Laurent Gbagbo, le candidat du Front Populaire Ivoirien à la prochaine présidentielle, vient de publier «un livre programme», «Côte d’Ivoire, Bâtir la paix sur la démocratie et la prospérité». Un ouvrage de 213 pages, édité par les Editions Nei- Ceda. Le large sourire affiché par Gbagbo sur la première de couverture est tout le contraire du sentiment qui gagne le lecteur après avoir lu l’ouvrage. En effet, l’essai de l’ancien opposant historique arrive trop tard, dans un monde trop vieux. Il serait sorti en 1990, qu’il aurait mérité toute l’attention et le crédit nécessaire. Malheureusement, pour Laurent Gbagbo, il est difficile de faire de nouvelles promesses pour les cinq années à venir quand on a montré ses limites en dix ans de gestion du pays. Un homme avec un lourd passif d’une décennie, peut-il raisonnablement prendre le pari de l’avenir? Dans les trois parties de l’œuvre, Gbagbo fait de nouvelles promesses. Sans nul doute, ce présent livre est une parfaite réplique de «Propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire», présenté comme des paroles d’Evangile, pendant la lutte contre Houphouët-Boigny. Il y énumère les pans de son «engagement au service des Ivoiriens», à savoir l’éducation, la santé, le logement, le cadre de vie, le sport, la solidarité. Tout ce qu’Alassane Ouattara propose à ses compatriotes. La démarche de Gbagbo est d’autant plus démagogique, que les Ivoiriens savent très bien l’état dans lequel son régime a mis l’école, avec son corollaire de violence, de corruption et de nombreux rejets sociaux. Au niveau du supérieur, il entend reformer l’Ecole Normale Supérieure. On se demande pourquoi ne le fait-il pas maintenant, où la promotion sortante, vitupère en ce moment, parce qu’elle doit passer un an sur le carreau avant de pouvoir travailler. Il promet également d’ «investir dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique». Depuis 1990, il nous sert le même refrain. Où sont passées les dix universités promises aux Ivoiriens ? Bien plus, depuis qu’il est aux affaires, Gbagbo ne finit pas de mépriser les universitaires. On se souvient encore de la dernière boutade qu’il a royalement servi à certains d’entre eux: «doctorat, c’est quoi?». Il se propose également de nous offrir un beau cadre de vie. Tout le monde sait que notre environnement n’a jamais autant été menacé que sous le régime de Gbagbo, avec les déchets toxiques qui continuent de faire des ravages, le règne des ordures et des constructions anarchiques. Au niveau des jeunes, il annonce 830.000 emplois en cinq ans, pour un coût de 602,5 milliards. Pour quelqu’un dont le régime a détruit près de 100.000 emplois, avouons que le discours est déroutant. Au plan économique, voici sa maxime: «en m’élisant en octobre 2000, les Ivoiriennes et les Ivoiriens ont opté pour le changement dans la gestion de notre économie. Je me devais d’apporter ce changement». De quoi parle le candidat socialiste quand il est de notoriété que son règne a justement consacré l’agonie de l’économie nationale? Avec la prédation de centaines de milliards dans la filière café cacao, la gestion patrimoniale et parentale du gaz et surtout de l’argent du pétrole. Quel changement qualitatif Gbagbo a-t-il apporté aux Ivoiriens et dans quel domaine ? Nul ne le sait. Dans la dernière partie de «Bâtir la paix sur la démocratie et la prospérité», Laurent Gbagbo s’engage à «approfondir la démocratie en Côte d’Ivoire», comme si elle avait été de mise pendant sa décennie de pouvoir. Il entend également «fonder la légitimité sur la démocratie et les élections». Il faut saluer cela, même si l’on est averti du caractère militaro-politique de son accession à la Magistrature Suprême. Gbagbo approfondissant la démocratie ? Simples écritures ! En Outre, il veut «protéger la liberté d’expression des journalistes» et «améliorer le service public de la presse et des médias». Il est à souhaiter que la disparition de Guy André Kieffer et l’assassinat de Jean Hélène ont fait prendre conscience à un régime qui n’est pas du tout tendre avec la presse qui ne lui tisse pas des lauriers. Enfin, le camarade socialiste promet «de cultiver la bonne gouvernance». Un discours bien prétentieux au regard de la prévarication des deniers publics que les anciennes «poches de moralité», ont imposée aux Ivoiriens. En témoigne, les nombreux scandales qui ont émaillé la décennie de pouvoir.
Le faux prétexte de la guerre
Dans son livre-programme, toute la thématique de Gbagbo tourne autour de la guerre. S’il n’a rien fait de positif pour les Ivoiriens, il faut mettre cela sur le compte de «la guerre qu’on nous a imposée». Il n’a pas mis en branle l’Assurance Maladie Universelle, l’école gratuite, le développement, la création d’emplois, parce que des «gens ont attaqué le pays». Arguments légers, s’il en est! En tout cas, c’est le même Gbagbo qui nous disait, aux premières heures de la crise, qu’il «détient la Côte d’Ivoire utile». Avec ses ressources économiques et humaines intactes. La logique aurait donc voulu qu’il expérimente son programme sur cette partie du territoire sous son contrôle. A la limite, dans cette œuvre, Gbagbo n’a rien fait. Tous les problèmes de ce pays sont à mettre sur le compte des «héritiers du parti unique», de Félix Houphouët Boigny dont pourtant il se présente comme le disciple de la 25e heure. Evidemment, la France n’est pas oubliée. Un pays qui a eu tort de lui dresser le tapis rouge comme parlerait son ami Guy Labertit. Tapis sur lequel, a dit l’ami, il a « pissé ». Pour sûr, ce livre comporte beaucoup de contrevérités sur la crise et sur l’histoire de notre pays. Venant d’un historien, cela est vraiment dommage. «Des forces ont voulu dénier au peuple ivoirien son droit souverain de désigner démocratiquement ses dirigeants… », lit-on quelque part. Cela n’est pas vrai, parce qu’il est su de tout le monde que le peuple ivoirien n’a pas choisi ses dirigeants en 2000. Des gens, avec le soutien de l’armée, ont pris les rênes du pays. Octobre 2000, ce n’était que hier et nos compatriotes ont de la mémoire. De plus, dans son ouvrage, Laurent Gbagbo veut nous contraindre à accepter que la guerre est venue sans raison. Il fait semblant d’ignorer que ce sont les dérives de son régime, la répression contre des Ivoiriens, les tueries gratuites, le déficit de démocratie et la volonté d’exclusion de citoyens des joutes électorales, qui ont propulsé la Côte d’Ivoire dans la guerre fratricide. On s’étonne qu’il puisse tenir ces propos: «ce que nous avions cru impensable s’est donc produit. Il y a eu la guerre en Côte d’Ivoire». En tout cas, ils étaient nombreux, les Ivoiriens et les observateurs étrangers qui ont attiré notre attention sur les signes visibles d’une fracture sociale. Une autre énormité de ce livre, c’est d’affirmer que les adversaires politiques ont voulu opposer les ethnies et les religions les unes contre les autres. Encore, une contrevérité. Qui a dit que «la rébellion s’est installée là où les gens étaient d’accord» ? Qui en Côte d’Ivoire, ne connaît pas l’identité des victimes des «escadrons de la mort, triés uniquement sur le volet tribal et ethnique? Qui, ici, a déjà parlé des hommes en boubou ?
A n’en point douter, «Bâtir la paix sur la démocratie et la prospérité», n’apporte rien de nouveau au débat. Cette œuvre est une sorte de compilations des anciennes rengaines et jugements de valeur portés sur les adversaires du régime. En somme, du déjà entendu ! Ce programme, si c’en est un, occulte les vrais débats. Entre autres, la part de responsabilité conséquente de la refondation dans la guerre, la crise de la filière café cacao, l’argent du pétrole, le scandale des déchets toxiques, l’enrichissement illicite des tenants du pouvoir… L’espoir ne peut nullement venir du candidat socialiste, dont les dix ans de pouvoir n’ont apporté que ruines, désolation et désespoir aux Ivoiriens et n’offre aucune perspective aux populations. En définitive, en écrivant cet ouvrage, Laurent Gbagbo a oublié qu’il gère le pays depuis dix ans. Nous y reviendrons!
Bakary Nimaga
Le faux prétexte de la guerre
Dans son livre-programme, toute la thématique de Gbagbo tourne autour de la guerre. S’il n’a rien fait de positif pour les Ivoiriens, il faut mettre cela sur le compte de «la guerre qu’on nous a imposée». Il n’a pas mis en branle l’Assurance Maladie Universelle, l’école gratuite, le développement, la création d’emplois, parce que des «gens ont attaqué le pays». Arguments légers, s’il en est! En tout cas, c’est le même Gbagbo qui nous disait, aux premières heures de la crise, qu’il «détient la Côte d’Ivoire utile». Avec ses ressources économiques et humaines intactes. La logique aurait donc voulu qu’il expérimente son programme sur cette partie du territoire sous son contrôle. A la limite, dans cette œuvre, Gbagbo n’a rien fait. Tous les problèmes de ce pays sont à mettre sur le compte des «héritiers du parti unique», de Félix Houphouët Boigny dont pourtant il se présente comme le disciple de la 25e heure. Evidemment, la France n’est pas oubliée. Un pays qui a eu tort de lui dresser le tapis rouge comme parlerait son ami Guy Labertit. Tapis sur lequel, a dit l’ami, il a « pissé ». Pour sûr, ce livre comporte beaucoup de contrevérités sur la crise et sur l’histoire de notre pays. Venant d’un historien, cela est vraiment dommage. «Des forces ont voulu dénier au peuple ivoirien son droit souverain de désigner démocratiquement ses dirigeants… », lit-on quelque part. Cela n’est pas vrai, parce qu’il est su de tout le monde que le peuple ivoirien n’a pas choisi ses dirigeants en 2000. Des gens, avec le soutien de l’armée, ont pris les rênes du pays. Octobre 2000, ce n’était que hier et nos compatriotes ont de la mémoire. De plus, dans son ouvrage, Laurent Gbagbo veut nous contraindre à accepter que la guerre est venue sans raison. Il fait semblant d’ignorer que ce sont les dérives de son régime, la répression contre des Ivoiriens, les tueries gratuites, le déficit de démocratie et la volonté d’exclusion de citoyens des joutes électorales, qui ont propulsé la Côte d’Ivoire dans la guerre fratricide. On s’étonne qu’il puisse tenir ces propos: «ce que nous avions cru impensable s’est donc produit. Il y a eu la guerre en Côte d’Ivoire». En tout cas, ils étaient nombreux, les Ivoiriens et les observateurs étrangers qui ont attiré notre attention sur les signes visibles d’une fracture sociale. Une autre énormité de ce livre, c’est d’affirmer que les adversaires politiques ont voulu opposer les ethnies et les religions les unes contre les autres. Encore, une contrevérité. Qui a dit que «la rébellion s’est installée là où les gens étaient d’accord» ? Qui en Côte d’Ivoire, ne connaît pas l’identité des victimes des «escadrons de la mort, triés uniquement sur le volet tribal et ethnique? Qui, ici, a déjà parlé des hommes en boubou ?
A n’en point douter, «Bâtir la paix sur la démocratie et la prospérité», n’apporte rien de nouveau au débat. Cette œuvre est une sorte de compilations des anciennes rengaines et jugements de valeur portés sur les adversaires du régime. En somme, du déjà entendu ! Ce programme, si c’en est un, occulte les vrais débats. Entre autres, la part de responsabilité conséquente de la refondation dans la guerre, la crise de la filière café cacao, l’argent du pétrole, le scandale des déchets toxiques, l’enrichissement illicite des tenants du pouvoir… L’espoir ne peut nullement venir du candidat socialiste, dont les dix ans de pouvoir n’ont apporté que ruines, désolation et désespoir aux Ivoiriens et n’offre aucune perspective aux populations. En définitive, en écrivant cet ouvrage, Laurent Gbagbo a oublié qu’il gère le pays depuis dix ans. Nous y reviendrons!
Bakary Nimaga