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Politique Publié le vendredi 6 novembre 2009 | Le Temps

Politique nationale/Udpci - Comment Mabri Toikeusse a perdu l’ouest

Au fil des déclarations, les défections s'accentuent au sein de l'Udpci. Et si Mabri peut savourer un certain succès médiatique pour son rapprochement avec Alassane Ouattara réputé pour son sens de la manipulation des médias, sur le terrain, dans l'extrême ouest, il fait plutôt grise mine. Les choses lui échappent. Après la déconvenue du général Robert Guéï à l'élection présidentielle d'octobre 2000 face au président Gbagbo, alors candidat du Front populaire ivoirien (FPI), le chef déchu de la junte à presque sa revanche aux élections législatives, municipales de 2001 et les conseils généraux en 2002. Fédérant autour de lui la plupart des cadres de l'ouest rassemblés dans ce qui apparaît déjà à l'époque, comme l'embryon d'un parti politique, il rafle les postes électifs dans l'ouest montagneux naguère réputé bastion du Fpi. Soit un peu plus de 20 postes dont huit à la députation qui permettent à cet embryon de l'Udpci d'avoir un groupe parlementaire dont la voix porte à l'assemblée nationale. Contraignant, le Fpi au pouvoir, mais mal à l'aise parce que n'ayant pu obtenir la majorité absolue à des négociations pour faire passer ses lois- réformes. Ayant pignon sur rue, "les judas", comme les appelaient les militants du Pdci, leur ancien parti, se muent en parti politique au congrès constitutif de mai 2002. A ce nouveau parti qui donne plutôt l'impression de ne concerner que l'ouest montagneux, son président naturel, le général Guéï, tente de donner un destin national. En plus de Danielle Boni Clavery et Kahé Eric qui empêchent les soupçonneux d'en dire davantage, il se flanque de l'errant Akoto Yao comme premier vice-président et essaie de relancer Alassane Salif Ndiaye en le bombardant Secrétaire général du tout nouveau parti. Il prend tout de même soin de les faire surveiller par ses jeunes loups. Mabri Toikeusse, Secrétaire général adjoint et l'impétueux Blé Guirao à la présidence de la jeunesse pour, on le devine, veiller sur les intérêts de la tribu. Et lorsque le général Guéi trouve la mort dans la douloureuse tentative de coup d'Etat de septembre 2002, tous surfent sur la tribu pour prendre les rennes du parti. Mettant à contribution leurs réflexes rentrés de loubard, ils boutent hors du parti tous les "non yacouba" et tous ceux qui osent émettre des réserves sur la légitimité du nouveau timonier de l'ouest montagneux, Mabri Toikeusse. On se souvient encore du matage en règle des militants de l'Udpci qui ont osé s'inviter au meeting, de Paul Akoto Yao, alors président par intérimaire de l'Udpci, au plus fort de la guerre de succession au général Guéï. Dans cette randonnée tribaliste portée par une sorte de nécrophilie maladive de l'Udpci, Mabri Toikeusse s'aliène la sympathie de plusieurs cadres du parti. Sur la vingtaine d'élus que revendiquait l'Udpci, seulement six restent fidèles à Mabri. Sept formations politiques sont nées du parti de feu Robert Guéï. Et Blon Blaise qui constituait jusque-là, le dernier rempart sûr du camp Mabri vient de lancer les premiers jets d'un prochain parti politique susceptible de rassembler tous les frustrés de Mabri. Quand on sait la capacité de mobilisation de celui que les populations appellent affectueusement " Bulldozer " pour sa réputation de bâtisseur, l'heure n'est plus à la sérénité dans les rangs des hommes de Mabri. De quoi donner des coups dans tous les sens. " Dans la vie d'un parti, il y a des départs et des arrivées. Ceux qui sont partis sont des élus, mais leur mandat est fini depuis longtemps et ils ne pèsent plus rien sur le terrain." Confiait Blé Guirao, en début d'octobre dernier aux obsèques du général Guéï. Au cours de son dernier congrès, les partisans de Mabri ont inscrit en rouge, dans les textes du parti, une interdiction aux cadres élus sous l'étiquette du parti de le quitter. Réactions épidermiques, à la limite, qui font sourire certains cadres résolus à en découdre avec Mabri et ses hommes pour leur impertinence. "Les cadres et les populations reprochent à Mabri de s'être servi de la mort de Guéï pour entretenir son aura politique et sa gestion violente du parti. On lui reproche également de vouloir faire de l'Udpci une affaire de Yacouba. Ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette vision ont donc décidé de partir. Et contrairement à ce qu'on croit, ce ne sont pas des feuilles mortes. La plupart de ceux qui sont partis sont des élus depuis 1990. Un député comme Gué Pascal est régulièrement élu depuis 1980. Donc du point de vue de la popularité, ils sont assis. " A confié un cadre de la région des montagnes. Sur le terrain, les populations qui se remettent petit à petit des surprises désagréables de la guerre tentent de digérer les récriminations nées de l'impressionnante campagne d'intoxication menée par les hommes de Mabri, profitant de ce qu'ils étaient les seuls à avoir accès à cette population. Et les langues se délient : "c'est Mabri qui est en train de détruire l'Udpci. Au moment où il prenait le parti, le fils héritier du général n'était pas là. Mais lorsqu'il est arrivé, on croyait qu’il approcherait les enfants. Mais ce n'est pas le cas. De toutes les façons, en temps opportun, on va réclamer l'héritage de Guéï. Mais finissons d'abord de l'enterrer". Gueu Bernadette traduit ainsi la colère de la famille. Il se raconte d'ailleurs que Kabacouman, le village natal du général Robert Guéï aurait une dent contre Mabri. Les populations de cette bourgade d'un peu plus de 10000 habitants reprochent aux successeurs de leur fils de ne leur avoir pas offert un centre de santé du temps où il était ministre de la santé. A Biankouman comme à Man, on voit de plus en plus l'alliance Ouattara-Mabri d'un mauvais œil. Ouattara étant vu comme le véritable patron de la rébellion qui pille les ressources de l'ouest et maintient les autochtones Yacouba dans une sorte d'esclavage. Loin des rassemblements spectaculaires d'Abidjan, la popularité de l'Udpci version Mabri se réduit comme peau de chagrin.
Emmanuel Fofana
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