Tribunal du Plateau. Il est 14h 15. Des cris, des injures, des pleurs déchirent la quiétude ambiante. Une foule d’un peu plus d’une vingtaine de personnes scande au milieu de la cour du tribunal. « Tchimou voleur ! Libérez nos enfants ! A quand le jugement ? », peut-on lire sur les pancartes et les papiers rames. Les parents des détenus dans l’affaire de “détournement dans la filière café cacao” sont à bout de nerfs. Ils demandent la libération de leurs parents détenus à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). « Il y a près de dix huit mois que nos enfants sont incarcérés. Ma fille n’a rien fait. Elle a signé un chèque sur la demande du tribunal. C’était la condition pour que les autres soient libérés. Après cela, les forces de l’ordre l’ont arrêtée pour détournement», explique la mère de Rosine Amenan, une des détenues du chocolat chaud. Elle ne tient pas sur ses jambes. La génitrice de Rosine s’écroule lorsque le camion blindé transportant les détenus fonce à vive allure en direction de la Maca. Elle fond en larme malgré le réconfort des proches parents. Une autre parente d’un détenu, Hélène, ne retient pas sa colère. «Nous irons libérer nos frères et sœurs à la Maca. Ils sont dans la souffrance. Tchimou et Gbagbo n’ont aucune pitié. Les défenseurs des droits de l’Homme, les communautés religieuses assistent impuissantes depuis dix sept mois à l’agonie de vingt quatre personnes et de leurs familles. Personne ne lève le petit doigt pour dénoncer cette injustice», grogne-t-elle, le visage larmoyant. Avant d’ajouter : « Si Dieu existe et si c’est le même que nous prions, alors il nous libèrera par les élections ». Il n’en fallait pas plus pour activer la colère de la police. Sous la conduite de Dosso, plus d’une dizaine d’éléments de la préfecture de la police, armés de matraques et de gaz lacrymogènes rouent de coups les manifestantes. Traînées de force hors de la cour du Palais de justice, ces femmes survoltées ne cessent de crier leur indignation contre ce qu’elles qualifient de « trahison et d’humiliation » de la part du procureur de la République. « Il doit libérer nos enfants. Nous avons signé plusieurs fois des chèques. Maintenant, il nous chasse et amène nos enfants en prison. Mais ce n’est pas fini. Car nous nous battrons jusqu’au bout », insiste la mère de Rosine. Les manifestantes ne démordent pas. Elles prennent d’assaut la voie publique qui passe devant la cathédrale Saint Paul. La circulation est bloquée durant une dizaine de minutes. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les flics se ruent sur elles avec les matraques. Commence alors une seconde bastonnade. Ils leur administrent plusieurs coups de matraques, déchirent les banderoles puis cassent les pancartes. Certaines reçoivent des coups de pied et d’autres des claques. «On fait notre travail», lance un policier. Mais les femmes tentent de tenir tête aux flics. Le pagne noué au niveau de la hanche, elles se dressent contre les éléments de la préfecture de police. Une rude bataille s’engage entre les manifestantes et les forces de l’ordre. Mais, le choc tourne au profit de la police. Des badauds indignés par la scène crient au scandale. Peine perdue, le premier responsable de ce groupe d’agents, Dosso, rétorque : «Vous pensez que cela nous plaît de frapper nos mamans ? C’est notre travail». Epuisées par la bastonnade, les manifestantes battent en retraite les larmes aux yeux. Cependant, elles promettent de tout mettre en œuvre pour libérer les détenus.
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