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Société Publié le mercredi 11 novembre 2009 | L’expression

Table sur les frontières à Bamako : La « ghettoïsation » de l`Europe épinglée

« Des frontières et des hommes », voilà le thème de la table ronde qui a eu lieu lundi à Bamako, au Conservatoire des Arts et métiers multimédias. C'est à l'occasion de la Biennale africaine de la photographie.

A l'heure où les frontières occidentales se concertent pour déjouer la menace, réelle ou supposée, d'une invasion sans nom, le sort des échanges était connu d'avance. Sans surprise, l'Europe a servi d'aliment aux orateurs, dont quelques uns ont tancé la France, coupable à leurs yeux d'être le cerveau des tours de vis. L'historien malien, Jean Bosco Konaré, a plaidé pour une révision de cette politique, qui ne tient pas compte, selon lui, de tout le chemin parcouru ensemble. Avant d'indiquer que cette « ghettoïsation » de l'Europe pourrait conduire les Africains à revoir les routes de leur migration. « On sera obligé d'aller en Amérique, en Chine, en Inde. Ce choix ne sera pas forcément au détriment de l'Afrique », a-t-il soutenu. Pour l'ambassadeur de France au Mali, Michel Reveyrand de Menthon, les Africains ont une soif identitaire confirmée par quelques récentes manifestations au Mali contre le nouveau code de la famille. Une analyse qui n'a pas été du goût de Manthia Diawara, enseignant de littérature et de cinéma à New York University. Il a dit sa colère face à cette vision qui fait table rase de tout ce que l'Afrique a vécu. « Ce genre de propos me rend nerveux. Après nous avoir soumis à l'esclavage, nous sommes devenus des chrétiens et des musulmans. Vous nous avez colonisés.

Vous avez, à cause du pétrole, mis le feu au Tchad. Et vous avez l'audace de venir nous parler de nos identités! Où sont nos identités? » A-t-il interrogé. Bien avant, il avait expliqué que les Africains ont une vocation à la diaspora et au métissage. Reprenant les passages d'Edouard Glissant, dans son entretien avec lui, le professeur Manthia Diawara a indiqué: « Quand les Africains se métissent, ils ne cessent pas d'être eux-mêmes. Les nations et les tribus se métissent. Tu n'es pas désarticulé parce que tu es multiple. Ce que les racistes craignent, c'est le mélange ». L'anthropologue français, Christophe Daum, s'est quant à lui appesanti sur l'interprétation d'une étude parue en 2005 selon laquelle sur les 75 millions de migrants qui ont pris la direction des pays riches, seuls 2, 6 millions sont Africains. Une proportion qui, selon lui, bat en brèche les idées répandues. « On a l'habitude de croire que c'est la pauvreté qui chasse les gens, a-t-il poursuivi. Ce n'est pas tant la misère qui fait fuir qu'une offre d'emploi reconnue, repérée comme telle ». A en croire toujours l'anthropologue, tous ces mûrs qu'on érige, envers et contre toute rationalité, finissent tôt ou tard par tomber ; d'autant que la situation des migrants en fait une main d'œuvre bon marché. Il a indiqué que le montant des envois d'argent des migrants africains en direction de l'Afrique est plus élevé que l'aide au développement. « Aucune nation africaine n'a des chances de survivre dans la logique de l'évolution contemporaine », a estimé pour sa part l’historien Jean Bosco Konaré. Pour lui, le salut de l'Afrique réside dans le déboulonnage des frontières forgées par la colonisation. Pour l'ambassadeur de France au Mali, une telle démarche ne semble pas à l'ordre du jour à l'orée de l'anniversaire des 50 ans des indépendances de nombreux pays africains. « Rien n'indique qu'on va remettre en cause les États-nations engendrés par la colonisation. Les célébrations semblent plutôt tournées vers les identités nationales », a-t-il analysé.

Correspondance particulière de Fortuné Bationo à Bamako
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