Pourquoi des filles sont déshabillées en pleine rue
A certains carrefours d’Abidjan, les jeunes filles en tenue sexy sont agressées par des jeunes gens qui vont parfois jusqu’à déchirer leurs vêtements. Ce phénomène est en train de prendre de l’ampleur.
“Djandjou (pute), tchoin, nous allons te mettre à poil aujourd’hui ». La scène dont nous sommes témoin se produit en pleine rue, le 17 octobre, devant l’ex-cinéma Liberté à Adjamé. Sous un soleil de plomb, une jeune fille est prise à partie par des jeunes gens qui tentent de lui retirer ses vêtements. « Arrachez-lui ce qui lui sert d’habit », lance l’un d’entre eux. Ils déchirent le bustier (Sous-vêtement féminin sans manche qui soutient la poitrine et la met en valeur). L’infortunée est tripotée dans tous les sens. « Laissez-moi, laissez-moi », crie-t-elle. Mais, ses cris et ses larmes semblent donner plus d’ardeur à ses agresseurs. Ils s’en prennent au soutien-gorge qui est très vite dégrafé. Certains la saisissent par le dos, d’autres passent leurs mains sur ses seins. Certains vont plus loin, c’est-à-dire vers l’entrejambe de la demoiselle. Très excités les garçons s’attaquent à sa culotte qui couvre à peine ses cuisses. Toujours les mêmes injures aux lèvres. L’adolescente ne doit son salut qu’à un autre groupe de commerçants. Apparemment plus âgés que les premiers, ceux-ci lui évitent d’être mise à poil en s’interposant entre elle et ses bourreaux. Selon des témoins, les scènes de ce type sont courantes en ce lieu et à d’autres grands carrefours d’Abidjan. Des jeunes commerçants ou des chargeurs de taxis intercommunaux s’en prennent à des passantes qu’ils estiment mal habillées. Ils espèrent, à travers leur punition, amener les jeunes filles à porter des tenues plus décentes.
Les agresseurs s’expliquent
A Koumassi, non loin du marché ‘’Djê Konan’’, une jeune dame nommée Kathy, vendeuse de grillades à ce carrefour, est encore remontée contre ceux qui ont fait passer un mauvais quart d’heure à sa nièce il y a deux mois : « Elle a 14 ans et vit en France avec notre sœur aînée. En vacances ici, elle venait me rendre visite au marché. L’adolescente a été déshabillée et dépouillée par ces vauriens », Selon Kathy, souvent, les victimes sont des femmes de plus de 30 ans. Elles sont mises nues par ces jeunes gens que la vendeuse qualifie de voleurs. Elle indique que, outre la raison qu’ils évoquent, certains d’entre eux se livrent au vol. « Ma nièce a perdu son porte-monnaie et son téléphone portable lors de son agression », signale Khaty. Selon des temoins, le cas sur lequel nous sommes tombé, à Adjamé ce samedi, a commencé par une offre de vente. Un vendeur ambulant a demandé à la jeune fille qui a été déshabillée d’acheter des vêtements avec lui. La passante a décliné l’offre. Le vendeur a insisté, mais, sur un autre ton. Selon Mme Traoré, vendeuse de produits cosmétiques qui a suivi la scène de près, le vendeur de vêtements a intimé l’ordre à la jeune fille de venir acheter des habits pour se vêtir, parce que pour lui, elle est nue. C’est à ce moment que la fille l’a traité de tous les noms. Une dispute a éclaté et le marchand s’est mis à tirer les vêtements de la passante. Les chargeurs de taxis (wôrô-wôrô), d’autres vendeurs d’habits et des apprentis de minicars (Gbaka) s’en sont mêlés.
Oussenou vend des chaussures pour dames devant l’église universelle à Adjamé-Liberté. Il participe, s’il est présent, aux déshabillages. Nous l’avons rencontré non loin de la pharmacie ‘’Makissi’’. « C’est un conseil que nous donnons aux jeunes filles. Nous ne pouvons plus accepter que nos sœurs s’habillent mal pour se promener. Quand nous constatons que tu veux tout montrer, c’est-à-dire les parties intimes qu’on doit cacher aux gens, nous t’aidons à le faire », justifie-t-il. Pour lui, une jeune fille ne doit pas circuler dans la rue avec des vêtements qui laissent apparaître ses cuisses et les seins. « Ce sont ces parties qui nous attirent quand nous devons passer à l’acte », précise-t-il. Selon Oussenou, dès que l’un d’entre eux aperçoit une de ces filles, il l’approche pour lui demander de bien s’habiller prochainement. A partir de cet instant, la fille tient son sort … sur ses lèvres. Si elle répond poliment, rien ne lui arrive. Mais, si elle donne une réponse du genre : « Qui es-tu pour me demander cela ? » elle s’expose à passer un sale quart temps. C’est un mouvement de groupe qui est déclenché par celui qui approche la passante. Mike, gérant de cabine téléphonique au grand carrefour de Koumassi, évoque les mêmes raisons que Oussenou. Il accuse les parents d’être à la base de ces « bassesses ». Pour lui, il est inadmissible que certains parents laissent leur fille se dénuder ainsi. « Les parents ont fui leur responsabilité à la maison. Nous faisons ce que nous pouvons dans la rue », se défend-il. Ce garçon d’une vingtaine d’années pense que leur pratique est un moyen de sensibilisation de ces filles : « une fille qui a subi le ‘’déshabillement’’ joue un grand rôle. Elle informe toutes ces amies de notre présence à certains endroits bien connus du district d’Abidjan ». Il pense que d’autres jeunes dans d’autres communes devront suivre leur exemple pour les aider dans leur lutte. Il espère que cela ramènera de « bonnes habitudes » vestimentaires chez les jeunes filles.
Des cas extrêmes
Toutefois, il déplore que certaines personnes mal intentionnées profitent de ce moment pour subtiliser des biens (bijoux, ou téléphones portables). Il regrette aussi que des « pervers » en profitent pour « satisfaire leur libido ». « Ce sont les effets collatéraux. On n’y peut rien. Mais, quand nous les prenons, ils sont à leur tour déshabillés », assure-t-il. Il arrive que certaines victimes soient totalement mises à poil. Sandra a connu ce sort. C’était à Adjamé Renault. A 18 heures, elle allait emprunter un gbaka pour se rendre à Yopougon. Aux feux tricolores, elle est accostée par deux jeunes gens qui lui proposent de l’aider à traverser. Elle décline l’offre croyant avoir affaire à des voleurs. Ils la suivent… (Lire son témoignage).
L’avis d’un officier de police
Un officier de police qui a préféré garder l’anonymat affirme que déshabiller des filles en pleine rue est une agression et surtout, une atteinte aux bonnes mœurs. Selon lui, les personnes qui se livrent à cette pratique peuvent être arrêtées. « Si la victime porte plainte, elle aura gain de cause. Aucune loi ne régit l’habillement en Côte d’Ivoire. Sur quoi se fonde le principe qui dit qu’elle est mal habillée et qu’il faut la déshabiller ? Personne n’a le droit de déshabiller une fille parce qu’il estime qu’elle n’est pas dans une tenue descente », explique le policier. Lui, recommande plutôt la sensibilisation. « Un agent de force de l’ordre qui suit une telle scène apprécie. S’il estime qu’il n’y a pas d’agression, il éloigne les agresseurs de la victime. Mais s’il pense que c’est une agression, il peut arrêter les coupables », conclut-t-il. Cette pratique récurrente à Adjamé est en train de se répandre dans d’autres communes. Outre Koumassi, Yopougon (Sicogi) est également concerné. Mais la zone la plus dangereuse demeure l’axe Liberté-Texaco-Renault. Jeunes filles en tenue ‘’sexy’’vous êtes averties !
Adélaïde Konin (Stagiaire)
A certains carrefours d’Abidjan, les jeunes filles en tenue sexy sont agressées par des jeunes gens qui vont parfois jusqu’à déchirer leurs vêtements. Ce phénomène est en train de prendre de l’ampleur.
“Djandjou (pute), tchoin, nous allons te mettre à poil aujourd’hui ». La scène dont nous sommes témoin se produit en pleine rue, le 17 octobre, devant l’ex-cinéma Liberté à Adjamé. Sous un soleil de plomb, une jeune fille est prise à partie par des jeunes gens qui tentent de lui retirer ses vêtements. « Arrachez-lui ce qui lui sert d’habit », lance l’un d’entre eux. Ils déchirent le bustier (Sous-vêtement féminin sans manche qui soutient la poitrine et la met en valeur). L’infortunée est tripotée dans tous les sens. « Laissez-moi, laissez-moi », crie-t-elle. Mais, ses cris et ses larmes semblent donner plus d’ardeur à ses agresseurs. Ils s’en prennent au soutien-gorge qui est très vite dégrafé. Certains la saisissent par le dos, d’autres passent leurs mains sur ses seins. Certains vont plus loin, c’est-à-dire vers l’entrejambe de la demoiselle. Très excités les garçons s’attaquent à sa culotte qui couvre à peine ses cuisses. Toujours les mêmes injures aux lèvres. L’adolescente ne doit son salut qu’à un autre groupe de commerçants. Apparemment plus âgés que les premiers, ceux-ci lui évitent d’être mise à poil en s’interposant entre elle et ses bourreaux. Selon des témoins, les scènes de ce type sont courantes en ce lieu et à d’autres grands carrefours d’Abidjan. Des jeunes commerçants ou des chargeurs de taxis intercommunaux s’en prennent à des passantes qu’ils estiment mal habillées. Ils espèrent, à travers leur punition, amener les jeunes filles à porter des tenues plus décentes.
Les agresseurs s’expliquent
A Koumassi, non loin du marché ‘’Djê Konan’’, une jeune dame nommée Kathy, vendeuse de grillades à ce carrefour, est encore remontée contre ceux qui ont fait passer un mauvais quart d’heure à sa nièce il y a deux mois : « Elle a 14 ans et vit en France avec notre sœur aînée. En vacances ici, elle venait me rendre visite au marché. L’adolescente a été déshabillée et dépouillée par ces vauriens », Selon Kathy, souvent, les victimes sont des femmes de plus de 30 ans. Elles sont mises nues par ces jeunes gens que la vendeuse qualifie de voleurs. Elle indique que, outre la raison qu’ils évoquent, certains d’entre eux se livrent au vol. « Ma nièce a perdu son porte-monnaie et son téléphone portable lors de son agression », signale Khaty. Selon des temoins, le cas sur lequel nous sommes tombé, à Adjamé ce samedi, a commencé par une offre de vente. Un vendeur ambulant a demandé à la jeune fille qui a été déshabillée d’acheter des vêtements avec lui. La passante a décliné l’offre. Le vendeur a insisté, mais, sur un autre ton. Selon Mme Traoré, vendeuse de produits cosmétiques qui a suivi la scène de près, le vendeur de vêtements a intimé l’ordre à la jeune fille de venir acheter des habits pour se vêtir, parce que pour lui, elle est nue. C’est à ce moment que la fille l’a traité de tous les noms. Une dispute a éclaté et le marchand s’est mis à tirer les vêtements de la passante. Les chargeurs de taxis (wôrô-wôrô), d’autres vendeurs d’habits et des apprentis de minicars (Gbaka) s’en sont mêlés.
Oussenou vend des chaussures pour dames devant l’église universelle à Adjamé-Liberté. Il participe, s’il est présent, aux déshabillages. Nous l’avons rencontré non loin de la pharmacie ‘’Makissi’’. « C’est un conseil que nous donnons aux jeunes filles. Nous ne pouvons plus accepter que nos sœurs s’habillent mal pour se promener. Quand nous constatons que tu veux tout montrer, c’est-à-dire les parties intimes qu’on doit cacher aux gens, nous t’aidons à le faire », justifie-t-il. Pour lui, une jeune fille ne doit pas circuler dans la rue avec des vêtements qui laissent apparaître ses cuisses et les seins. « Ce sont ces parties qui nous attirent quand nous devons passer à l’acte », précise-t-il. Selon Oussenou, dès que l’un d’entre eux aperçoit une de ces filles, il l’approche pour lui demander de bien s’habiller prochainement. A partir de cet instant, la fille tient son sort … sur ses lèvres. Si elle répond poliment, rien ne lui arrive. Mais, si elle donne une réponse du genre : « Qui es-tu pour me demander cela ? » elle s’expose à passer un sale quart temps. C’est un mouvement de groupe qui est déclenché par celui qui approche la passante. Mike, gérant de cabine téléphonique au grand carrefour de Koumassi, évoque les mêmes raisons que Oussenou. Il accuse les parents d’être à la base de ces « bassesses ». Pour lui, il est inadmissible que certains parents laissent leur fille se dénuder ainsi. « Les parents ont fui leur responsabilité à la maison. Nous faisons ce que nous pouvons dans la rue », se défend-il. Ce garçon d’une vingtaine d’années pense que leur pratique est un moyen de sensibilisation de ces filles : « une fille qui a subi le ‘’déshabillement’’ joue un grand rôle. Elle informe toutes ces amies de notre présence à certains endroits bien connus du district d’Abidjan ». Il pense que d’autres jeunes dans d’autres communes devront suivre leur exemple pour les aider dans leur lutte. Il espère que cela ramènera de « bonnes habitudes » vestimentaires chez les jeunes filles.
Des cas extrêmes
Toutefois, il déplore que certaines personnes mal intentionnées profitent de ce moment pour subtiliser des biens (bijoux, ou téléphones portables). Il regrette aussi que des « pervers » en profitent pour « satisfaire leur libido ». « Ce sont les effets collatéraux. On n’y peut rien. Mais, quand nous les prenons, ils sont à leur tour déshabillés », assure-t-il. Il arrive que certaines victimes soient totalement mises à poil. Sandra a connu ce sort. C’était à Adjamé Renault. A 18 heures, elle allait emprunter un gbaka pour se rendre à Yopougon. Aux feux tricolores, elle est accostée par deux jeunes gens qui lui proposent de l’aider à traverser. Elle décline l’offre croyant avoir affaire à des voleurs. Ils la suivent… (Lire son témoignage).
L’avis d’un officier de police
Un officier de police qui a préféré garder l’anonymat affirme que déshabiller des filles en pleine rue est une agression et surtout, une atteinte aux bonnes mœurs. Selon lui, les personnes qui se livrent à cette pratique peuvent être arrêtées. « Si la victime porte plainte, elle aura gain de cause. Aucune loi ne régit l’habillement en Côte d’Ivoire. Sur quoi se fonde le principe qui dit qu’elle est mal habillée et qu’il faut la déshabiller ? Personne n’a le droit de déshabiller une fille parce qu’il estime qu’elle n’est pas dans une tenue descente », explique le policier. Lui, recommande plutôt la sensibilisation. « Un agent de force de l’ordre qui suit une telle scène apprécie. S’il estime qu’il n’y a pas d’agression, il éloigne les agresseurs de la victime. Mais s’il pense que c’est une agression, il peut arrêter les coupables », conclut-t-il. Cette pratique récurrente à Adjamé est en train de se répandre dans d’autres communes. Outre Koumassi, Yopougon (Sicogi) est également concerné. Mais la zone la plus dangereuse demeure l’axe Liberté-Texaco-Renault. Jeunes filles en tenue ‘’sexy’’vous êtes averties !
Adélaïde Konin (Stagiaire)