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Politique Publié le samedi 14 novembre 2009 | Le Patriote

Gestion calamiteuse de la refondation - Mais, où est donc passé l’argent des Ivoiriens ?

Il y a, dans le débat politique ivoirien – surtout celui qui tourne autour de la crise politico-militaire (disons de la guerre tout court, pour faire simple) –, une question que beaucoup de nos compatriotes n’ont pas encore pu poser clairement, et même s’ils l’avaient fait, dont ils n’ont pas reçu de réponse appropriée de la part de ceux à qui ils étaient censés la poser.
Cette question, la voici : A quoi a servi l’argent de notre pays, celui généré par nos ressources et le travail des Ivoiriens, au cours du mandat – considérons-le ainsi – qui est en passe de s’achever sous la gouvernance du régime FPI et de son premier garant ? Où donc est passé cet argent, qui se chiffre en milliers de milliards de nos francs ? Le régime Gbagbo peut-il nous en dire un mot – honnête et transparent – en nous précisant ce qu’il en a fait entre 2002 et 2009, c’est-à-dire, du déclenchement de la crise à nos jours?
La question est essentielle, parce qu’elle suggère, dans le contexte actuel ivoirien – celui des élections, donc du renouvellement des mandats électifs – une notion incontournable : le bilan.
Le bilan, dans le cadre de l’élection présidentielle qui nous intéresse ici, suppose que, comme nous sommes en démocratie, le régime sortant et l’individu qui l’a incarné durant le dernier mandat, c’est-à-dire, le Président de la République, se soumette volontiers à un devoir d’explication, voire de justification, du point de vue moral et financier, de sa gestion du pouvoir d’Etat. Et ce devoir-là devient un droit pour ses concitoyens, qui lui ont fait confiance en l’élisant.
Car, n’est-ce pas que quand on vous choisi parmi tant d’autres et que par la suite, on vous alloue de l’argent pour travailler, la moindre des choses est de dire, le moment venu, à ceux qui vous ont ainsi fait confiance – ici, le peuple ou, si vous préférez, le contribuable – comment vous avez travaillé, quelles sont les dépenses que vous avez effectuées, ce que vous avez réalisées et enfin ce qu’il vous reste comme reliquat ?
Donc, faisons-nous le porte-voix – le tweeter, diraient les Anglais – de cette population en posant à nouveau la question : Ou est passé l’argent des Ivoiriens qui a été mis à la disposition de Gbagbo et de son régime pour conduire les affaires de l’Etat, durant la période comprise entre 2002 et 2009 ?
Il y a deux bonnes raisons pour insister sut cette question.
Premièrement : quand la guerre a éclaté et que les turbulences étaient encore plus ou moins vives, c’est Gbagbo qui clamait sans discontinuer que le pays était debout. Il martelait que les institutions étaient bien chevillées dans les soubassements de la République, qu’elles tenaient bien sur leurs deux pieds et que la Côte d’Ivoire était en marche. C’est encore lui Gbagbo qui n’en finissait pas de s’enorgueillir du fait que les salaires étaient payés et que l’administration fonctionnait à merveille. Du reste, avait-il besoin de le clamer, puisqu’on voyait bien que les choses tournaient comme il le fallait ? Les conseils de ministres et de gouvernement avaient lieu tranquillement. Les décrets et autres décisions qui régentent l’Etat étaient pris par le chef de l’Etat. Les ministres et les hauts responsables de l’administration faisaient tourner leur machine.
Bien évidemment, on voyait aussi que du côté des hommes et femmes qui incarnaient cette dynamique, les choses n’allaient pas si mal. Des immeubles et villas cossues sortaient de terre, des stations service poussaient comme des « fleurs marguerites », pour emprunter à l’artiste. De voitures rutilantes – des 4x4 et Porsch notamment – inondaient les parking et artères. Des mariages pompeux (de préférence avec des miss) meublaient notre quotidien.
C’est sans doute en contemplant cette belle embellie que Gbagbo, l’un des deux belligérants de cette guerre, avait sorti, en substance, cette phrase terrible : « je tiens la barre de la Côte d’Ivoire utile».
« La Côte d’Ivoire utile », c’était par opposition à « l’autre » Côte d’Ivoire, celle que Gbagbo situait dans la partie septentrionale du pays contrôlée par la rébellion des Forces Nouvelles et qui s’en trouvait, de facto, « inutile ». Inutile, parce que, au fond, elle n’apportait pas (et n’avait peut-être jamais apporté), aux yeux de Gbagbo, grand-chose au développement du pays.
Donc, quand on tient le gouvernail d’un pays « utile et 80% de son outil de production », un peu comme un navire en parfait état de fonctionnement, on est un chef, un capitaine, heureux et libre de toutes ses manœuvres. On peut donc dire que Laurent Gbagbo était un Président heureux, qui avait bien les coudées franches pour gouverner. Et il a gouverné.

Beaucoup de milliards engrangés

Deuxièmement : comme il a gouverné et qu’on ne saurait se prêter à cet exercice avec des morceaux de cailloux, mais bien avec de l’argent, le chef de l’Etat a eu à sa disposition les moyens de sa gouvernance.
Tenons-nous en simplement au budget général de l’Etat. Il n’a jamais été autant au plus haut que pendant cette crise.
De 2002 à 2009, il est allé crescendo d’à peu près 15000 milliards à 2464 milliards de nos francs.
Quand on fait un petit calcul, on se retrouve, en ce qui concerne ce chapitre, à plus de 16.000 milliards de F.CFA.
Soustrayons de cette manne, la masse salariale globale dont la moyenne avoisine les 800 milliards par an. Il suffit alors de multiplier ce chiffre par 7 et on se retrouve avec une cagnotte de 5.600 milliards de F.CFA.
Le différentiel à ce niveau est déjà de 10.400 milliards de FCFA.
Ajoutons-y les emprunts obligataires de 2002 à 2009 qui s’élèvent à environ 500 milliards et cela nous donne près de 10.900 milliards. Continuons ce calcul avec le DUS sur un produit phare comme le cacao qui, pour la période de 2002 à 2008 a frôlé les 1500 milliards. Regardons ensuite les recettes fiscales qui s’élèvent dans la même période à 6902 milliards. Les douanes, de 2002 à 2008 qui ont renfloué les caisses de l’Etat à hauteur de 5008 milliards. Le Port qui est pour sa part auréolé d’un trafic allant jusqu’à 145, 01 millions de tonnes de marchandises.
Dieu seul sait, et Laurent Gbagbo s’en est toujours réjoui, que les recettes à ce niveau sont extrêmement parlantes et couvrent une bonne part de nos revenus financiers. Il y a également cette grande mamelle de notre économie, le pétrole, qui, pour être assez discrète n’en constitue pas moins une sacrée source d’entrée d’argent.
Qu’est-ce que tous ces chiffres sont censés expliquer ? Eh bien, que la Côte d’Ivoire, malgré la crise qui l’a secouée ces dernières années – et que Gbagbo a du reste minimisée – s’est comportée comme un pays normal, plus ou moins prospère, pour ne pas dire plus.
L’autre chose que ces chiffres donnent à relever, c’est que ce pays, parce qu’il était divisé en deux, a obligé le chef de l’Etat à en gouverner seulement une moitié, la partie « utile », le soulageant du « morceau inutile », lequel, pour autant, n’était pas moins peuplé d’une bonne partie de la population active. Donc, pour simplifier les choses, cela revient à dire que Gbagbo a gouverné un demi-pays (40%) avec les ressources financières d’un entier. Cela veut dire que là où il devait partager 1000 F sur 10 km2 du territoire, il l’a fait sur quatre.
Ca veut dire, en un mot comme en mille, qu’énormément d’argent à circulé sous la Refondation.
Car il est ainsi clair que, hormis les salaires qui sont une dépense fixe ( absorbant 43 % des recettes fiscales) et dont la régularité au cours de cette période n’est plus à démontrer, Gbagbo a travaillé, de 2002 à 2009, avec des finances publiques qui ont avoisiné les 15 à 20.000 milliards de F.CFA !
A quoi a donc servi cette manne, monstrueuse pour un pays qui est classé dans le peloton de tête des pays pauvres très endettés, les fameux PPTE ?
Quelle est la réalisation digne de ce nom dont le régime actuel peut se targuer d’avoir inscrite sur son calepin de gouvernance et qui a nécessité des sorties de budget ? En neuf ans – sortons même de la période de la crise – qu’est-ce que le régime FPI a pu donner, ne serait-ce qu’en termes d’infrastructures, à ce pays et à ses braves populations ?

Aucun investissement
de poids

Au plan scolaire et universitaire, quel est le bâtiment qui a pu sortir de terre depuis 2000 ? Dans quelle ville, sous-préfecture ou même village ? Au plan sanitaire, quelle est la maternité, le dispensaire où le CHU qui s’est ajouté à l’existant ? Au plan des infrastructures routières, etc. A la vérité, rien de significatif n’a été fait ! Les dépenses d’éducation, qui représentaient 28 % du total du budget en 2000, n’en représentent plus que 21 % en 2008. Même constat pour l’agriculture (4,6 % des dépenses en 1999, 1,5 % en 2007) et la santé (9 % et 6,7 %).
Enfin, les infrastructures se détériorent d’année en année. Sur 82_000 kilomètres de routes, 30_000 sont très dégradés.
Donc, si rien n’a été fait, où est passé l’argent ? Où sont passés les milliers de milliards que nous évoquions plus haut ? Dans quel circuit de dépense publique cet argent a donc pu être inséré ? A moins qu’on ne leur dise que la Côte d’Ivoire est devenue une importante réserve financière, les Ivoiriens seraient bien curieux de le savoir.
Bien sûr, l’un des gouffres budgétaires qu’on leur a toujours opposé, c’est l’achat massif d’armes qui a servi à faire la guerre. A ce niveau, il est vrai que des dizaines, voire des centaines de milliards ont été sortis des caisses de l’Etat, mais nul n’ignore l’étendue, en termes de devises, de l’effort de guerre consenti par des secteurs entiers de notre économie. Et puis, cette manne, à y voir de près, est sans aucune commune mesure avec les sommes que nous indiquions plus haut.
Le problème est donc ailleurs. Il est dans la gestion totalement désarticulée, à l’emporte-pièce, du régime FPI.
Un expert en économie, J.M. Adou, diagnostiquait à ce propos : « une faiblesse de l’organisation du circuit de la dépense publique marquée par une mauvaise organisation de l’administration des finances publiques, des procédures inefficaces, une informatisation parcellaire des services et un besoin des renforcements des capacités des hommes et des femmes de cette administration. Ces problèmes ont pour corolaire l’impossibilité d’avoir une situation claire des engagements de l’Etat, un manque de confiance entre l’administration et le secteur privé par le fait de procédure d’attribution des marchés publiques opaques, un gonflement des passifs de l’Etat, etc. ».
Mais il y a surtout cet accaparement immodéré des ressources de l’Etat qui fait qu’un budget de souveraineté comme celui sous Gbagbo connaisse une hausse vertigineuse sans qu’on ne sache ce qui à la présidence ou dans les activités du président nécessitait de telles évolutions. « Le budget de souveraineté du président Bédié était de 15 milliards de 1995 à 1998. Ce budget est passé à 22 milliards puis à 29 milliards sous le régime d’exception du général Guéi en 2000 pour ensuite faire son petit bonhomme de chemin de 32 milliards à 76 milliards en 2009 sous Gbagbo (…) quand on sait que le budget général de l’Etat ivoirien est fixé à 2529,5 milliards et celui de la présidence à 76 milliards en 2009, cela revient à dire que le budget présidentiel représente 3% du budget de l’Etat, soit 100 fois plus qu’en France », déplorait J.M. Adou.
Quand on est ainsi à la tête d’un groupe de personnes et qu’on ne s’impose pas certaines restrictions, qui sont d’éthique républicaine, pourquoi les autres se priveraient ?
Voici ce qui explique en grande partie, la course à l’enrichissement illicite à laquelle les refondateurs se sont livrée de façon effrénée et qui explique que, sans que rien ne le justifie, des personnes, parce qu’ils ont été nommées à des postes de responsabilité, se sont permises de tomber à bras raccourcis sur l’argent de l’Etat, l’argent des Ivoiriens. La somme de 100 milliards de FCFA destinée à l'achat de l'usine américaine Fulton pour la transformation du cacao a été volée. 600 milliards de FCFA détournés dans des comptes des structures (BCC, FDPCC, FRC, ARCC ) et sur des places boursières occidentales ont été découverts par l’UE.
Des dépenses inopportunes et non justifiées qui ont fait dire, en septembre 2005, à une mission conjointe du FMI et de la Banque mondiale que sur environ 125 milliards de francs CFA prélevés sur le dos des planteurs, entre 2002 et 2004, seuls environ 40 milliards de francs CFA ont été régulièrement dépensés au bénéfice de la filière. Des détournements de biens sociaux ont bien profité au palais présidentiel.
Depuis 2000, la production nationale de pétrole est allée croissante passant rapidement de 40000 barils/jour à 100000 barils/jour. Pendant six années, la manne du pétrole ne figurait pas dans le budget national. Elle était sous le contrôle exclusif de Laurent Gbagbo. Plus de 500 milliards de FCFA ont été dépensés dans des conditions obscures dénoncées par les bailleurs de fonds.
Alors, posons à nouveau la question : où est l’argent des Ivoiriens ? Il faudra bien y répondre. Les Ivoiriens ne se laisseront pas abuser par le prétexte fallacieux de la guerre.
KORE EMMANUEL
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