon, à Abidjan-Nord. Vous y trouverez plusieurs dizaines de colonnes de pneus usagés. Effectivement, depuis quelques semaines de nombreux agents de polices ont été mobilisés pour vider la ville d’Abidjan de tout ce qui est pneu usagé. Et ça ne badine pas ! La semaine derrière, nous avons aperçu plusieurs sous-officiers de la police à l’œuvre dans la commune d’Abobo à Abidjan. Encadrés par un officier collé à sa radio, le sérieux de ces agents qui remplissaient des véhicules de type ‘‘Kia’’ était stupéfiant. Stupéfiant est également la rage avec laquelle des élements du 11ème arrondissement à Williamsville ont intimé l’ordre à un ‘‘vulcanisateur’’ de se débarrasser de ses pneus usagés. « Je les ai vu comme des manœuvres ramasser les pneus et les entasser dans leurs camions, raconte Fousseyni. Puis, ils sont venus vers moi pour me dire de leur remettre les pneus que je n’utilisais pas. J’ai répondu que je les utilisais tous. Alors, ils m’ont demandé de les ranger chaque jour dans mon magasin avant de partir ». C’est vrai, qu’il a été demandé de rendre la capitale économique propre. Mais que des policiers, même pas l’armée, s’intéressent à la salubrité est singulier. Nous avons donc entrepris d’interroger plusieurs arrondissements de la ville d’Abidjan. Bien sûr, aucun soldat, aucun commissaire n’a voulu s’exprimer, officiellement. Ceux qui ont osé, l’ont fait avec prudence et encore sous le couvert de l’anonymat. Et un strict anonymat. Puisqu’il ne fallait même pas citer l’arrondissement concerné « pour ne pas mettre en danger le Commissaire ». Nous aurons cependant un brin d’officiel du côté du Préfet de Police, Djehannin Bi Tra. Hier, en milieu d’après-midi, il nous a avoué au téléphone que cet ordre venait bien des autorités de la police nationale. Toutefois, il a refusé d’en dire plus au téléphone préférant un entretien direct. Effectivement, tous les agents qui s’étaient exprimés sous le couvert l’anonymat dans les commissariats avaient insisté qu’il s’agissait bien d’une « instruction de la hiérarchie ». « Il nous a été demandé de débarrasser les rues des pneus usagés, a été précis l’un deux. Vous savez, ce sont des engins difficiles à maîtriser lorsqu’ils sont en feu. Ils abîment le bitume. Vraiment, il est difficile d’intervenir lorsque des pneus sont enflammés devant vous. Il vaut mieux s’en débarrasser. Il nous a été demandé de le faire dans la perspective de remous sociaux face à une décision politique ou autre chose». Le sous-officier a bien évoqué une « décision politique ». Un groupe de mots qui inspire encore plus la stupéfaction. Dans cet environnement apaisé par l’accord politique de Ouagadougou où le consensus prime sur tout, qui irait imaginer un tel scénario. A moins que ceux qui ont commandé ce curieux nettoyage d’Abidjan ne s’apprêtent eux-mêmes à prendre une « décision politique » qu’ils savent impopulaire et surtout injuste.
KIGBAFORY Inza
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