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Économie Publié le vendredi 20 novembre 2009 | Le Nouveau Réveil

Enquête dans la filière café cacao : Les réquisitions anticipées d`un “procureur” nommé Laurent Gbagbo

Et un. Et deux. Et trois. Trois audits financiers commandités sur la même affaire pour " rechercher la vérité " fuyante. Cette vérité fuyante après laquelle le juge d'instruction en charge de l'enquête sur les présumés " détournements massifs " dans la filière café cacao court depuis maintenant 17 mois. Ce dernier, après 7 mois d'enquête, aurait-il découvert en janvier dernier que les accusations portées contre les ex-dirigeants par le procureur de la république ne reposaient sur aucune preuve tangible ? Et aurait-il pour cela pris la décision de les mettre en liberté provisoire ? Aurait-t-il renoncé à cette décision après la sortie du président Gbagbo dans le même mois de janvier ? Tout incline à le penser. On se souvient en effet, que profitant d'une cérémonie de présentation des vœux, le président Gbagbo avait donné son verdict dans ce " procès " en déclarant coupables avant jugement, les ex-dirigeants emprisonnés : " Je n'ai demandé à personne de faire libérer qui que ce soit. Ce ne sont pas des milliers de francs ni des millions, mais des milliards qui ne sont ni dans les caisses de l'Etat ni dans les poches des paysans. Je veux que quand on commence un procès, on aille jusqu'au bout. Et moi, j'irai jusqu'au bout. ". Message reçu 5 sur 5 par ses destinataires ? Toujours est-il que 10 mois après ces " réquisitions publiques " et 17 mois au total après leur arrestation, les ex-dirigeants sont encore en prison, toutes leurs nombreuses demandes de libération provisoire ayant été, les unes après les autres, balayées du revers de la main par le juge d'instruction. Récemment encore, le vendredi 13 novembre dernier, le président Gbagbo, peut-être soupçonnant quelque velléité d'indépendance, a confirmé en " appel ", son premier verdict. Parlant de l'usine Fulton dont l'achat aurait donné lieu à des " détournements massifs ", il a encore déclaré : " Les usines de Fulton et de Chine ont servi à enrichir des voleurs ". Pour lui donc, ceux qui sont en prison sans jugement depuis 17 mois, ne bénéficient pas de la présomption d'innocence puisqu'ils ne sont que " des voleurs de milliards ". Quel sentiment un citoyen libre peut-il éprouver devant de tels propos, sinon qu'une profonde déception ? Comment un Chef de l'Etat qui est le garant de la constitution de son pays et donc du respect des lois de la nation peut-il se permettre de violer consciencieusement et à plusieurs reprises l'une des dispositions de cette constitution sans qu'il n'y ait personne dans le pays pour s'en émouvoir publiquement ? Et pourtant, il ne se passe pas de jour sans que ce dernier n'invite les Ivoiriens au respect des lois. L'article 22 de la constitution ivoirienne dispose clairement qu'un individu poursuivi par la justice est présumé innocent, jusqu'à ce que sa culpabilité soit prouvée au cours d'un procès équitable où toutes les garanties de transparence sont réunies et les droits de la défense clairement respectés. Ce qui signifie qu'en aucune manière, on ne peut traiter quelqu'un qui n'a pas encore été jugé, de coupable. C'est le peuple de Côte d'Ivoire qui, en adoptant par référendum sa constitution, en a décidé ainsi. Et cette décision ou plutôt ce choix, s'impose au président Gbagbo qui se doit de le respecter, comme il l'a juré le jour de sa prestation de serment. Mais en s'illustrant d'une manière aussi choquante (alors qu'il clame haut et fort qu'il ne se mêle pas des questions de justice), il nous démontre par ses déclarations pour le moins surprenantes qu'il n'en est absolument. " Si la justice Ivoirienne était une justice véritablement libre, les ex-dirigeants de la filière café cacao auraient déjà été mis au moins en liberté provisoire depuis bien longtemps. " Disait un des avocats des ex-dirigeants emprisonnés. Et l'on est en droit aujourd'hui, devant les déclarations du président Gbagbo, de se demander si ce n'est pas lui qui maintient les ex-dirigeants en prison depuis 17 mois sans jugement ? On se souvient que Sansan Kouao, le grand ami du président Gbagbo, a déclaré sans sourciller dans les colonnes du quotidien " L'Intelligent d'Abidjan " que c'est lui qui a demandé au président d'emprisonner les ex-dirigeants de la filière. Et la présidence de la République n'a jamais démenti cette affirmation. Ce qui est en soi, une véritable insulte au peuple de Côte d'Ivoire au nom de qui la justice est rendue dans ce pays. Seraient-ce donc Sansan Kouao et son ami le président qui décident tout dans cette procédure ? Et le comportement du juge d'instruction qui vient de balayer du revers de la main toutes les demandes de libération provisoire introduites à sa demande ( ?) par les détenus de la filière le 9 novembre dernier ne le démontre que bien. Après avoir, de sources judiciaires, fouillé en vain dans toutes les banques, dans les structures de transfert d'argent, dans les services courriers des sociétés de transport en commun, dans les restaurants et les bijouteries pour retrouver les traces des " milliards " dont parle le président Gbagbo, il vient de commanditer le 26 octobre dernier, un troisième audit financier pour se faire (encore ?) une idée de ce qui s'est réellement passé. Et ce troisième audit financier qui a été confié à un cabinet londonien devrait théoriquement durer au moins 45 jours. Pendant ce temps, les prévenus croupissent toujours en prison. Mais ce troisième audit signifie que 17 mois après " les réquisitions télévisées " du procureur de la République (dont tout le monde sait que la carrière dépend de l'exécutif), le juge d'instruction continue de courir après le vent. Pour gagner du temps. Car une instruction ne se fait pas uniquement à charge. Elle se fait aussi à décharge. On ne la fait pas uniquement à charge comme cela semble être le cas dans cette procédure. Mais cela n'étonne guère quand on sait que le président Gbagbo a publiquement pris position en traitant les prévenus qu'il n'a demandé à personne de faire libérer, de " voleurs de milliards ". Comme le disait un avocat membre du collectif des avocats des ex-dirigeants de la filière : " Le parquet, après 17 mois d'enquête, ne détient aucune preuve suffisante pour amener les prévenus devant le tribunal correctionnel. S'il avait ces preuves, il y a longtemps que le procès aurait eu lieu. Aujourd'hui, son souci premier est de faire en sorte que le président Gbagbo ne perde pas la face dans cette affaire, lui qui de façon totalement imprudente, a compliqué le travail des magistrats en condamnant par avance des gens qu'on n'a pas encore jugés. Obligeant les magistrats à rechercher forcément des arguments pour justifier la détention prolongée des prévenus ". Les ex-dirigeants de la filière devraient peut-être adresser désormais leurs demandes de libération provisoire au "juge d'instruction" Sansan Kouao. A charge pour lui de les transmettre à son ami le "procureur" Laurent Gbagbo pour appréciation. Parallélisme des formes oblige !

ASSALE TIEMOKO

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