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Art et Culture Publié le lundi 12 octobre 2009 | Nord-Sud

Hommage : 3 ans après Douk Saga, le Coupé-décalé “se cherche”

12 octobre 2006-12 octobre 2009. Les successeurs de Douk Saga essaient de repositionner le genre musical qu'il a créé.

Trois ans après sa mort, la nation se souvient encore de Doukouré Amidou Stéphane alias Douk Saga, créateur du coupé-décalé. Tous les faiseurs de ce genre musical lui ont rendu un vibrant hommage samedi au Palais de la culture à Treichville. A l'origine de cette musique venue de l'Hexagone, Douk Saga est décédé le 12 octobre 2006 dans la capitale burkinabé suite à une longue maladie. Si le public abidjanais s'est fait désirer à cette fête, le lieu choisi pour cette célébration, l'espace lagunaire du Palais de la culture, démontre aisément que le mouvement a pris un plomb dans l'aile. En effet, au lendemain de la crise politico-militaire qui a frappé la Côte d'Ivoire le 19 septembre 2002, la créativité de cet ''ambassadeur de la joie'' avait permis à de nombreux Ivoiriens de surpasser le stress de la guerre et montrer au monde la particularité d'une nation débout culturellement et capable de passer en dérision des moments difficiles de son histoire. En compagnie de ses ''amis'', Douk Saga, depuis Paris, a distillé une musique de sa pure création née de son refus de subir les frasques de l'immigration. Il s'agissait pour lui de créer une joie de vivre au-delà des réalités vécues par des immigrés. Arrivé en Côte d'Ivoire, le mouvement qui peut se définir comme une capacité de ''couper'', une sorte d'arnaque des personnes cossues et de ''décaler'', filer à l'anglaise à travers des techniques des moins catholiques, est adopté par tous. ''Ces Robins des bois'' des temps modernes, démontraient leur générosité en déversant des billets de banques, « travaillement », sur les personnes qui venaient assister à leurs spectacles. Aussi, le genre s'est accompagné d'une danse du même nom. Les gestes des mains sont les répliques de l'idéologie de la danse. Balancer les bras pour ''couper'', faire le geste de trancher et bouger les jambes pour ''décaler''. Avec des variantes comme « s'envolement », « petit vélo », « patiner »… L'impact de ce genre musical se fait vite sentir sur la jeunesse ivoirienne. Et, la salle des 4.000 places du Palais de la culture et des stades font le plein aux différents spectacles des « boucantiers ». Vêtements près du corps, grosses lunettes, chaussures pointues…, de nombreux jeunes sont séduits par la tendance. Outre la Côte d'Ivoire, Douk Saga met sous sa coupole la sous-région Ouest africaine, le milieu noir en France et les Antilles françaises. Tout le monde s'y met et le président ne tarit pas d'éloges pour sa propre personne. « Le sommet des sommets, le sommet de l'Himalaya, le président très très fort… ». Si certaines personnes le trouvent pédant, orgueilleux et mégalomane, il devient rapidement l'idole d'une jeunesse qui ne croît plus en son pays et pense que l'Europe peut être une solution à son problème. Et, Doukouré Stéphane ne laisse pas croire le contraire. Arborant les grandes marques de prêt-à-porter, roulant dans de grosses voitures, cigares et champagnes en mains, le « jet-setter du Coupé-décalé » et ses amis aiguisent à nouveau l'envie du départ vers l'eldorado occidental. Abidjan devient la capitale de la nouvelle danse. Ce sont les « Dj », sorte de « griots modernes », qui s'approprient le mouvement. En plus des pas exportés de leurs confrères du vieux continent, ils ajoutent des fruits de leur création. Ainsi, pullulent les Dj et les dérivées de cette musique.
Des dérivées qui font oublier la danse originelle
« Sentiment môkô, farot-farot, décalé chinois… » et aujourd'hui « sans guêbê, kangor, arachide 25 25… », les rythmes musicaux nés du coupé décalé ont fait oublier le genre originel. Arafat Dj, Dj Lewis, Dj Kedjevara, ont, si l'on peut le dire ainsi, ''ivoirisé'' cette musique quelques années après la disparition du président. La situation de recul s'est aggravée avec la mésentente née entre les successeurs du ''sommet des sommets''. La succession de Douk Saga avait divisé ses amis qui restent encore accrochés aux pas de danse du président. Cette non-évolution de la danse a vite laissé la place à la créativité des Dj abidjanais qui se fait à pas de course. A Abidjan, ''chaque mois'' a son pas de danse. Une évolution qui laisse en marge ce qui reste de la « jet-set » parisienne. Le Molare, Jean Jaques Kouamé, Serge Défallet, Lino Versace, Bôrôsangui, bien que de retour avec des albums, de belles factures n'arrivent plus à s'imposer à Abidjan. Cette rapide métamorphose ajoutée au caractère vide des messages du coupé-décalé lui font perdre de la place sur l'échiquier musical ivoirien.

S.A
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