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Économie Publié le vendredi 30 octobre 2009 | Nord-Sud

Production cacao : Le déficit ivoirien perturbe les places mondiales

La production ivoirienne de cacao est en chute libre. Le marché mondial en subit les contrecoups. Les recettes publiques aussi.

Les consommateurs européens de chocolat sont désemparés. Les prix de la plaquette flambent, mettant sérieusement à mal, le contenu du porte-monnaie des amateurs de la confiserie. Selon plusieurs analystes, l’épicentre de cette crise du chocolat se trouve en Côte d’Ivoire. La production du premier pays exportateur, qui représente 43 % de l’offre mondiale est en constant repli depuis bientôt quatre campagnes agricoles. Sur la saison 2008-2009, la production s’est contractée dans l’ordre de 200.000 tonnes. Et cette tendance baissière ne devrait pas de s’inverser d’autant que pour la campagne 2009-2010, le comité de gestion de la filière a bâti ses hypothèses sur un nouveau recul d’au moins 100.000 tonnes. «La courbe baissière peut perdurer », clame Gilbert Ano N’Guessan, président du comité. La conjoncture de ces dernières années a fait dégringoler le niveau de la récolte nationale de 1,2 million de tonnes à environ 800.000 tonnes aujourd’hui. Les causes sont multiples mais les principales sont le vieillissement du verger, la sur-taxation des producteurs à la base. Le corollaire est l’érosion des revenus et la baisse des rendements, faute de pesticides et surtout de produits phytosanitaires. «Nous n’avons rien pour augmenter le volume de nos récoltes. Les engrais sont absents », fait observer Séri-Bi Ignace, gérant de la coopérative agricole Mazago de Daloa. Selon Magloire Boni, conseiller technique de l’administration provisoire du Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café cacao (Fdpcc), les 80 % du verger vieillissant ne sont pas des plants sélectionnés. Sur l’ensemble des 250.000 hectares de cacao, dit-il, seulement 5 % des plants ont moins de 30 ans, précisant que le rendement national a chuté à 500 kilogrammes de fèves à l’hectare. Toutes ces difficultés ont fini par décourager les paysans.

Nombreux sont ceux qui ont décidé d’abandonner le cacao, préférant se consacrer à la culture de l’hévéa réputée plus rentable. «Certes, le caoutchouc met beaucoup de temps à être rentabilisé mais quand on a de la patience, on gagne toujours. On devient comme des travailleurs qu’on paie par mois », explique Jules Saraka, président de coopératives reconverti à l’hévéaculture. Il affirme que la remontée des cours est un phénomène périodique lié au désintérêt des paysans ivoiriens. «On ne peut pas se laisser berner par ce petit frémissement qui n’est que passager. Si on revient, les prix vont encore chuter », dit-il. Les cours internationaux sont au zénith. En début d’année, ils ont franchi la barre des 2.036 dollars la tonne. Soit +124% en un an et demi. Aujourd’hui, les prix mondiaux culminent à 3.600 dollars la tonne (1,6 millions de Fcfa) . Ce qui représente une hausse de 65% en une campagne. Les prévisionnistes tablent sur un accroissement beaucoup plus significatif de la demande par rapport à l’offre. Elle devrait repartir à la hausse à la vitesse de 2 à 3% par an. Les industriels du secteur prennent la menace très au sérieux.

Que faire ?

Nestlé a lancé un programme massif de plantation de cacaoyers pour sécuriser ses approvisionnements futurs, à des prix raisonnables. La multinationale vient de conclure avec le Centre national de recherche agronomique (Cnra) un accord de collaboration en vue de la création de nouveaux clones de cacao. Objectif : produire par culture in vitro des variétés plus performantes devant permettre aux planteurs d’augmenter la productivité et la rentabilité des parcelles. «Cela va permettre d’assurer une production abondante et de qualité », souligne Pierre Braun, directeur du Centre de recherche et de développement de Tours. Les acteurs misent sur un potentiel minimum de 1 à 2 tonnes par hectare contre 400 kilos aujourd’hui. Quant à l’Etat, il n’a pas encore pris la menace au sérieux. Pourtant, si le système cacao s’écroule, c’est l’économie ivoirienne entière qui sera menacée. L’épuisement de la rente du cacao priverait l’Etat ivoirien de son principal levier de régulation sociale. Le président Gilbert Ano s’est engagé avec l’appui de l’Anader, à offrir aux producteurs des départements d’Abengourou et Soubré (grandes zones de production) 1.600 à 1.900 hectares de cacao sélectionné cette année en vue de renouveler leurs vergers pour augmenter la production. Dans l’immédiat, c’est un total de 750.000 cabosses représentant une superficie de 15.000 hectares qui seront gracieusement mises à la disposition de l’ensemble des producteurs de cacao.

Lanciné Bakayoko
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