x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Économie Publié le mercredi 9 décembre 2009 | Le Mandat

Marché de nuit : Au cœur de ces commerçants ‘’s’en fout la mort’’

Ils ont fini par vaincre la nuit. Moment où ils exercent leurs activités. Au risque parfois de leur vie.
Du grand carrefour de Koumassi au grand marché de la même localité. Il est 18h 30 mn. L’obscurité commence à s’abattre sur la cité. Mais cela n’inquiète nullement. Au contraire, ‘’banane’’ à la hanche, pour dit-il « sécuriser sa recette », Gildas Kodjo, ressortissant ghanéen la trentaine révolue, crie à tue-tête. Dans un français truffé d’expressions anglaises, le vendeur d’une nuit interpelle tous ceux qui sont dans son viseur. Vêtu d’un tee-shirt blanc sans manche sur lequel on pouvait lire ‘’God is God’’ ou si vous voulez ‘’Dieu est Dieu’’, il tente tant bien que mal d’attirer la foule qui grossissait autour de sa marchandise. A côté de lui se trouvaient aussi d’autres ‘’collègues’’ qui ont le même objectif.


Qui sont ces commerçants qui défient chaque soir cette nuit épaisse ?

Le jeune Gildas Kodjo n’occupe pas seul le trottoir du grand carrefour de Koumassi. Tout autour de lui, des femmes, des hommes et même de petites filles mineures se disputent les clients. «Je ne suis pas seul dans ce domaine. Nous sommes plusieurs à nous partager la bordure de route. Chacun avec ses produits dont on vante la qualité». Il n’a pas tort ce jeune vendeur de chaussures venu du pays de Kwamé N’Krumah. Ils sont effectivement nombreux ces commerçants noctambules dont l’âge varie entre dix et quarante ans. Voire même au-delà. Sans distinction de nationalité. Ils se partagent la clientèle. Car, ils veulent et doivent faire recette. La pitance du lendemain l’exige. «Il faut bien qu’on vive, nous aussi et nous occuper de nos parents», se justifie la jeune Sita Diallo, 14 ans, native de Séguéla, pour expliquer sa présence dans cet endroit jugé dangereux. Les jeunes filles de son âge, on en rencontre un nombre important. Ces commerçants et commerçantes au prix souvent de leur vie, bravent l’obscurité constatée par endroits. «Nous n’avons d’ailleurs pas le choix», tente de se défendre un groupe de jeunes filles, posté non loin du feu tricolore, en face de la pharmacie de Koumassi. Cette fantastique scène est identique à la célèbre rue princesse de Yopougon, au cinéma Boissy, au carrefour Oasis, au terminus 40, à la pharmacie Bel Air, à la Mosquée de l’antenne, tous de la commune de Yopougon, sur l’esplanade de la Mairie et la grande gare encore appelée ‘’Gagnoa Gare’’, à Abobo. Du côté de Marcory, la zone de ’’ Les mille Maquis’’, le marché de nuit de Port-Bouët, pour ne citer ces quelques lieux qui grouillent de monde la nuit.


Les marchandises qu’on y trouve et leur provenance

Lorsqu’on foule pour la première fois des pieds le marché de nuit, l’on pense avoir immédiatement affaire aux mêmes vendeurs de la journée. «Nous vendons les mêmes articles que ceux proposés dans la matinée. Comme la double vacation dans les lycées et collèges. Nous nous relayons tous simplement» nous a signifié le doyen Essoh Lath, vendeur de friperie depuis 12 ans au terminus 05. «A côté de mes vêtements, vous pouvez avoir des appareils ménagers et électroniques, des produits cosmétiques, des médicaments traditionnels, des ustensiles de cuisine, de la nourriture et de la boisson. En gros, on y trouve tout selon sa convenance», nous a fait remarquer le doyen Essoh. Son constat est largement visible dans tous les endroits chauds de la nuit. Cependant, le côté alimentaire dame le pion aux autres. Ces marchandises pour leur majorité selon nos sources, proviennent des dons faits au continent africain par les occidentaux, s’agissant notamment de la friperie. «En Europe, les populations s’habillent selon le temps et la saison. Il ya des vêtements appropriés à l’hiver, à l’été, au printemps et à l’automne. Lorsqu’une saison s’achève, les populations se débarrassent des habits utilisés qu’ils doivent renouveler. Et ce sont ces vêtements et chaussures dont ils n’ont plus besoin qu’ils mettent dans les bateaux pour les faire acheminer vers le continent noir qui est dans la nécessité. Ces cadeaux souvent atterrissent dans les sièges de certaines ONG spécialisées en la matière. Ces dernières en retour les livrent aux revendeurs qui, à leur tour les mettent sur les marchés», nous a confié notre source. Le jeune Gildas Kodjo réplique «Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Si certains ont leurs produits par ce circuit, ce n’est pas mon cas. Mes marchandises, je les ai en toute légalité au Ghana», sans toutefois apporter un démenti aux informations en notre possession. Cissé Lamine, vendeur d’appareils ménagers et électroniques rassure sur la provenance de sa livraison. «Mes marchandises me sont données par des frères exerçant dans ce domaine en Italie. Ce sont eux qui me font venir mes produits qui sont de qualité contrairement à ceux des Ibo et autres Yoruba, des Nigérians qui se ruent dans les ports en attente des cargaisons en provenance de l’Asie, et de l’Europe de l’Est. C’est ce qu’on appelle communément ‘’France au revoir’’». On peut deviner aisément que la principale provenance des marchandises, ce sont les continents autres que l’Afrique.


Pourquoi la nuit et non le jour ?

Comme tout métier, la vente de nuit, présente ses avantages et ses inconvenients. Des avantages dans ce domaine précis sont énormes. «Notre avantage en vendant la nuit est cette possibilité d’écouler nos produits. C’est surtout dans la nuit que nous recevons la majorité de notre clientèle. En effet, à leur descente du travail, nos clients très épuisés la majorité des temps, préfèrent faire un tour pour prendre quelque chose pour calmer leur faim et apaiser leur soif», révèle M. Marc Jérôme M. vendeur de poulet braisé du côté du Terminus 42 à Yopougon Sideci. Mmes Amenan Cécile et Koudou Charlotte, toutes deux vendeuses de ‘’koutoukou’’, pensent réaliser de bonnes affaires dans la nuit. «Notre situation géographique est un atout important dans notre activité. Nous sommes à Yopougon Antenne, lieu beaucoup fréquenté par les hommes et les femmes. A partir de 19 h, l’affluence est au top. Parce que les jeunes gens, pour aller satisfaire leur libido avec les prostitués qui traînent dans la zone, se voient obligés de faire un tour chez nous pour prendre des forces. Et tous les soirs, c’est la même chose. Nous passons toutes les nuits à servir les habitués de cet endroit», nous ont-elles dit. Isaac Mensah, autre vendeur de chaussures de nationalité ghanéenne à Liberté ne dit pas autre chose. «Nos visiteurs sont plus nombreux la nuit que le jour. Tout simplement parce qu’à ce moment, ils estiment pouvoir faire de bonnes affaires. A la fin des mois surtout ils repartent les mains chargées et cela nous réjouit énormément», soutient-il. Mlle Véronique Gnombléi, gérante d’un bar à Treichville est sûre de son commerce. «Mes chiffres d’affaires passent facilement de 29.400F CFA dans la matinée à 88.000F la nuit. Et cela lorsqu’il n’y a pas l’affluence des grands jours». Même son de cloche pour Ange Romaric, vendeur de cellulaires à Abobo Gagnoa Gare. «J’ai plus de chance d’entrer à la maison avec 70.000F quand ça marche. Alors que dans la journée, les clients se font désirer».


Les maux qui minent le secteur

Le vol est une composante à part entière des fausses notes sur le marché de nuit. Et la commune d’Abobo n’échappe pas à cette triste réalité. A ce sujet, Aristide Yao vendeur d’appareils ménagers à Abobo face à la Mairie, est très amer. «Notre cohabitation avec les petits voleurs de la commune n’est plus à démontrer. Il ne manque pas un jour où les commerçants ne se plaignent de vol, malgré l’argent que nous versons quotidiennement aux gardiens de nuit», fait-il remarquer. Cet aspect peut être classé dans la catégorie d’après vente. Cependant, même pendant celle-ci, ce phénomène ne les épargne pas. «Des clients se présentent souvent avec des faux billets de banque, et font d’importants achats. Comme dans la précipitation, nous n’avons pas le temps de contrôler, et l’obscurité aidant, ils se sauvent, créant du désarroi dans nos rangs», poursuit-il. Ces quelques ratées donnent un goût amer à cette activité. « A part cela, il faut dire que nous nous sentons très bien la nuit que le jour. Puisque ce sont souvent les mêmes commerçants qui reviennent la nuit. Même s’ils ne représentent que 30% des vendeurs du jour» nous a révélé Aristide Yao.


Leurs relations tumultueuses avec les agents de mairie

Entre les commerçants exerçant la nuit et les agents des mairies, ce n’est pas toujours le grand amour. La simple raison réside dans le paiement des taxes forfaitaires exigées par les conseils municipaux. «Les agents des mairies sont des vrais voleurs. Normalement les portes des bureaux sont fermées à 18 H. d’où détiennent-ils alors les tickets qu’ils viennent nous imposer de force à des heures souvent avancées ?», ne cesse de se plaindre Mlle Amani Anne, vendeuse de poisson braisé au niveau du Score, à la Sicogi dans la commune de Yopougon. Et pourtant, ces agents municipaux chargés des collectes sont dans leur droit. «Le prélèvement sur les ventes des marchandises même dans la nuit fait partie des attributions des agents municipaux. Seulement que, les taxes imposées la nuit datent de 2000. C’est en fait depuis cette année-là que nous avions eu mandat», nous a confié M. Bakayoko Yaya, agent à la Mairie de Yopougon, avant de poursuivre «celles qui tiennent sérieusement à leur commerce ont choisi de venir à la mairie prendre des carnets dans lesquels se trouvent tous les renseignements les concernant. Avec cela, elles viennent s’acquitter tranquillement de leurs impôts directement dans les caisses de la municipalité et à des tarifs forfaitaires». Il faut qu’une solution soit trouvée pour éviter les affrontements entre ces commerçants ‘’rebelles’’ et les agents municipaux.

L’activité commerciale de nuit comme celle de jour permet à son pratiquant de vivre de ce métier. Les hommes et les femmes qui l’ont compris ainsi et qui s’y adonnent honnêtement, s’en sortent réellement à cœur joie. Cependant, ils ne sont pas à l’abri de tous les dangers liés à l’environnement et au milieu : entre autres l’obscurité, le racket, l’insécurité, les faux billets de banque. Les Mairies devront s’impliquer davantage pour aider ces personnes qui ont choisi ce métier pour leur survie.

Réalisée par Jules César
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Économie

Toutes les vidéos Économie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ