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Art et Culture Publié le mardi 22 décembre 2009 | Le Mandat

‘‘Bourse d’étudiant, Salaire des profs, Grèves, fuite de serveau’’ : Le DG de L’INSAAC sans détour

Quelques jours après les journées portes ouvertes de l’Institut des Arts de l’Action Culturelle qu’il dirige depuis le mois de Février 2008, M. Bini Kouakou, le responsable de cet institut nous a reçus pour un entretien relatif auxproblèmes réels qu’il rencontre dans cette école. Il met un accent particulier sur la question des salaires des enseignants, de la bourse des étudiants et la prime des stagiaires, sans toutefois omettre de souligner sa volonté de promouvoir la culture ivoirienne. Un défi qu’il compte relever.

Votre structure existe depuis des années, mais beaucoup de gens ignorent ce qu’il fait.

L'Insaac est un établissement public d'enseignement supérieur et de recherche à caractère administratif. Il a été crée par le décret n° 91-663 d’Octobre 1991. Il assure la formation et le perfectionnement des enseignants, des techniciens et des créateurs dans tous les domaines de l'art et de la culture. Il participe également à la recherche sur le patrimoine culturel artistique national en vue d'en assurer la conservation. Nous suscitons et développons la création artistique traditionnelle et moderne. L'Insaac comprend en son sein 4 grandes écoles qui sont l’Enba (Ecole Nationale des Beaux-arts) qui forme les créateurs et les techniciens dans les différentes disciplines des arts plastiques. L’Enm (Ecole Nationale de Musique) qui est chargée quant à elle de former des créateurs, des techniciens et des animateurs dans le domaine de la musique traditionnelle et moderne. L’Entd (Ecole Nationale de Théâtre et de Danse) chargée de la formation et le perfectionnement artistique et technique des créateurs et techniciens en matière de théâtre et de danse. Elle s'occupe de la production et la promotion culturelle dans le domaine des arts du spectacle. L’Efac (Ecole de Formation à l'Action Culturelle), assure la formation des personnels de l'action culturelle et contribue à la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel national. N’oublions pas nos deux centres, à savoir le Cfpac (Centre de formation pédagogique pour les arts et la culture) qui forme et participe au perfectionnement artistique technique et professionnel des formateurs dans le domaine des arts et de la culture et le Crac (Centre de Recherche sur les Arts et de la Culture) qui lui, se charge de faire la recherche en musique, en musicologie africaine, en arts plastiques, en art dramatique, en danse, en communication, en cinéma et en audiovisuel. Voici de façon succincte la mission que s’assigne l’Insaac.

Du 08 au 15 Décembre dernier, vous avez organisé des journées portes ouvertes. A quoi répondait cette cérémonie et que peut-on en retenir?

Disons tout d’abord que ces journées portes ouvertes ont été effectives grâce au concours de l'ensemble des écoles de l’Insaac. Chaque école, selon sa spécificité a présenté ses œuvres d’art. Les invités et les visiteurs ont découvert ces œuvres présentées sous forme de spectacles et d’exposition. "Aujourd'hui, je suis très heureux car tous les étudiants formés à l'Insaac exercent dans presque tous les ministères et administrations du pays. Ils sont animateurs culturels, documentalistes, graveurs, communicateurs et professeurs. Si ces professions sont ignorées du grand public, comme vous le soulignez, c'est parce qu'il y a eu un manque de promotion de notre établissement qui demeure pourtant à la pointe du développement culturel.

Pour revenir à votre question, il faut dire que l’objectif de ces Journées étaient de montrer au grand public, les disciplines qu'on enseigne et les métiers qui en découlent. L'Insaac ne forme pas au métier de la fonction publique, mais aux métiers libéraux. Or, la pauvreté va grandissante.

Le manque d'emplois stables entraîne la ruée vers la fonction publique. N’est-ce pas une menace pour votre école ?
Ici, nous formons des animateurs culturels, documentaristes, graveurs, communicateurs, professeurs de musique, d'art plastique, des bibliothécaires etc. Je suis moi-même, un fonctionnaire de cette école. Les gérants des archives dans les mairies et bibliothèques sont des étudiants sortis de notre établissement. Il faut que les gens sachent que ce ne sont pas tous ceux qui sortent de l'Insaac qui sont à la fonction publique. Un artiste doit avoir l'esprit de créativité pour sortir de la misère. C'est l'artiste lui -même qui veut vivre dans la misère, sinon il peut exposer des tableaux, créer des troupes de danses et théâtrales. Cela doit être le maître -mot pour chacun en sortant de cette école. L'ivoirien n'arrive pas à se prendre en charge et c'est mauvais pour l'avenir. L'Etat ne peut pas prendre tout le monde en charge. Que les étudiants sachent que le gouvernement a des orientations pour eux, en ce qui concerne leur insertion sociale. J’invite ces derniers à ne pas bâtir leur stratégie sur la fonction publique mais plutôt à opter pour un métier libéral afin d'être plus indépendants en empruntant le chemin de l'entrepreneuriat. Lors de la cérémonie d'ouverture de nos journées portes ouvertes, notre ministre de tutelle a rassuré les étudiants pour qui, un Fonds de soutien et de promotion des actions culturelles sera désormais disponible.

Les artistes formés dans votre institut, n’existent presque pas sur la scène musicale. Comment expliquez-vous cela?

Les artistes que nous formons ne sortent pas forcement des albums. La majorité des étudiants deviennent des arrangeurs, des musiciens, des maîtres de chœurs et des instrumentistes dans les grands orchestres. Certains exercent leur art sans faire de tapage.

Parlons du personnel enseignant, sur quelle base est-il recruté?

A l'Insaac, nous avons deux catégories d'enseignants. Ceux qui ont le talent mais qui n'ont pas le niveau pour enseigner et ceux qui ont le niveau pour dispenser les cours mais qui ne sont pas experts en matière d'art. Pour entrer à l'Insaac et enseigner il faut avoir un diplôme du supérieur au minimum. C’est- à- dire la licence ou la maîtrise. Il y a des enseignants qui sont ici mais qui n'ont pas le niveau requis pour dispenser des cours. Mais ce qui les retient c'est le talent et la maitrise parfaite de leur sujet. Il y a des étudiants ici, à l’Insaac qui ont la maîtrise d’une discipline mais ne dispensent pas de cours parce qu’ils n'ont pas le niveau requis pour le faire. Vous voyez le paradoxe qui existe. C’est pourquoi le Ministre de la culture et moi, sommes en train de régler ce problème. Nous avons pris attache avec certaines universités en Côte d'Ivoire pour envoyer nos enseignants en stage de perfectionnement. Depuis l'arrivée du ministre de la culture, nous ne recrutons plus les enseignants qui n'ont pas le niveau requis pour enseigner à l'Insaac.

Nous recrutons sur la base du doctorat. 29 de nos enseignants sont devenus des assistants parce que nous les avons boostés. A Strasbourg, un partenariat entre une université et l'Insaac n'a pas abouti parceque ceux qu'on y a envoyé n'ont pas été à la hauteur. Ils n’ont pas fait de recherche. Il ne faut pas aller proposer à l'occident ce qu'il connaît déjà sinon tu ne lui apprends rien. Cela fait plus de 20 ans que nous avons demandé à nos enseignants de se perfectionner.

Mais ils ont négligé jusqu'à ce qu’ils partent à la retraite. Que voulez –vous que je fasse pour des gens qui n'ont pas envie qu'on leur apporte de l'aide ?

L'on constate la fuite des cerveaux formés à l'Insaac. Comment expliquez-vous cela ? y a-t-il une solution pour freiner ce fléau?

Combien d'ivoiriens achètent les CD, les cassettes et les objets d'arts? L’artiste vit de quoi ? De son talent et de sa créativité. S’il est toujours piraté et qu'il ne vit pas de son art, c'est normal qu'il parte monnayer son talent ailleurs. Il y a des enseignants qu'on envoie en stage de perfectionnement et qui ne reviennent plus. Il y a donc problème quelque part. Ce sont le cadre de vie, la grille salariale, les conditions de travail etc. Le problème de fuite de cerveaux, est effectivement une triste réalité parce que les conditions de vie de l'occident et celles de l'Afrique ne sont pas les mêmes. Nous avons eu un partenariat avec l'école des Beaux arts de Marseille où nous avons envoyé nos étudiants. Malheureusement, ils ne sont plus revenus sous prétexte que leurs bourses n'ont pas été payées par l'Etat de Côte d'Ivoire. Nous avons alors fait suspendre leur salaire. Concernant la fuite des cerveaux, nous faisons mains et pieds pour sensibiliser notre élite afin qu’elle reste au pays pour rendre ce qu’elle a appris. J’encourage le renforcement des capacités. Que les gens sachent que je ne forme pas des futurs infirmiers mais des artistes et des vrais.

M. le Dg, il y a le problème de salaires impayés qui mine l'Insaac. Lors de la cérémonie d'ouverture de nos journées, des enseignants ont manifesté leur mécontentement. Qu’en est-il exactement ?

Ce sont les paresseux qui parlent de salaire. On peut peindre des tableaux et les vendre dans notre galerie. Les salaires ne sont pas du ressort de l’Insaac, mais de l'Etat. S’ils n'arrivent pas à temps à la trésorerie ce n'est pas de notre faute. Ce n'est pas non plus parce qu’il y a problème qu'ils vont dire que ces journées n'ont pas leur sens. S’ils le disent, c'est qu'ils sont de mauvaise foi. Je ne vois pas le rapport. Bien au contraire, ces journées ont permis aux ivoiriens de découvrir ce que nous faisons à l’Insaac.

Au nombre des problèmes de l'Insaac figure la prime des stagiaires et les bourses des étudiants. Ce qui est récurrent dans votre établissement.

Que les étudiants sachent que les bourses et les primes ne relèvent pas de l'Insaac, mais du ministère de l'enseignement supérieur. Et les attributions et les réattributions viennent en retard.

C’est logique que l'argent vienne aussi en retard. Nous comprenons la difficulté des étudiants.

C'est aussi ça qui tue la Côte d'Ivoire. La lenteur administrative. En Côte d'Ivoire, le budget du ministère de la culture est de 0, 24 %.Nous ne sommes donc pas logés à la même enseigne que les autres ministères. Ce que les gens refusent de comprendre. Celui qui veut devenir artiste doit avoir de la conviction dans ses propres capacités. Ne devient pas artiste celui qui a échoué dans la vie. Il y a des enseignants qui ont été méconnaissables à cause de 60. 000 FCFA. Ça m’a choqué parce que si l'on se penchait sur la culture, il n’y n'aurait pas tous ces problèmes. Il y a beaucoup de musées qui sont délaissés dans notre pays; s'il y avait des budgets pour leur réhabilitation, nous pensons qu'on ne parlerait plus de salaires. Qui plus est, personne ne voudrait travailler à la fonction publique.

Les étudiants estiment que les matériels didactiques coûtent très cher, alors que la bourse n'est pas régulière. M. le directeur n’y-a-t-il pas de mesure d'assouplissement ?

C'est vrai que les matériels coûtent cher mais nous faisons tout pour que nos étudiants soient dans de bonnes conditions d'études. Par exemple, la salle de théâtre a été refaite et est climatisé. J'ai fait construire des hangars pour que les enfants en entrant ici soient dans de meilleures conditions. Il y a aussi la salle informatique qui porte mon nom qui a été construit pour permettre aux étudiants de faire des recherches. Les centres de documentation étant vides, nous nous sommes engagés à le fournir en documents pour faciliter la formation de nos étudiants.

Que peut-on retenir de cet entretien ?

Que les ivoiriens sachent qu’à l’Insaac, nous avons trois missions qui sont entre autres, la formation, le perfectionnement des créateurs dans le domaine de la culture. Ici nous formons l'élite de la culture ivoirienne (concepteurs, administrateurs etc.). Cette année quatre agrégés sont sortis de notre école. Nous disons aux parents de permettre à leurs enfants de s'inscrire dans notre établissement, car cette école est la leur et leur revient. Nous souhaiterions que l’Etat nous consulte pour tout ce qui concerne la construction d’un monument. Nous avons l'expertise.

Lors des journées portes ouvertes, il y a des parents qui étaient étonnés de constater que notre école disposait d’un orchestre. Eh bien oui ! désormais que le peuple ivoirien le sache. L’Insaac, c'est le vivier de la culture ivoirienne et africaine.

Jean Martin Angora
(Stagiaire)
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