La prise en charge dans les hôpitaux publics n’est pas à la portée de tous. Ce fait cause d’énormes préjudices à la population ivoirienne dont plus de la majorité vit sous le seuil de pauvreté. Dans cette interview, le Pr Djessou Prosper explique les raisons qui font que la prise en charge ne peut pas être gratuite.
Pensez-vous que les Ivoiriens ont les moyens de se soigner aujourd’hui dans un hôpital public quand sait que la consultation coûte environ 5.000 Fcfa dans les Chu et les examens de routine autour de 4.000 Fcfa ?
Les hôpitaux publics sont les plus moins chers. Ces prix ont été étudiés depuis longtemps, il y a 20 ans environ. Dans ce tarif, il faut voir l’apport de l’Etat et celui de la population. Pourquoi une consultation vaut 3.500 Fcfa dans le public et 15.000 Fcfa dans le privé ? Et dans le public au lieu de 15.000 Fcfa, on le fait à 3.500 Fcfa, parce qu’on se dit que l’Etat paie les 11.500 Fcfa sous forme de salaires, sous forme de produits de première nécessité. On se dit que 3.500 Fcfa est à la portée de la population. Je vous donne un exemple. Lorsque les gens se rendent chez le féticheur ou le marabout, il y a la consultation qui est payante. La somme varie, soit 500 ou 1.000 Fcfa. Quand ce dernier finit de jeter ses cauris, il vous demande d’aller payer soit un mouton ou un poulet. La consultation et les sacrifices s’élèvent à 10.000 Fcfa au moins. Ces pratiques ne gênent pas l’Africain. C’est pareil quand les gens se rendent chez les tradipraticiens. L’un dans l’autre, nous constatons que les prix qu’on fixe dans les hôpitaux publics sont à la portée de tous. Et n’oublions pas que le marabout et le tradipraticien n’ont reçu aucune formation en santé, à l’opposé de l’agent de santé qui est un spécialiste en la matière.
A l’instar de certains pays comme Cuba, la Côte d’Ivoire ne peut-elle pas rendre gratuites les prestations dans les hôpitaux publics ?
C’est impossible. Parce que cela va influer sur le budget de l’Etat. Dans les années 1970, un slogan avait été lancé : «La santé pour tous en l’an 2000». Mais, nous nous sommes rendu compte qu’avec les nombreux problèmes des pays africains (crises économiques, problèmes inhérents même à la gestion de tout ce qui concerne la santé), on n’est pas encore arrivé à la santé pour tous en 2009. Quand un pays a les moyens de satisfaire sa population, cela se fait facilement. Dans les pays africains, il faut à tout prix que la population accepte de participer sinon l’Etat va ‘’tomber’’.
Mais pourquoi dans certains pays africains moins nantis, la césarienne est prise en charge et non en Côte d’Ivoire ?
Nous sommes en train de tendre vers la prise en charge totale de la césarienne pour limiter la mortalité infantile. Nous avons constaté que le prix du kit n’est pas à la portée des femmes qui viennent accoucher. Le ministre de la Santé a décidé, avec le soutien de l’Etat, que la césarienne soit gratuite pour que désormais, on ne dise plus aux femmes de payer le kit avant de pouvoir les opérer. Nous sommes effectivement sur cette voie, d’ici quelques mois, la césarienne sera gratuite.
Que prévoient les hôpitaux publics pour les malades qui arrivent et qui n’ont pas d’argent pour la consultation ?
Il y a 100 millions de Fcfa qui sont dépensés pour les indigents dans les Chu chaque année. La notion d’indigent fait appel à une couverture sociale pour certaines personnes qui arrivent dans nos Chu.
Qui est indigent selon vous ?
Seuls les assistants sociaux peuvent le savoir. Après des entretiens avec certains malades, s’ils certifient qu’ils sont indigents, ils sont alors pris en charge. Et, les populations ont les moyens de déclarer leur indigence auprès des assistants sociaux dans les structures sanitaires. Il y a des moyens pour se faire soigner quand on est indigent, encore faut-il le déclarer.
Peut-on espérer qu’un jour, les hôpitaux publics pourront prendre en charge tous les malades gratuitement ?
Ce n’est pas réaliste de dire aux populations qu’elles vont être prises en charge gratuitement. Ce serait un leurre. Ce qu’il faut faire, c’est la mise en place de l’Assurance maladie universelle (Amu) où il y aura un ticket modérateur pour les assurés. Et le reste, couvert par l’assurance maladie. C’est ce qui se fait dans tous les pays occidentaux. Avant, dans les années 1960, la consultation se faisait gratuitement. L’Etat a pu supporter parce qu’en ce moment la Côte d’Ivoire n’avait que 6 ou 7 millions d’habitants. 40 ans après, ce n’est plus possible parce que la population a presque triplé. Dans les Epn, et plus précisément dans les Chu, nous sommes contraints à une gestion assez rigoureuse. Les Chu sont des établissements publics à caractère commercial. Il y a un contrat passé avec l’Etat. Nous sommes obligés de faire entrer de l’argent qui nous permet un fonctionnement propre. Lorsque vous attendez quelque chose de quelqu’un, vous ne pouvez pas lui dire de faire la gratuité totale. Il y aura bientôt la semaine des Epn. Au cours de cette semaine ; il y aura des consultations gratuites durant 3 jours. Les populations pourront se faire consulter gratuitement dans plusieurs établissements sanitaires publics les 9, 10 et 11 décembre.
Est-ce qu’il est normal qu’un agent de santé prenne de l’argent avec un patient, soit pour des gants soit pour de l’alcool ou pour la prise de température ?
Non, ce n’est pas normal. Tout cela doit être inclus dans l’ordonnance du malade. Il ne doit payer que ce qui est mentionné sur son ordonnance.
Et que pensez-vous des prix des examens de laboratoire qui diffèrent d’un hôpital public à un autre ?
Ce n’est pas normal. Tous les examens dans les hôpitaux publics doivent avoir le même prix. En plus de cela, les prix doivent être affichés dans les différents centres de santé.
Un mot sur la campagne de qualité que vous dirigez. De quoi s’agit-il réellement ?
La qualité en santé, c’est l’organisation pratique des services afin qu’on puisse rendre aux patients, des meilleurs soins. Il s’agit d’une organisation dynamique qui fait appel à chaque acteur et où chcun sait ce qu’il fait. Ce que nous apprenons à l’école, c’est la théorie. Et pendant les stages hospitaliers, la pratique. Ce qu’on ne nous apprend pas, c’est comment nous organiser pour que la chaîne de soins ne s’estompe pas. La qualité en santé, c’est l’organisation pratique pour rendre efficace le travail qu’on fait afin de satisfaire le patient qu’on appelle aujourd’hui client.
Pensez-vous que cela se pratique vraiment dans les centres de santé publics ?
C’est un nouveau concept que nous cherchons à vulgariser. L’idée de la qualité vient d’entrer dans notre quotidien. En Côte d’Ivoire, il n’y a que deux Etablissements publics nationaux (Epn) de santé qui sont certifiés. Ce sont l’Institut de cardiologie et la Pharmacie de la santé publique de Côte d’Ivoire. Notre rôle, c’est de sensibiliser, former et informer pour que la qualité rentre dans les mœurs des Ivoiriens et que tous les Epn soient certifiés. La qualité inclut toutes les prestations allant de l’accueil à la prise en charge du malade. Ce sont la réception du malade, son accueil, la consultation, les examens demandés, le traitement qu’on institue, les soins et les médicaments qu’on prescrit. La pratique est très difficile, parce qu’elle demande un changement de comportement. C’est un long chemin parsemé d’embûches.
En combien de jours peut-on avoir le résultat de l’examen de dépistage du paludisme ?
Quand le travail est bien fait, et très bien fait, en une heure, on peut avoir le résultat. Et cela, si la chaîne de travail n’a pas été interrompue.
Qu’est-ce qui explique qu’un résultat d’examen soit disponible en deux jours ou plus ?
L’engorgement des centres de santé fait que la prise en charge devient difficile. Il y a assez de malades, et moins d’agents de santé. Les matériels adéquats sont en nombre insuffisant. Quand on est bien organisé, cela devrait aller comme sur des roulettes.
Combien coûte une consultation et un examen de goutte épaisse (examen du palu) ?
La consultation varie. Elle va de 5.000 Fcfa à 3.500 Fcfa, la goutte épaisse s’élève à 1.000 Fcfa.
Avez-vous un message pour les populations ?
Il faut tranquilliser la population ivoirienne. Le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Dr Allah Kouadio Rémi, a le souci d’améliorer la qualité des prestations dans les hôpitaux publics du pays. C’est pour cela qu’il a engagé tous les établissements sanitaires dans la démarche qualité. La gratuité de la césarienne est son idée qui verra bientôt le jour pour soulager les femmes enceintes en difficulté.
Interview réalisée par Adélaïde Konin (Stagiaire)
Pensez-vous que les Ivoiriens ont les moyens de se soigner aujourd’hui dans un hôpital public quand sait que la consultation coûte environ 5.000 Fcfa dans les Chu et les examens de routine autour de 4.000 Fcfa ?
Les hôpitaux publics sont les plus moins chers. Ces prix ont été étudiés depuis longtemps, il y a 20 ans environ. Dans ce tarif, il faut voir l’apport de l’Etat et celui de la population. Pourquoi une consultation vaut 3.500 Fcfa dans le public et 15.000 Fcfa dans le privé ? Et dans le public au lieu de 15.000 Fcfa, on le fait à 3.500 Fcfa, parce qu’on se dit que l’Etat paie les 11.500 Fcfa sous forme de salaires, sous forme de produits de première nécessité. On se dit que 3.500 Fcfa est à la portée de la population. Je vous donne un exemple. Lorsque les gens se rendent chez le féticheur ou le marabout, il y a la consultation qui est payante. La somme varie, soit 500 ou 1.000 Fcfa. Quand ce dernier finit de jeter ses cauris, il vous demande d’aller payer soit un mouton ou un poulet. La consultation et les sacrifices s’élèvent à 10.000 Fcfa au moins. Ces pratiques ne gênent pas l’Africain. C’est pareil quand les gens se rendent chez les tradipraticiens. L’un dans l’autre, nous constatons que les prix qu’on fixe dans les hôpitaux publics sont à la portée de tous. Et n’oublions pas que le marabout et le tradipraticien n’ont reçu aucune formation en santé, à l’opposé de l’agent de santé qui est un spécialiste en la matière.
A l’instar de certains pays comme Cuba, la Côte d’Ivoire ne peut-elle pas rendre gratuites les prestations dans les hôpitaux publics ?
C’est impossible. Parce que cela va influer sur le budget de l’Etat. Dans les années 1970, un slogan avait été lancé : «La santé pour tous en l’an 2000». Mais, nous nous sommes rendu compte qu’avec les nombreux problèmes des pays africains (crises économiques, problèmes inhérents même à la gestion de tout ce qui concerne la santé), on n’est pas encore arrivé à la santé pour tous en 2009. Quand un pays a les moyens de satisfaire sa population, cela se fait facilement. Dans les pays africains, il faut à tout prix que la population accepte de participer sinon l’Etat va ‘’tomber’’.
Mais pourquoi dans certains pays africains moins nantis, la césarienne est prise en charge et non en Côte d’Ivoire ?
Nous sommes en train de tendre vers la prise en charge totale de la césarienne pour limiter la mortalité infantile. Nous avons constaté que le prix du kit n’est pas à la portée des femmes qui viennent accoucher. Le ministre de la Santé a décidé, avec le soutien de l’Etat, que la césarienne soit gratuite pour que désormais, on ne dise plus aux femmes de payer le kit avant de pouvoir les opérer. Nous sommes effectivement sur cette voie, d’ici quelques mois, la césarienne sera gratuite.
Que prévoient les hôpitaux publics pour les malades qui arrivent et qui n’ont pas d’argent pour la consultation ?
Il y a 100 millions de Fcfa qui sont dépensés pour les indigents dans les Chu chaque année. La notion d’indigent fait appel à une couverture sociale pour certaines personnes qui arrivent dans nos Chu.
Qui est indigent selon vous ?
Seuls les assistants sociaux peuvent le savoir. Après des entretiens avec certains malades, s’ils certifient qu’ils sont indigents, ils sont alors pris en charge. Et, les populations ont les moyens de déclarer leur indigence auprès des assistants sociaux dans les structures sanitaires. Il y a des moyens pour se faire soigner quand on est indigent, encore faut-il le déclarer.
Peut-on espérer qu’un jour, les hôpitaux publics pourront prendre en charge tous les malades gratuitement ?
Ce n’est pas réaliste de dire aux populations qu’elles vont être prises en charge gratuitement. Ce serait un leurre. Ce qu’il faut faire, c’est la mise en place de l’Assurance maladie universelle (Amu) où il y aura un ticket modérateur pour les assurés. Et le reste, couvert par l’assurance maladie. C’est ce qui se fait dans tous les pays occidentaux. Avant, dans les années 1960, la consultation se faisait gratuitement. L’Etat a pu supporter parce qu’en ce moment la Côte d’Ivoire n’avait que 6 ou 7 millions d’habitants. 40 ans après, ce n’est plus possible parce que la population a presque triplé. Dans les Epn, et plus précisément dans les Chu, nous sommes contraints à une gestion assez rigoureuse. Les Chu sont des établissements publics à caractère commercial. Il y a un contrat passé avec l’Etat. Nous sommes obligés de faire entrer de l’argent qui nous permet un fonctionnement propre. Lorsque vous attendez quelque chose de quelqu’un, vous ne pouvez pas lui dire de faire la gratuité totale. Il y aura bientôt la semaine des Epn. Au cours de cette semaine ; il y aura des consultations gratuites durant 3 jours. Les populations pourront se faire consulter gratuitement dans plusieurs établissements sanitaires publics les 9, 10 et 11 décembre.
Est-ce qu’il est normal qu’un agent de santé prenne de l’argent avec un patient, soit pour des gants soit pour de l’alcool ou pour la prise de température ?
Non, ce n’est pas normal. Tout cela doit être inclus dans l’ordonnance du malade. Il ne doit payer que ce qui est mentionné sur son ordonnance.
Et que pensez-vous des prix des examens de laboratoire qui diffèrent d’un hôpital public à un autre ?
Ce n’est pas normal. Tous les examens dans les hôpitaux publics doivent avoir le même prix. En plus de cela, les prix doivent être affichés dans les différents centres de santé.
Un mot sur la campagne de qualité que vous dirigez. De quoi s’agit-il réellement ?
La qualité en santé, c’est l’organisation pratique des services afin qu’on puisse rendre aux patients, des meilleurs soins. Il s’agit d’une organisation dynamique qui fait appel à chaque acteur et où chcun sait ce qu’il fait. Ce que nous apprenons à l’école, c’est la théorie. Et pendant les stages hospitaliers, la pratique. Ce qu’on ne nous apprend pas, c’est comment nous organiser pour que la chaîne de soins ne s’estompe pas. La qualité en santé, c’est l’organisation pratique pour rendre efficace le travail qu’on fait afin de satisfaire le patient qu’on appelle aujourd’hui client.
Pensez-vous que cela se pratique vraiment dans les centres de santé publics ?
C’est un nouveau concept que nous cherchons à vulgariser. L’idée de la qualité vient d’entrer dans notre quotidien. En Côte d’Ivoire, il n’y a que deux Etablissements publics nationaux (Epn) de santé qui sont certifiés. Ce sont l’Institut de cardiologie et la Pharmacie de la santé publique de Côte d’Ivoire. Notre rôle, c’est de sensibiliser, former et informer pour que la qualité rentre dans les mœurs des Ivoiriens et que tous les Epn soient certifiés. La qualité inclut toutes les prestations allant de l’accueil à la prise en charge du malade. Ce sont la réception du malade, son accueil, la consultation, les examens demandés, le traitement qu’on institue, les soins et les médicaments qu’on prescrit. La pratique est très difficile, parce qu’elle demande un changement de comportement. C’est un long chemin parsemé d’embûches.
En combien de jours peut-on avoir le résultat de l’examen de dépistage du paludisme ?
Quand le travail est bien fait, et très bien fait, en une heure, on peut avoir le résultat. Et cela, si la chaîne de travail n’a pas été interrompue.
Qu’est-ce qui explique qu’un résultat d’examen soit disponible en deux jours ou plus ?
L’engorgement des centres de santé fait que la prise en charge devient difficile. Il y a assez de malades, et moins d’agents de santé. Les matériels adéquats sont en nombre insuffisant. Quand on est bien organisé, cela devrait aller comme sur des roulettes.
Combien coûte une consultation et un examen de goutte épaisse (examen du palu) ?
La consultation varie. Elle va de 5.000 Fcfa à 3.500 Fcfa, la goutte épaisse s’élève à 1.000 Fcfa.
Avez-vous un message pour les populations ?
Il faut tranquilliser la population ivoirienne. Le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Dr Allah Kouadio Rémi, a le souci d’améliorer la qualité des prestations dans les hôpitaux publics du pays. C’est pour cela qu’il a engagé tous les établissements sanitaires dans la démarche qualité. La gratuité de la césarienne est son idée qui verra bientôt le jour pour soulager les femmes enceintes en difficulté.
Interview réalisée par Adélaïde Konin (Stagiaire)