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Afrique Publié le jeudi 22 octobre 2009 | L’intelligent d’Abidjan

Causerie d’Abidjan - L’incroyable Moussa Dadis Camara

Une fois de plus, la Guinée pleure ses morts. Selon des organisations internationales, 158 personnes (57 personnes, d’après Dadis Camara) ont été froidement tuées par l`armée guinéenne, lors d`une manifestation de l`opposition, le 28 septembre 2009 à Conakry. En effet, la disparition du premier président de la Guinée « libre », le dictateur Ahmed Sékou Touré, vue comme une délivrance par beaucoup de ses compatriotes, n`a pas contribué à mettre fin aux souffrances des Guinéens. Son successeur Lassana Conté, qui prend le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 1984, dirigera lui aussi, d`une main de fer ce pays. Et la gestion calamiteuse des affaires de l’Etat sous son régime corrompu, va davantage enfoncer le pays dans la misère.
La Guinée dispose des plus grandes réserves de bauxite au monde, d’importantes ressources énergétiques et d’immenses étendues de terre cultivables, mais ce pays, qui s’enorgueillit pourtant de toutes ces richesses, est placé parmi les plus pauvres de la planète. Aujourd’hui, les Guinéens doivent importer de la nourriture pour survivre.
Lorsque le despote Lassana Conté tire sa révérence le 22 décembre 2008, après 24 ans de pouvoir sans partage, Dadis Camara s’installe, dans un contexte d’incertitude. La Guinée est à l’abandon, gangrénée par la corruption, l`inflation, le chômage…Le « pompiste » de l’armée va donc prendre les rênes du pays, sans difficulté, malgré la constitution qui prévoit que l’intérim doit être assuré par le président de l`Assemblée nationale. Il sera soutenu par l`opposition, après avoir pris l’engagement d’organiser des élections « libres et transparentes ». Dans son discours de prise de pouvoir, le nouvel homme fort de Conakry dénoncera avec virulence la démission de l’Etat sous Lassana Conté, qu’il accuse d’avoir plongé le pays dans la paupérisation.
Dadis Camara se présente comme un rédempteur, le putschiste veut faire de la moralisation de la vie publique son leitmotiv.
Pourquoi ne pas faire confiance à celui qui clame son patriotisme au premier venu, quand on sait que sous d`autres cieux, des soldats qui ont pris le contrôle de leurs pays, ont aidé à consolider la démocratie? Seulement voilà : l`homme, même s`il ne le dit pas ouvertement, manifeste l’intention de se maintenir au pouvoir, par l`organisation d’une élection à laquelle il sera lui aussi candidat. Les militants de l`opposition qui ont flairé cet autre coup d`Etat, sont descendus dans la rue, pour protester contre cette imposture. Mal leur en prit cependant. Des exactions d’une rare brutalité seront commises sur ces civils aux mains nues, par la soldatesque de Dadis Camara. On déplore des viols, plusieurs blessés et des morts, tués, par balles.
Interrogé sur ces événements, Dadis Camara qui voit les mains de l’Occident derrière cette manifestation criera à un complot contre son régime, avant d’être contredit par ses propres propos. Celui qui n`a pas hésité à se faire filmer dans sa chambre à coucher, par la chaîne de télévision France 24, le sourire aux lèvres, avouera plus tard, naïvement devant les caméras, qu`il ne maîtrise pas son armée. Dadis Camara qui n’ignore pas qu’il est à la tête d’une armée réputée pour son indiscipline, est donc bel et bien conscient de la responsabilité de ses militaires dans ce massacre. Il doit pleinement en assumer les conséquences, le président autoproclamé doit répondre de ses actes ; il doit rendre compte pour cette barbarie, ce massacre gratuit de Guinéens, qui voulaient tout simplement exprimer leur opinion. On le voit, la Guinée est encore aux mains d’un autre bourreau, un mégalomane qui n’hésite pas à se prendre pour un messie, alors qu’il est loin d’être ce libérateur que son pays attend depuis belle lurette.
Dadis Camara doit quitter le pouvoir, pour se mettre à la disposition de la justice, avant même qu’une enquête ne soit diligentée sur cet odieux crime contre l’humanité.
Ce monsieur qui a semé la désolation, affirme convaincu, que sa prise du pouvoir n’est pas le fruit du hasard mais le fait de la providence. « C’est le destin », lance-t-il invariablement, avec fierté pour justifier son coup d’Etat. Pourtant, il n`y a qu’à voir ses interventions, qui font le tour du monde et qui provoquent l`hilarité générale, pour être aussitôt convaincu de son incapacité à diriger un pays.
Au nombre des ces « grandes » sorties, on note principalement des humiliations publiques de personnalités, dans l’unique but de prouver qu’il est le seul capitaine à bord du navire Guinée. Des séquences vidéo consacrées à ces « Dadis shows », tournent présentement sur la toile, pour le grand plaisir des internautes.
Obsédé par la volonté de ressembler à Thomas Sankara, Dadis Camara s`enfonce de jour en jour et, contrairement à ce qu’il croit, offre l’image d’un bouffon au monde entier. En effet, à l’opposé de ce « président prédestiné », le capitaine Thomas Sankara était un militaire qui avait une vision pour son pays le Burkina Faso et pour son continent l’Afrique. C’était un homme de conviction, qui a impulsé un esprit nouveau au « pays des hommes intègres ». Révolutionnaire convaincu, ce « Che Guevara » des tropiques avait une notion du respect des droits de l`Homme, comme en témoigne sa pensée devenue célèbre : « Un militaire sans formation politique est un criminel en puissance ». Dadis Camara doit méditer cela, car, comme l’a si bien chanté Petit Denis, il ne suffit pas de ressembler à quelqu’un pour avoir le même talent que lui.
Tout compte fait, après 52 longues années de tyrannie, la Guinée doit pouvoir opérer enfin un changement notable de régime, pour embrasser la démocratie. La dictature militaire doit définitivement disparaître au profit d’un gouvernement provisoire, composé de civils, qui aura pour mission de conduire une transition en vue des élections « libres et transparentes ». Cette équipe doit être composée de personnes issues de la société civile, reconnues entre autres pour leur civisme, et qui devront faire du « désarmement de l’armée » une priorité. La Guinée est de fait une poudrière, qui peut être préjudiciable à toute la sous-région ouest africaine, si l’on n’y prend garde. Depuis l’ère de Sékou Touré, l’anarchie s’est installée au sein de l’armée, où des cas d’insubordination à la hiérarchie sont fréquents. « Les militaires guinéens sont indisciplinés », entend- on dire, très souvent. Cette armée mérite donc une attention particulière car, seule sa réorganisation peut garantir la paix et la démocratie dans le pays. Il est urgent d’éradiquer forcément la « militarocratie» qui règne, si l’on veut que les Guinéens mettent en valeur, de manière judicieuse, les ressources de leur pays et en profitent pleinement, dans la paix.


Par Axel Illary
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