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Économie Publié le vendredi 13 novembre 2009 | Le Nouveau Réveil

Jean Kacou Diagou, président de la Confédération générale des entreprises de Côte d`Ivoire : “Les fondations de notre société sont dégradées”

La Confédération générale des entreprises de Côte d'Ivoire (CGECI) veut instituer des échanges francs entre le patronat et les candidats à la présidentielle ivoirienne. Ci-dessous l'intervention du président Jean Kacou Diagou.

Monsieur le Président du Mouvement des Forces d'Avenir,
Mesdames et Messieurs les représentants des instances dirigeantes du Mouvement des Forces d'Avenir,
Mesdames et Messieurs les Vices présidents et membres du Conseil d'Administration de la CGECI,
Mesdames et Messieurs les Présidents, Directeurs Généraux des Groupements et Entreprises membres de la CGECI,
Messieurs les Présidents des Chambres Consulaires,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions, Partenaires au Développement,
Mesdames et Messieurs les Présidents, Représentants des groupements, fédérations et associations, partenaires de la CGECI,
Messieurs les Secrétaires Généraux des Centrales Syndicales,
Mesdames et Messieurs de la Presse, Honorables invités. Mesdames et Messieurs.
Ce moment est important, il est même historique pour le Patronat, comme nous l'avions dit lors de notre première rencontre. Car c'est pour la première fois en période électorale, que nous prenons l'initiative d'entendre les différents candidats à l'élection présidentielle sur leur projet pour la société Ivoirienne et tout particulièrement sur leur vision du développement du secteur privé.
Je voudrais en votre nom à tous, du secteur privé dans toutes ses composantes, traduire notre gratitude à Monsieur le ministre ANAKY KOBENA, Président du Mouvement des Forces d'Avenir, pour avoir accepté de répondre spontanément à notre invitation.
Merci Monsieur le Président, pour l'honneur que vous nous faites en vous livrant à cet exercice, qui je l'espère, sera profitable à tous.
Mesdames, Messieurs
Un panorama rapide de l'histoire économique de notre pays, nous permet de dire qu'au-delà des avancées remarquables enregistrées pendant la période qualifiée de " miracle ivoirien " dans la période de 1960 à 1979, le niveau de création de richesses est resté en-deçà du niveau qui aurait permis un décollage économique définitif.
Après une embellie des années d'après la dévaluation, il s'est même fortement dégradé pendant la période de crise que nous vivons encore aujourd'hui et que nous pouvons même aujourd'hui qualifier de "Décade perdue" pour l'économie Ivoirienne, dont le PIB a fortement chuté.
En effet, cette période est marquée par une détérioration vertigineuse des fondamentaux de l'économie et de la société ivoirienne.
Sur le plan économique, le moteur de création de richesses que constitue le secteur privé, ne fonctionne plus de façon optimale.
Car, il n'a plus la capacité d'absorber les nouveaux travailleurs alors que l'économie informelle prend des proportions alarmantes.
L'appareil productif n'est plus suffisamment modernisé, et l'Etat n'investit plus dans les infrastructures de base, en effet :
-les investissements privés qui représentaient 15°/o du PIB en 1980 ne représentent plus que 7°/o du PIB en 2008
-les investissements publics qui représentaient 13°/o du PIB en 1979 ne représentent plus que 3°/o du PIB en 2008
Plusieurs secteurs d'activités enregistrent des pertes de compétitivité tragiques au niveau mondial. De toute évidence, cela est dû à une déstructuration institutionnelle des filières, qui est notamment passée par celles des structures d'appui et du cadre réglementaire, la baisse importante de l'investissement ainsi que la dégradation du mode de gestion des activités.
On enregistre ainsi des pertes de parts de marché spectaculaires au niveau mondial pour :
-L'ananas est passé d'une production de 213.000 tonnes en 1999 à 60.000 tonnes en 2008
-La mangue, de 10.000 tonnes en 1999 à 6.000 tonnes en 2008
-Le bois, de 5 millions de m3 en 1979 à 1,468 million de m3 en 2008
-Le café, passé de 380.000 tonnes en 2000 à 171.000 tonnes en 2007
Même des bastions tels que le Cacao ont vu et voient toujours, leurs fondamentaux fortement entamés avec des vergers vieillissants et mal entretenus et une déstructuration complète des cellules d'encadrement de la filière ainsi que des baisses de la qualité du produit.
Sur le plan international, la perception de la Côte d'Ivoire atteint des niveaux particulièrement négatifs auprès des investisseurs.
Notre classement pour " Doing Business 2010" est de 168e / 183 pays en recul de 5 points sur l'année passée au World Economie Forum de 2010, notre rang est de 116e / 133 pays et pour le transparency international de 151e / 180 pays
Ces classements sont suffisamment éloquents à cet égard de notre recul dans le concert des nations...
Le plus tragique pour la Côte d'Ivoire, aujourd'hui, est sans aucun doute le niveau catastrophique des indices de développement humain qui ressortent des statistiques des Nations Unies.
Prise globalement, la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui affiche les performances suivantes :
-49°/o de la population vit avec moins de 2 dollars par jour
-14 personnes sur 100 souffrent de malnutrition.
Dans le domaine de l'éducation aujourd'hui :
-Le taux de scolarisation net à l'école primaire recule de 75% en 1980 à 56% en 2008 contre 98% en Tunisie... nos pays présentaient les mêmes similitudes dans les années 60,70.
-Chaque instituteur a à charge au moins 42 enfants en moyenne contre 18 en Tunisie, pour ne citer que ce pays.
Finalement sur le plan du système de santé :
-Nous avons 1 médecin pour 10.000 habitants contre 13… en Tunisie.
-Nous avons 4 lits d'hôpitaux pour 10.000 habitants contre 19... en Tunisie.
-Et enfin, l'espérance de vie passe de 56 ans en 1980 à 47 ans en 2008... vivre en Côte d’Ivoire nous expose à vivre de 20 à 30 ans moins longtemps que dans des pays qui avaient notre niveau de développement dans la période des indépendances. Ces forces vives disparaissent prématurément au moment où leur expérience acquise devait servir à la communauté, au reste du monde...
C'est tout cela la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui.
Malgré cette sévère crise, le Pays reste cependant, celui ayant le socle économique le plus diversifié, le parc d'infrastructures le plus moderne dans l'UEMOA, voire dans la CEDEAO. Ce n'est pas un sujet de réjouissance, mais tout n'est pas perdu pour autant.
Tout n'est pas négatif, car les entreprises, au prix de nombreux sacrifices, résistent tant bien que mal à la bourrasque, mais pour combien de temps encore ?
Fort de ces atouts, et grâce à l'effort de tous et particulièrement du secteur privé, qui en dépit du poids de la dette intérieure et contribue par ces impôts et taxes au fonctionnement de l'Etat, le pays a pu conclure avec les institutions de "BRETTON WOODS" un Programme Economique d'Urgence Post-Conflit (AUPC) en août 2007. Celui-ci a contribué à une relative amélioration de la situation économique entraînant pour l'année 2008 un taux de croissance de 2,3% contre 1,5% l'année précédente.
A partir des progrès enregistrés dans le cadre du Programme d'Urgence, le gouvernement a élaboré un programme économique et financier triennal pour la période 2009-2011, et visant :
- à maintenir la stabilité macroéconomique,
- à stimuler la croissance et lutter contre la pauvreté par l'assainissement des finances publiques.
- à permettre, à terme, d'atteindre le point d'achèvement de l'Initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) en vue d'un allégement de la dette publique.
Ce programme triennal prend aussi en compte l'accélération des réformes structurelles et la création d'un cadre institutionnel propice aux activités du secteur privé.
Par ailleurs, l'évolution significative enregistrée au niveau de nos instances communautaires, la signature future de l'Accord de Partenariat Economique (APE) entre l'union européenne et les pays de la région Afrique de l'Ouest, conjuguée avec les effets de la mondialisation, fait de la Côte d'Ivoire un espace économique ouvert confronté à la concurrence internationale et à la pression de l'économie mondiale.
C'est dans ce contexte que les prochaines élections présidentielles, qui annoncent la sortie de crise de notre pays, constituent un enjeu essentiel pour le secteur privé.
Ce dernier, incontestablement, sort meurtri de cette situation appelle de tous ses vœux, un environnement des affaires plus propice à la création d'emplois et de richesses.
Le secteur privé qui a besoin de relever les multiples défis de la mondialisation, fonde beaucoup d'espoir dans la sortie de crise du pays, signe de la relance économique.
C'est dans cette optique que, le Conseil d'Administration de la CGECI a souhaité organiser avec les autres organisations du secteur privé, les présentes rencontres avec les candidats à l'élection présidentielle.
La rencontre d'aujourd'hui, que je considère comme fraternelle nous permettra d'échanger avec vous. Monsieur ANAKY KOBENA, (aussi homme d'affaire en d'autres temps), de connaître et de comprendre vos positions sur les grandes questions nationales à court, moyen et long terme et plus précisément votre projet de société au plan économique et social.
Les crises économiques et sociopolitiques des 30 dernières années ont créé des fissures importantes dans notre système économique et les fondations de notre société.
Nous sommes aujourd'hui à un autre point d'inflexion important de l'évolution historique de notre pays et cela appelle un certain nombre d'interrogations :
-Pouvons-nous enrayer cette dégradation des fondations de notre société ?
-Pouvons-nous réinventer notre modèle économique et changer fondamentalement la trajectoire de notre nation ?
o L'état ivoirien sera-t-il capable de se rein venter lui-même et d'orchestrer sa propre mutation de façon constructive et durable en concert avec le secteur privé et la société civile ?
-Quels mécanismes pour une meilleure gouvernance ? de lutte efficace contre la corruption et le racket, ces gangrènes de l'économie, pour une compétitivité forte de notre environnement des affaires et de nos entreprises ? etc.
-Enfin, quelle place réelle, et non du bout des lèvres, l'Etat de la nouvelle Côte d'Ivoire compte réserver au secteur privé, et selon quels mécanismes concrets ?
Quant à vous chers amis invités, votre forte présence de ce matin est déjà un gage de succès de ce débat d'idées auquel, je suis sûr, que vous allez participer de façon active, constructive et surtout courtoise pour la promotion de notre économie et de nos affaires.
Mesdames Messieurs, bon déjeuner-débat.
Je vous remercie.

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