Quatre personnes soupçonnées dans l’affaire des malversations ont dessaisi leurs avocats pour protester contre la façon du juge d’instruction de conduire la procédure.
La crise de confiance entre les prévenus et l’instruction vient de franchir un nouveau cap. Le dernier épisode s’inscrit dans le cadre de la procédure menée par le juge Ladji Gnakalé. Le magistrat du parquet qui dit n’avoir toujours pas clôturé l’enquête sur ce dossier café-cacao, vient une nouvelle fois de prononcer le prolongement de la détention préventive. Non contents de cette «inexplicable lenteur», Henry Amouzou, Théophile Kouassi, Evelyne Aka et Mme Obodji Houssou ont écrit au juge d’instruction pour signifier qu’ils n’entendaient plus comparaître devant lui et qu’ils se mettaient, en attente du jugement devant intervenir à l’issue de l’audience publique. Ils ont motivé leur décision par le fait qu’il leur était apparu que l’instruction était uniquement conduite à charge contre eux, apparentant la détention dans laquelle ils sont placés depuis 16 mois, à une purge de peine avant même la décision de condamnation.
“Le juge d’instruction condamné”
Ils ont, par la même occasion, informé le doyen des juges d’instruction de ce qu’ils relevaient leurs avocats de leur mandat d’assistance et de représentation. Selon le collège d’avocats qui a donné une conférence de presse jeudi à Abidjan, la teneur du mémoire remis, insinue par ailleurs «une justice d’exception» et soupçonne, entre autre, le pouvoir exécutif d’avoir influé sur l’instruction du dossier. «Il convient de rappeler que c’est sur les ondes publiques que le chef de l’Etat, malgré la démonstration qui lui a été faite de la nature privée de ces fonds en cause, comme appartenant aux paysans, a qualifié les faits mis à leur charge de détournement en martelant la sévérité et l’exemplarité de la décision de condamnation à infliger aux auteurs », s’offusque le porte-parole des avocats, Me Luc Adjé. Pour l’heure, on ignore encore la position de la chancellerie, sans doute embarrassée par l’accusation. N’empêche que Me Adjé critique aussi un «abus de pouvoir» visant directement le juge d’instruction. Pour lui, après 16 mois d’investigation, il aurait pu signer une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, des personnes mises en examen dans l’affaire café-cacao ou à défaut une ordonnance de mise en liberté provisoire. En filigrane, il soutient le dessaisissement du juge Ladji Gnakalé au profit d’un autre directeur d’enquête. Cette affaire donne lieu à un vif échange d’arguties juridiques entre les avocats des prévenus et le parquet. Selon une source proche du ministère Public, la décision du juge d’instruction est conforme à l’intérêt d’une bonne administration de la justice. «Il n’est pas inutile de rappeler que cette affaire concerne de gigantesques sommes et qu’elle a également connu un fort retentissement en mettant en cause de nombreuses personnalités politiques», tente de justifier un substitut du procureur. Au-delà de cette affaire, Me Luc Adjé a fait une plaidoirie pour une réforme de l’appareil judiciaire notamment le juge d’instruction «qui est l’homme le plus puissant, le plus dangereux» dans les procédures. «Ce procès remet au goût du jour, l’institution monopolistique décriée du juge d’instruction. La France de qui nous l’avons hérité a ouvert le débat sur sa réorganisation. Certains ont même sollicité sa suppression car la liberté d’un individu ne peut être laissée à de seuls pouvoirs discrétionnaires », s’écrit-t-il. Pour sa part, il propose que cette institution soit repensée pour que s’installe désormais en Côte d’Ivoire un débat contradictoire sur la liberté, avant que ne soit décerné le mandat de dépôt. Ce débat, dit-il, doit être mené devant un juge des libertés, entre la partie civile et le parquet d’une part, et la défense d’autre part. «Cette argumentation ne manque pas d’audace», affirme le parquet qui tance une «piètre plaidoirie», soulignant que l’instruction ne peut en aucune manière être gelée.
Lanciné Bakayoko
La crise de confiance entre les prévenus et l’instruction vient de franchir un nouveau cap. Le dernier épisode s’inscrit dans le cadre de la procédure menée par le juge Ladji Gnakalé. Le magistrat du parquet qui dit n’avoir toujours pas clôturé l’enquête sur ce dossier café-cacao, vient une nouvelle fois de prononcer le prolongement de la détention préventive. Non contents de cette «inexplicable lenteur», Henry Amouzou, Théophile Kouassi, Evelyne Aka et Mme Obodji Houssou ont écrit au juge d’instruction pour signifier qu’ils n’entendaient plus comparaître devant lui et qu’ils se mettaient, en attente du jugement devant intervenir à l’issue de l’audience publique. Ils ont motivé leur décision par le fait qu’il leur était apparu que l’instruction était uniquement conduite à charge contre eux, apparentant la détention dans laquelle ils sont placés depuis 16 mois, à une purge de peine avant même la décision de condamnation.
“Le juge d’instruction condamné”
Ils ont, par la même occasion, informé le doyen des juges d’instruction de ce qu’ils relevaient leurs avocats de leur mandat d’assistance et de représentation. Selon le collège d’avocats qui a donné une conférence de presse jeudi à Abidjan, la teneur du mémoire remis, insinue par ailleurs «une justice d’exception» et soupçonne, entre autre, le pouvoir exécutif d’avoir influé sur l’instruction du dossier. «Il convient de rappeler que c’est sur les ondes publiques que le chef de l’Etat, malgré la démonstration qui lui a été faite de la nature privée de ces fonds en cause, comme appartenant aux paysans, a qualifié les faits mis à leur charge de détournement en martelant la sévérité et l’exemplarité de la décision de condamnation à infliger aux auteurs », s’offusque le porte-parole des avocats, Me Luc Adjé. Pour l’heure, on ignore encore la position de la chancellerie, sans doute embarrassée par l’accusation. N’empêche que Me Adjé critique aussi un «abus de pouvoir» visant directement le juge d’instruction. Pour lui, après 16 mois d’investigation, il aurait pu signer une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, des personnes mises en examen dans l’affaire café-cacao ou à défaut une ordonnance de mise en liberté provisoire. En filigrane, il soutient le dessaisissement du juge Ladji Gnakalé au profit d’un autre directeur d’enquête. Cette affaire donne lieu à un vif échange d’arguties juridiques entre les avocats des prévenus et le parquet. Selon une source proche du ministère Public, la décision du juge d’instruction est conforme à l’intérêt d’une bonne administration de la justice. «Il n’est pas inutile de rappeler que cette affaire concerne de gigantesques sommes et qu’elle a également connu un fort retentissement en mettant en cause de nombreuses personnalités politiques», tente de justifier un substitut du procureur. Au-delà de cette affaire, Me Luc Adjé a fait une plaidoirie pour une réforme de l’appareil judiciaire notamment le juge d’instruction «qui est l’homme le plus puissant, le plus dangereux» dans les procédures. «Ce procès remet au goût du jour, l’institution monopolistique décriée du juge d’instruction. La France de qui nous l’avons hérité a ouvert le débat sur sa réorganisation. Certains ont même sollicité sa suppression car la liberté d’un individu ne peut être laissée à de seuls pouvoirs discrétionnaires », s’écrit-t-il. Pour sa part, il propose que cette institution soit repensée pour que s’installe désormais en Côte d’Ivoire un débat contradictoire sur la liberté, avant que ne soit décerné le mandat de dépôt. Ce débat, dit-il, doit être mené devant un juge des libertés, entre la partie civile et le parquet d’une part, et la défense d’autre part. «Cette argumentation ne manque pas d’audace», affirme le parquet qui tance une «piètre plaidoirie», soulignant que l’instruction ne peut en aucune manière être gelée.
Lanciné Bakayoko