Le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (Ugtci), Adé Mensah, n'a pas hésité à s'ouvrir aux différentes questions des journalistes de "Le Nouveau Réveil". Toutefois, il a usé de beaucoup de diplomatie pour donner des éléments de réponse à certaines interrogations des intervieweurs.
M. le secrétaire général de l'Ugtci, une année difficile pour les travailleurs vient de s'achever. 2010 commence. Est-ce qu'on peut dire qu'elle commence bien ?
Oui, une année difficile vient de passer parce que nous avons vécu une situation que j'ai appelée estomaquante parce que nous avons eu à gérer des situations inhabituelles. Dieu merci, nous avons traversé cette période. Ce que nous ne savons pas, c'est ce qui nous attend. Mais nous savons au moins ce que nous venons de traverser. Nous avons eu une année assez dure et nous avions notre idée sur cette année-là. Nous avions une priorité dans tout ce qu'on a comme priorité. Nos hommes politiques prétendent faire le bonheur de l'Ivoirien. On a dit ok, nous voulons les suivre dans cette sortie de crise puisque c'est la condition pour nous accorder ce bonheur-là. Donc nous avons travaillé un peu dans le sens de la sortie de crise en les aidant tant mieux que mal à cette sortie de crise. Malheureusement, il y a eu beaucoup de remous et ces remous m'amènent à me poser la question de savoir si nous pouvons faire un bilan pour l'année 2009. Ce que je peux dire, c'est que beaucoup de promesses ont été faites, peu ont été tenues. Mais pour nous, ce n'est pas l'essentiel.
Quel est l'essentiel pour vous?
L'essentiel pour nous, c'est la sortie de crise. Et comme c'est conditionné par les élections, donc tout ce qui peut concourir à ces élections, nous essayions de les aider à faire cela. Heureusement ou malheureusement, le constat est là. Il y a eu six (6) reports, nous avons vécu une situation estomaquante, ça fait vomir, ça fait mal au ventre.
Croyez-vous aux élections fin février début mars ?
Y croire ? Oui, je suis de nature optimiste.
Vous avez donc gardé l'optimisme au cours de ces six (6) reports ?
Je dis que je suis de nature optimiste. Mais il y a des devins qui nous prédisent déjà que les élections auront lieu en octobre. D'autres disent dans deux (02) mois. Certains disent entre février et mars. Voyez. Et moi que dois-je dire ? Moi je veux bien et dans les jours à venir j'ai l'intention de m'approcher du président de la Cei. Parce que finalement, tout le monde tourne autour de lui. Est-ce que c'est lui le responsable de la fixation de la date des élections ? Si oui, qu'il nous dise à peu près quelle est la date exacte parce qu'on nous dit beaucoup de choses.
Pensez-vous que la Cei a effectivement joué son rôle pendant tout le temps qu'elle a été mise en place ?
Ecoutez, je suis mal placé pour apprécier cela dans la mesure où nous ne sommes pas partie prenante de cette structure-là. Vous savez, entre ce qu'on voit à l'intérieur et ce qu'on voit de l'extérieur, ce n'est pas la même chose. Donc je suis mal placé pour apprécier cela. Quoiqu'il en soit, ce que je constate c'est qu'il y a eu 6 reports. Ça, c'est un constat que tout le monde fait.
Vous parliez d'activités inhabituelles qui ont animé l'année 2009. Pouvez-vous être plus explicite en énumérant ces activités-là ?
Ce sont les remous qui se sont succédé. J'estime qu'on pouvait les éviter. En ce qui me concerne, je pense qu'il y a eu déficit de communication parce que moi je suis un responsable. Je vais négocier, nous nous mettons d'accord. Si d'aventure, il y a des problèmes, chemin faisant, qu'on me dise à un moment donné, voilà ce que je pensais parce que…parce que. Mais à l'heure d'aujourd'hui, il y a des éléments nouveaux et voilà ce que nous voulons faire. Nous pouvons réengager des négociations parce que je refuse d'être un responsable irresponsable. Mais alors on me pose le problème, que je constate le bien fondé de ce problème, je ne vois pas pourquoi…parce que les autres se disent patriotes, moi je me dis nationaliste. J'aime mon pays.
A qui amputez-vous le déficit de communication. Vous êtes un responsable. Vous avez eu à discuter avec des personnes, est-ce qu'en face, ces personnes voulaient être autant responsables que vous ? Etaient-elles de bonne foi ?
Ecoutez, a priori, tous ceux avec lesquels j'ai eu à discuter étaient censés être de bonne foi. C'est par la suite qu'on essaye de voir si oui ou non ils étaient de bonne foi ou encore si par la force des choses…
C'est à la suite des discussions qu'il y a autant de remous. S'il y avait un peu de responsabilité, il n'y aurait pas autant de remous. Aujourd'hui, concrètement, pouvez-vous dire que ces personnes ont discuté avec vous avec responsabilité ?
C'est ce qui m'amène à parler de déficit de communication. Parce que dans la discussion, j'ai constaté la bonne foi. Mais c'est au finish que le manque de déficit de communication m'a amené à me poser la question. Donc je n'ai pas trouvé de réponse jusqu'à présent, s'ils étaient de bonne foi ou pas parce que l'homme est profond.
Monsieur le Secrétaire général, appelons un chat un chat. Qui sont ceux avec qui vous avez discuté ? Qui n'est pas de bonne foi ?
Je ne peux pas nommer spécifiquement ces personnes-là. Moi, je suis une organisation syndicale. Je discute avec les membres du gouvernement qui sont, eux aussi, une entité, une instance. Donc nous discutons et dans la discussion, je constate, ils me posent des problèmes, que j'analyse, que j'accepte ou que je n'accepte pas. Donc a priori, ils sont de bonne foi. Maintenant l'homme étant ce qu'il est, qu'est-ce qui les a amené à changer ? Ça, moi aussi, je m'interroge.
En 2009, les discussions ont porté principalement sur quoi?
En ce qui concerne la Fonction publique, nous avons eu à discuter sur le problème d'avancement, du profil de carrière, de l'augmentation de salaire, des indemnités. Que sais-je encore ? Pas mal de choses. Des décrets ont été signés. Dans l'application, disons que la moitié ou le tiers ont été appliqués. Le reste, non. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Quoiqu'il en soit, moi, j'ai participé aux dernières négociations tant avec l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire que l'enseignement supérieur. La conclusion que j'ai pu tirer, c'est qu'il n'y a pas eu suffisamment de communication. Le ministre des Finances était là. Il s'est expliqué. Il nous a fait savoir que tout ce qu'il était en train de nous dire avait dit. Mais ceux qui devraient entendre ne l'ont pas entendu ou ça n'a pas été communiqué. Voilà, c'est pourquoi, je dis qu'il y a eu déficit de communication. Donc à partir de là, juger de bonne ou de mauvaise foi, c'est difficile. Comme je le dis, j'ai l'habitude d'appeler le chat par son nom. Mais quand je dis le chat, c'est que j'ai vu le chat.
Quel bilan pouvez-vous faire quant à ces revendications de l'année 2009 ?
Ce que j'ai pu retenir, c'est qu'en ce qui concerne les différents salaires et indemnités, enfin tout ce qui a été payé de moitié, j'ai encore les procès verbaux : le gouvernement dit qu'il n'est pas en mesure de payer le reste maintenant. Et que ce sera fait à partir du Ppte. En faisant un petit calcul, je me suis dit que ça ne peut pas être payé avant 2011. C'est un calcul sommaire que j'ai fait. Je m'en tiens à cela.
Le chef de l'Etat a déclaré qu'il ne donnerait pas un rond aux fonctionnaires grévistes, comment avez-vous accueilli cette boutade ?
Je n'ai pas eu connaissance de ces propos. Où les a-t-il tenus ?
C'était lors de sa conférence de presse à Fraternité Matin.
J'étais absent d'Abidjan. Je n'ai pas suivi. J'aurais aimé connaître dans quel contexte, il a dit ça parce que tout est dans le contexte. Est-ce que ça veut dire qu'il ne payerait jamais les fonctionnaires ?
Est-ce normal qu'un chef d'Etat tienne de tels propos ?
Un chef d'Etat est un chef d'Etat. Il fait de la politique et ce que la politique lui commande de faire, il le fait en bien comme en mal. Là, je ne sais pas dans quel contexte il s'est placé. Donc il m'est difficile de juger.
Il a fini par donner un peu de sous. Il a reçu lundi dernier les médecins, il a levé toutes les sanctions. Pour quelqu'un qui refusait de négocier, quelle est votre analyse ?
Vous voyez pourquoi je n'ai pas répondu à votre première question. Ce qu'il a dit hier…et aujourd'hui il a donné l'argent. Je ne sais pas dans quel contexte il l'a dit. S'il a donné un peu d'argent aux médecins, moi, je pense que c'est une bonne chose. Il est allé peut-être un peu plus vite que sa pensée, mais enfin c'est une bonne chose. Il peut apaiser un peu et calmer la situation.
Il y a eu beaucoup de morts lors de la grève des médecins. N'aurait-il pas pu agir un peu plus tôt ?
Je dis qu'il y a eu déficit de communication. Il aurait pu économiser cela si cela avait été annoncé avant. C'est pourquoi, je m'accroche à dire qu'il y a eu déficit de communication. Maintenant je suis triste pour ce qui a pu arriver, je soutiens les parents qui ont perdu des hommes.
Nous sommes à l'heure des technologies de l'information et de la communication, est-ce normal qu'on parle encore de déficit de communication ?
Je suis syndicaliste, je ne suis pas très versé dans cette forme de communication. Aujourd'hui, je peux vous dire que je ne sais même pas déchiffrer les Sms (message envoyé à partir des cellulaires portables : Ndlr). Donc permettez-moi de ne pas répondre à cette question.
Monsieur le secrétaire général, les travailleurs sont-ils contents du président de la République ?
Les travailleurs sont-ils contents du président de la République ? Je dirais que c'est une question Frar (question difficile, piège : Ndlr). Les travailleurs sont ce qu'ils sont. Ce qui peut me déplaire peut plaire à une autre personne. Je ne peux pas dire qu'ils sont entièrement satisfaits. Je ne peux pas dire qu'ils sont entièrement mécontents, non plus.
Le président de la République a été, lui, syndicaliste opposant. Il ne cessait de revendiquer. Aujourd'hui, président de la République, c'est le couac avec les travailleurs. Alors vous-y comprenez quelque chose ?
Evidemment, je pouvais juger le syndicaliste d'alors, mais il m'est difficile de juger le Président de la République. Il est difficile de le juger.
Mais, n'y a-t-il pas contradiction entre l'attitude du syndicaliste et celle du Président de la République ?
Ça dépend d'où il se plaçait à cette époque. Il avait ses raisons.
Quand on a tant chanté qu'on voulait le bonheur du peuple, quand on était opposant et qu'une fois au pouvoir, on ne semble pas se soucier des problèmes du même peuple, comment appréciez-vous cela ?
Vous savez, la politique est un art difficile. Moi, je suis syndicaliste, je m'accroche aux problèmes sociaux. J'ai fait certes la politique, mais chacun a ses raisons…
Le syndicalisme n'est pas pourtant éloigné de la politique.
Il y a une démarcation, c'est parce que les gens ne savent pas faire la distinction qu'ils ont des problèmes… La politique a ses raisons que le syndicalisme ignore.
Vous disiez plus haut que vous allez rencontrer le président de la Cei (commission électorale indépendante : ndlr) pour en savoir davantage sur l'organisation des élections, la date précise de leur tenue. Les travailleurs sont-ils fatigués ? En ont-ils marre ?
Ce n'est pas moi qui le dis. On ne peut passer dans les rues, sans entendre les gens dire "on est fatigué". C'est tout le monde qui le dit. Mais, dans quel sens disent-ils cela ? Je ne sais pas. Je disais tantôt que les politiciens prétendent nous offrir le bonheur, ce bonheur c'est la sortie de crise. Mais on a du mal à sortir de cette crise. J'ai envie de dire que je souhaiterais que ces politiciens se mettent ensemble. Nous mettons leur nom sur un papier que nous jetterons dans un chapeau et procéder ensuite à un tirage au sort. Tout le monde veut accorder le bonheur aux travailleurs, alors je ne vois pas pourquoi, on ne le ferait pas. Cette formule nous éviterait de courir après ces élections qui n'arrivent jamais.
Monsieur le secrétaire général, vous avez connu des présidents dans ce pays. A quel moment peut-on enregistrer la nervosité du peuple et le soulèvement des travailleurs ?
Nervosité du peuple et soulèvement des travailleurs, ce sont deux mots. Je l'ai toujours dit, je parle en toute responsabilité dans la mesure où je ne me contente pas de mes idées à moi. Je prends le temps de consulter et de tenir des réunions. C'est après la conclusion d'une réunion que je parle. J'annonce cette réunion. En 2008, l'Ugtci avait lancé une grève. Elle a été décidée en comité. Nous avons lancé une grève de 48 heures. Après les 48 heures, les camarades ont souhaité que la grève se poursuive. Nous avons poursuivi les discussions, entre responsables, nous avons estimé que la grève ne pouvait pas se poursuive. Dès lors que nous avons la possibilité d'arracher des acquis. Voulez-vous que je mette les gens dans les rues pour obtenir ce que je peux obtenir sans faire cela ? C'est cela notre formule. Nous ne sommes pas allé dans les rues alors que les travailleurs le voulaient ardemment. Je leur ai dit, vous avez raison, mais on peut obtenir des choses sans aller dans les rues. Nous avons ensuite mené des discussions sur le Smig. Nous avons obtenu une augmentation qui n'est pas encore appliquée mais cela ne saurait tarder. Nous avons discuté du passage de l'âge à la retraite de 55 à 60 ans. Nous avons cela, peut-être que dans ces temps-ci, cela passera… Alors qu'on se serait mis dans la rue, qu'on qualifierait notre action autrement. Pour le moment, on nous promet.
Le smig passe de 36.000F à 60.000F et selon les informations, ce dossier serait la table du président de la République pour un décret. 60.000F, est-ce assez pour permettre à un travailleur de vivre décemment quand on sait les difficultés qui l'assaillent ?
Bon, je ne sais pas si vos informations sont exactes, mais le smig a été discuté entre partenaires sociaux, c'est-à-dire employeurs, travailleurs avec comme arbitre le gouvernement. Nous nous sommes accordés sur un montant, mais pour que cela soit appliqué, nous devons aller à la commission consultative du travail. Nous ne sommes pas encore arrivés, mais cela ne saurait tarder. Un acquis puisque ça va se faire en 2010, c'est certain. Concernant le passage de l'âge de 55 à 60 ans, je ne suis pas au conseil des ministres, mais je suis sûr que cela est sur la table des discussions.
Le Ppte (initiative des pays pauvres très endettés : Ndlr) est présenté comme la panacée par le gouvernement. Qu'en dites-vous et qu'en attendez-vous ?
C'est le gouvernement qui attend le Ppte pour pouvoir se libérer.
Vous l'attendez aussi, puisqu'on vous le dit.
Je fais confiance au gouvernement. Dans les discussions, on m'a parlé du Ppte. Si cela vient, c'est tant mieux.
L'Etat trouve que la masse salariale en Côte d'Ivoire est trop élevée. Votre avis ?
Je n'ai pas tous les éléments pour apprécier. La masse est trop élevée par rapport à quoi ? Est-ce par rapport au niveau de vie des Ivoiriens ? Est-ce par rapport à leurs calculs à eux ? Une masse salariale ne se fixe pas sans donnée. Elle se fixe par rapport à la possibilité du pays.
L'Ivoirien vit-il aujourd'hui normalement, correctement ? Vit-il décemment ? Quelle est votre appréciation ?
Ecoutez, je ne veux pas vous mentir. Je prendrai sûrement mon cas, je reste au bureau jusqu'à 17 heures, je ne mange qu'une fois, mes collaborateurs sont témoins. (Rires)
Vivez-vous donc mal ?
Oui, par rapport à ce qu'on appelle les nouveaux riches, je vis mal. (Rires). Mais, j'estime qu'il faut faire le sacrifice pour son pays.
Les sacrifices, ne pensez-vous pas que vous en avez assez fait ?
Tant qu'on vit, on ne peut s'arrêter de faire des sacrifices. Donc, je continue d'en faire.
Quels sont vos rapports avec le ministre de la Fonction publique ? Est-il proche des travailleurs, les défend-il?
Le ministre de la Fonction publique, c'est le ministre des travailleurs, donc a priori, il doit être proche des travailleurs. Mais chacun a sa manière de négocier, de voir les choses. Selon que je me trouve du coté des travailleurs, chacun a sa manière de discuter, d'apprécier les faits. Du coté des travailleurs, on peut dire que je n'en fais pas beaucoup. Du coté du gouvernement, j'en fais assez. C'est donc difficile.
Ces temps-ci, nous constatons qu'il y a un arbitre entre les travailleurs et le gouvernement, ce sont les religieux. Il y a aussi des personnalités de la République telles que Roland Dagher, Simone Gbagbo qui interviennent pour briser les crises. Que pensez-vous de tout cela ?
Je ne leur reproche rien du tout. Tout ce qui concourt à la stabilité du pays est une bonne chose. Maintenant, c'est nous-mêmes qui avions raccroché à l'époque, à un moment donné. Il y a deux cas, le gouvernement dit qu'on ne vous reçoit plus, les enseignants, eux, disent que, nous, c'est une grève illimitée. C'est nous qui avions déplacé la chose avec Mme Gbagbo etc. Mais lorsque nous faisions ce boulot, nous étions passés inaperçus. L'essentiel pour nous était qu'on arrive à cette sortie de crise et que tout le monde soit en paix.
Avez-vous quelque chose à dire au président de la République qui refuse et après revient sur sa décision ? Concernant la grève des médecins, il pouvait empêcher cette grève. Il a créé les conditions pour que cette grève ait lieu et après, il revient à la raison après la mort des populations. Qu'est-ce que vous avez à lui dire ?
Ecoutez ! A l'heure où je vous parle, je ne peux pas affirmer s'il a fait quelque chose. C'est vous qui êtes en train de dire cela. Parce qu'à partir de votre déclaration si je veux le juger ce n'est pas bon. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que ce n'est pas vrai ? A l'heure où je vous parle, je ne sais s'il a payé ou s'il n'a pas payé leurs salaires. Donc, il est difficile de porter un jugement de valeur.
Pour ce début de l'année, quelles doléances vous faites au chef de l'Etat ?
Nous les travailleurs, souhaiterions que l'année 2010 soit une année de prospérité pour les travailleurs. Et pour ma foi, qu'il y ait les élections cette année de manière à ce que les travailleurs puissent jouir du bonheur que les hommes politiques leur promettent.
Comment appréciez-vous nos hommes politiques ?
J'aime bien les hommes politiques. Je les aime parce qu'ils font beaucoup de choses.
Quelles sont ces choses que vous aimez ?
Il y a à boire et à manger là dedans. Je ne peux pas dire que j'aime ou pas. Il y a des moments où je les aime et des moments où je les aime moins.
Quand est-ce que vous les aimez bien et quand les aimiez-vous moins ?
A l'heure d'aujourd'hui, je n'ai pas le bilan sous les yeux. Je ne les aime pas quand ils reportent les élections. Mais, je les aime quand ils disent qu'il faut absolument les élections parce que le peuple souffre. Ils disent tous, la même chose.
L'opposition ivoirienne est-elle qu'il faut à la Côte d'Ivoire ?
L'opposition ? L'opposition, moi je me contente de dire ce que j'apprends. J'apprends qu'en Côte d'Ivoire, il n'y a pas d'opposition. Tout simplement parce qu'au gouvernement, il y a convivialité, il y a cohésion. Ils prennent toutes les décisions ensemble. Dès lors qu'ils prennent les décisions ensemble, il ne peut pas avoir opposition, voilà comment je comprends les choses. Mais, quand il y aura un gouvernement dirigé par un parti, et si l'opposition ne joue pas son rôle d'opposition, à ce moment, je pourrais apprécier. Comme dans mon organisation syndicale, nous avons des camarades qui sont du du Pdci, du Rdr, du Fpi, du Pit et autres. Mais, quand nous arrivons ici, on se défait de nos appartenances politiques pour parler du social.
Si on vous demandait de parler de façon détaillée des différents leaders politiques. Que diriez-vous ?
Je dirais que je les aime tous.
Qui préférez-vous ?
Tous. Ils disent la même chose qu'ils feront le bonheur des Ivoiriens. Je fais partie du peuple. Alors, s'ils veulent faire le bonheur du peuple, moi, j'appartiens au peuple.
Vous avez traversé plusieurs époques depuis Houphouët-Boigny jusqu'au Président Gbagbo. Quelle a été le bon moment ?
Bon, c'est une question “Frar”. Et pour arriver à cela, il aurait fallu que j'eusse le temps de faire le bilan de chacun. Et dans ce brouha, je n'ai pas pu le faire. Tout ce que je peux dire, Houphouët a été un grand chef d'Etat. A l'heure d'aujourd'hui, tous ceux qui font la propagande se réclament d'Houphouët.
Vous parliez de bilan que vous n'avez pas fait. Quand allez-vous faire ce bilan ?
Vous serez informés.
Actuellement, on parle de l'organisation du cinquantenaire de la Côte d'Ivoire qui va certainement mobiliser beaucoup de moyens. Nous savons que la Côte d'Ivoire traverse d'énormes difficultés au niveau financier. Est-ce un événement opportun ?
Vous savez que l'Etat est une continuité. Il y a un qui commence et il y en a un autre qui termine.
Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable de faire face aux problèmes des populations avant d'organiser un tel événement ?
C'est une question de planification. Si lui dans sa planification, il a estimé que ça fait partie de ses priorités, moi, ça ne me gène pas.
Le président Laurent Gbagbo à Fraternité-Matin a déclaré qu'il rêvait d'une Côte d'Ivoire où on ne met plus les gens en prison. Mais, bien avant, il a dit qu'il voulait changer la Côte d'Ivoire de l'ère Houphouët. Vous venez de dire qu'Houphouët était un grand président. Quel est votre commentaire sur cette déclaration ?
Ecoutez ! Le Président Gbagbo l'a dit et il sait pourquoi il le dit. Moi, ce que je sais, c'est que tout le monde se réclame d'Houphouët, même il y a la jeunesse Houphouétiste qui est chez Gbagbo. Tout le monde se réclame d'Houphouétiste. Ça, c'est un constat.
Est-ce un mauvais discours de dire qu'il va effacer l'ère Houphouët ?
(Rires) Je pense qu'il a dit et c'est une manière de parler aussi. Vraiment, je n'ai aucune prise d'opinion là-dessus. Je n'ai jamais fait attention à cela. Quand est-ce qu'il a dit ? Est-ce qu'il a effectivement dit cela ? Moi, j'aime les choses sur lesquelles, je me suis appesanti. Et là, j'avoue que très souvent, il parle d'Houphouët tant bien que mal. C'est normal, il a été l'opposant d'Houphouët. Tout n'a pas été rose du temps d'Houphouët. J'ai entendu par exemple qu'Houphouët a mis les Amédée Pierre en prison. Bon, je ne me souviens pas de cela. Il fait quand même partie des doyens dans ce pays. J'ai essayé de remémorer cette époque, je ne me rappelle pas.
Vous rêvez de quelle Côte d'Ivoire pour les travailleurs ? Quel est le profit du candidat des travailleurs de Côte d'Ivoire ?
Vous savez, quand on a commencé à annoncer ces élections présidentielles, nous avons écrit à tous les partis politiques. Nous avions cherché à les rencontrer pour savoir ce qu'ils avaient dans le ventre et ce qu'ils comptaient faire pour les travailleurs. Nous avons été reçus par le président Bédié. Le président Wodié a préféré venir nous voir. Il y a le président Anaky qui a souhaité nous voir. Le Président Gbagbo disait autrefois, quand est-ce qu'on allait l'inviter ? Bon, Mme Simone Gbagbo est venue ici, nous l'avons écoutée et écouté tout le monde. Donc, après nous allons faire notre point pour savoir qui envisage de faire le mieux pour les travailleurs. Pour le moment, comme nous n'avons pas fini de faire le tour, nous n'avons rien à dire.
Entretien réalisé par Parfait Tadjau,
Diarrassouba Sory et Morgan Ekra
M. le secrétaire général de l'Ugtci, une année difficile pour les travailleurs vient de s'achever. 2010 commence. Est-ce qu'on peut dire qu'elle commence bien ?
Oui, une année difficile vient de passer parce que nous avons vécu une situation que j'ai appelée estomaquante parce que nous avons eu à gérer des situations inhabituelles. Dieu merci, nous avons traversé cette période. Ce que nous ne savons pas, c'est ce qui nous attend. Mais nous savons au moins ce que nous venons de traverser. Nous avons eu une année assez dure et nous avions notre idée sur cette année-là. Nous avions une priorité dans tout ce qu'on a comme priorité. Nos hommes politiques prétendent faire le bonheur de l'Ivoirien. On a dit ok, nous voulons les suivre dans cette sortie de crise puisque c'est la condition pour nous accorder ce bonheur-là. Donc nous avons travaillé un peu dans le sens de la sortie de crise en les aidant tant mieux que mal à cette sortie de crise. Malheureusement, il y a eu beaucoup de remous et ces remous m'amènent à me poser la question de savoir si nous pouvons faire un bilan pour l'année 2009. Ce que je peux dire, c'est que beaucoup de promesses ont été faites, peu ont été tenues. Mais pour nous, ce n'est pas l'essentiel.
Quel est l'essentiel pour vous?
L'essentiel pour nous, c'est la sortie de crise. Et comme c'est conditionné par les élections, donc tout ce qui peut concourir à ces élections, nous essayions de les aider à faire cela. Heureusement ou malheureusement, le constat est là. Il y a eu six (6) reports, nous avons vécu une situation estomaquante, ça fait vomir, ça fait mal au ventre.
Croyez-vous aux élections fin février début mars ?
Y croire ? Oui, je suis de nature optimiste.
Vous avez donc gardé l'optimisme au cours de ces six (6) reports ?
Je dis que je suis de nature optimiste. Mais il y a des devins qui nous prédisent déjà que les élections auront lieu en octobre. D'autres disent dans deux (02) mois. Certains disent entre février et mars. Voyez. Et moi que dois-je dire ? Moi je veux bien et dans les jours à venir j'ai l'intention de m'approcher du président de la Cei. Parce que finalement, tout le monde tourne autour de lui. Est-ce que c'est lui le responsable de la fixation de la date des élections ? Si oui, qu'il nous dise à peu près quelle est la date exacte parce qu'on nous dit beaucoup de choses.
Pensez-vous que la Cei a effectivement joué son rôle pendant tout le temps qu'elle a été mise en place ?
Ecoutez, je suis mal placé pour apprécier cela dans la mesure où nous ne sommes pas partie prenante de cette structure-là. Vous savez, entre ce qu'on voit à l'intérieur et ce qu'on voit de l'extérieur, ce n'est pas la même chose. Donc je suis mal placé pour apprécier cela. Quoiqu'il en soit, ce que je constate c'est qu'il y a eu 6 reports. Ça, c'est un constat que tout le monde fait.
Vous parliez d'activités inhabituelles qui ont animé l'année 2009. Pouvez-vous être plus explicite en énumérant ces activités-là ?
Ce sont les remous qui se sont succédé. J'estime qu'on pouvait les éviter. En ce qui me concerne, je pense qu'il y a eu déficit de communication parce que moi je suis un responsable. Je vais négocier, nous nous mettons d'accord. Si d'aventure, il y a des problèmes, chemin faisant, qu'on me dise à un moment donné, voilà ce que je pensais parce que…parce que. Mais à l'heure d'aujourd'hui, il y a des éléments nouveaux et voilà ce que nous voulons faire. Nous pouvons réengager des négociations parce que je refuse d'être un responsable irresponsable. Mais alors on me pose le problème, que je constate le bien fondé de ce problème, je ne vois pas pourquoi…parce que les autres se disent patriotes, moi je me dis nationaliste. J'aime mon pays.
A qui amputez-vous le déficit de communication. Vous êtes un responsable. Vous avez eu à discuter avec des personnes, est-ce qu'en face, ces personnes voulaient être autant responsables que vous ? Etaient-elles de bonne foi ?
Ecoutez, a priori, tous ceux avec lesquels j'ai eu à discuter étaient censés être de bonne foi. C'est par la suite qu'on essaye de voir si oui ou non ils étaient de bonne foi ou encore si par la force des choses…
C'est à la suite des discussions qu'il y a autant de remous. S'il y avait un peu de responsabilité, il n'y aurait pas autant de remous. Aujourd'hui, concrètement, pouvez-vous dire que ces personnes ont discuté avec vous avec responsabilité ?
C'est ce qui m'amène à parler de déficit de communication. Parce que dans la discussion, j'ai constaté la bonne foi. Mais c'est au finish que le manque de déficit de communication m'a amené à me poser la question. Donc je n'ai pas trouvé de réponse jusqu'à présent, s'ils étaient de bonne foi ou pas parce que l'homme est profond.
Monsieur le Secrétaire général, appelons un chat un chat. Qui sont ceux avec qui vous avez discuté ? Qui n'est pas de bonne foi ?
Je ne peux pas nommer spécifiquement ces personnes-là. Moi, je suis une organisation syndicale. Je discute avec les membres du gouvernement qui sont, eux aussi, une entité, une instance. Donc nous discutons et dans la discussion, je constate, ils me posent des problèmes, que j'analyse, que j'accepte ou que je n'accepte pas. Donc a priori, ils sont de bonne foi. Maintenant l'homme étant ce qu'il est, qu'est-ce qui les a amené à changer ? Ça, moi aussi, je m'interroge.
En 2009, les discussions ont porté principalement sur quoi?
En ce qui concerne la Fonction publique, nous avons eu à discuter sur le problème d'avancement, du profil de carrière, de l'augmentation de salaire, des indemnités. Que sais-je encore ? Pas mal de choses. Des décrets ont été signés. Dans l'application, disons que la moitié ou le tiers ont été appliqués. Le reste, non. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Quoiqu'il en soit, moi, j'ai participé aux dernières négociations tant avec l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire que l'enseignement supérieur. La conclusion que j'ai pu tirer, c'est qu'il n'y a pas eu suffisamment de communication. Le ministre des Finances était là. Il s'est expliqué. Il nous a fait savoir que tout ce qu'il était en train de nous dire avait dit. Mais ceux qui devraient entendre ne l'ont pas entendu ou ça n'a pas été communiqué. Voilà, c'est pourquoi, je dis qu'il y a eu déficit de communication. Donc à partir de là, juger de bonne ou de mauvaise foi, c'est difficile. Comme je le dis, j'ai l'habitude d'appeler le chat par son nom. Mais quand je dis le chat, c'est que j'ai vu le chat.
Quel bilan pouvez-vous faire quant à ces revendications de l'année 2009 ?
Ce que j'ai pu retenir, c'est qu'en ce qui concerne les différents salaires et indemnités, enfin tout ce qui a été payé de moitié, j'ai encore les procès verbaux : le gouvernement dit qu'il n'est pas en mesure de payer le reste maintenant. Et que ce sera fait à partir du Ppte. En faisant un petit calcul, je me suis dit que ça ne peut pas être payé avant 2011. C'est un calcul sommaire que j'ai fait. Je m'en tiens à cela.
Le chef de l'Etat a déclaré qu'il ne donnerait pas un rond aux fonctionnaires grévistes, comment avez-vous accueilli cette boutade ?
Je n'ai pas eu connaissance de ces propos. Où les a-t-il tenus ?
C'était lors de sa conférence de presse à Fraternité Matin.
J'étais absent d'Abidjan. Je n'ai pas suivi. J'aurais aimé connaître dans quel contexte, il a dit ça parce que tout est dans le contexte. Est-ce que ça veut dire qu'il ne payerait jamais les fonctionnaires ?
Est-ce normal qu'un chef d'Etat tienne de tels propos ?
Un chef d'Etat est un chef d'Etat. Il fait de la politique et ce que la politique lui commande de faire, il le fait en bien comme en mal. Là, je ne sais pas dans quel contexte il s'est placé. Donc il m'est difficile de juger.
Il a fini par donner un peu de sous. Il a reçu lundi dernier les médecins, il a levé toutes les sanctions. Pour quelqu'un qui refusait de négocier, quelle est votre analyse ?
Vous voyez pourquoi je n'ai pas répondu à votre première question. Ce qu'il a dit hier…et aujourd'hui il a donné l'argent. Je ne sais pas dans quel contexte il l'a dit. S'il a donné un peu d'argent aux médecins, moi, je pense que c'est une bonne chose. Il est allé peut-être un peu plus vite que sa pensée, mais enfin c'est une bonne chose. Il peut apaiser un peu et calmer la situation.
Il y a eu beaucoup de morts lors de la grève des médecins. N'aurait-il pas pu agir un peu plus tôt ?
Je dis qu'il y a eu déficit de communication. Il aurait pu économiser cela si cela avait été annoncé avant. C'est pourquoi, je m'accroche à dire qu'il y a eu déficit de communication. Maintenant je suis triste pour ce qui a pu arriver, je soutiens les parents qui ont perdu des hommes.
Nous sommes à l'heure des technologies de l'information et de la communication, est-ce normal qu'on parle encore de déficit de communication ?
Je suis syndicaliste, je ne suis pas très versé dans cette forme de communication. Aujourd'hui, je peux vous dire que je ne sais même pas déchiffrer les Sms (message envoyé à partir des cellulaires portables : Ndlr). Donc permettez-moi de ne pas répondre à cette question.
Monsieur le secrétaire général, les travailleurs sont-ils contents du président de la République ?
Les travailleurs sont-ils contents du président de la République ? Je dirais que c'est une question Frar (question difficile, piège : Ndlr). Les travailleurs sont ce qu'ils sont. Ce qui peut me déplaire peut plaire à une autre personne. Je ne peux pas dire qu'ils sont entièrement satisfaits. Je ne peux pas dire qu'ils sont entièrement mécontents, non plus.
Le président de la République a été, lui, syndicaliste opposant. Il ne cessait de revendiquer. Aujourd'hui, président de la République, c'est le couac avec les travailleurs. Alors vous-y comprenez quelque chose ?
Evidemment, je pouvais juger le syndicaliste d'alors, mais il m'est difficile de juger le Président de la République. Il est difficile de le juger.
Mais, n'y a-t-il pas contradiction entre l'attitude du syndicaliste et celle du Président de la République ?
Ça dépend d'où il se plaçait à cette époque. Il avait ses raisons.
Quand on a tant chanté qu'on voulait le bonheur du peuple, quand on était opposant et qu'une fois au pouvoir, on ne semble pas se soucier des problèmes du même peuple, comment appréciez-vous cela ?
Vous savez, la politique est un art difficile. Moi, je suis syndicaliste, je m'accroche aux problèmes sociaux. J'ai fait certes la politique, mais chacun a ses raisons…
Le syndicalisme n'est pas pourtant éloigné de la politique.
Il y a une démarcation, c'est parce que les gens ne savent pas faire la distinction qu'ils ont des problèmes… La politique a ses raisons que le syndicalisme ignore.
Vous disiez plus haut que vous allez rencontrer le président de la Cei (commission électorale indépendante : ndlr) pour en savoir davantage sur l'organisation des élections, la date précise de leur tenue. Les travailleurs sont-ils fatigués ? En ont-ils marre ?
Ce n'est pas moi qui le dis. On ne peut passer dans les rues, sans entendre les gens dire "on est fatigué". C'est tout le monde qui le dit. Mais, dans quel sens disent-ils cela ? Je ne sais pas. Je disais tantôt que les politiciens prétendent nous offrir le bonheur, ce bonheur c'est la sortie de crise. Mais on a du mal à sortir de cette crise. J'ai envie de dire que je souhaiterais que ces politiciens se mettent ensemble. Nous mettons leur nom sur un papier que nous jetterons dans un chapeau et procéder ensuite à un tirage au sort. Tout le monde veut accorder le bonheur aux travailleurs, alors je ne vois pas pourquoi, on ne le ferait pas. Cette formule nous éviterait de courir après ces élections qui n'arrivent jamais.
Monsieur le secrétaire général, vous avez connu des présidents dans ce pays. A quel moment peut-on enregistrer la nervosité du peuple et le soulèvement des travailleurs ?
Nervosité du peuple et soulèvement des travailleurs, ce sont deux mots. Je l'ai toujours dit, je parle en toute responsabilité dans la mesure où je ne me contente pas de mes idées à moi. Je prends le temps de consulter et de tenir des réunions. C'est après la conclusion d'une réunion que je parle. J'annonce cette réunion. En 2008, l'Ugtci avait lancé une grève. Elle a été décidée en comité. Nous avons lancé une grève de 48 heures. Après les 48 heures, les camarades ont souhaité que la grève se poursuive. Nous avons poursuivi les discussions, entre responsables, nous avons estimé que la grève ne pouvait pas se poursuive. Dès lors que nous avons la possibilité d'arracher des acquis. Voulez-vous que je mette les gens dans les rues pour obtenir ce que je peux obtenir sans faire cela ? C'est cela notre formule. Nous ne sommes pas allé dans les rues alors que les travailleurs le voulaient ardemment. Je leur ai dit, vous avez raison, mais on peut obtenir des choses sans aller dans les rues. Nous avons ensuite mené des discussions sur le Smig. Nous avons obtenu une augmentation qui n'est pas encore appliquée mais cela ne saurait tarder. Nous avons discuté du passage de l'âge à la retraite de 55 à 60 ans. Nous avons cela, peut-être que dans ces temps-ci, cela passera… Alors qu'on se serait mis dans la rue, qu'on qualifierait notre action autrement. Pour le moment, on nous promet.
Le smig passe de 36.000F à 60.000F et selon les informations, ce dossier serait la table du président de la République pour un décret. 60.000F, est-ce assez pour permettre à un travailleur de vivre décemment quand on sait les difficultés qui l'assaillent ?
Bon, je ne sais pas si vos informations sont exactes, mais le smig a été discuté entre partenaires sociaux, c'est-à-dire employeurs, travailleurs avec comme arbitre le gouvernement. Nous nous sommes accordés sur un montant, mais pour que cela soit appliqué, nous devons aller à la commission consultative du travail. Nous ne sommes pas encore arrivés, mais cela ne saurait tarder. Un acquis puisque ça va se faire en 2010, c'est certain. Concernant le passage de l'âge de 55 à 60 ans, je ne suis pas au conseil des ministres, mais je suis sûr que cela est sur la table des discussions.
Le Ppte (initiative des pays pauvres très endettés : Ndlr) est présenté comme la panacée par le gouvernement. Qu'en dites-vous et qu'en attendez-vous ?
C'est le gouvernement qui attend le Ppte pour pouvoir se libérer.
Vous l'attendez aussi, puisqu'on vous le dit.
Je fais confiance au gouvernement. Dans les discussions, on m'a parlé du Ppte. Si cela vient, c'est tant mieux.
L'Etat trouve que la masse salariale en Côte d'Ivoire est trop élevée. Votre avis ?
Je n'ai pas tous les éléments pour apprécier. La masse est trop élevée par rapport à quoi ? Est-ce par rapport au niveau de vie des Ivoiriens ? Est-ce par rapport à leurs calculs à eux ? Une masse salariale ne se fixe pas sans donnée. Elle se fixe par rapport à la possibilité du pays.
L'Ivoirien vit-il aujourd'hui normalement, correctement ? Vit-il décemment ? Quelle est votre appréciation ?
Ecoutez, je ne veux pas vous mentir. Je prendrai sûrement mon cas, je reste au bureau jusqu'à 17 heures, je ne mange qu'une fois, mes collaborateurs sont témoins. (Rires)
Vivez-vous donc mal ?
Oui, par rapport à ce qu'on appelle les nouveaux riches, je vis mal. (Rires). Mais, j'estime qu'il faut faire le sacrifice pour son pays.
Les sacrifices, ne pensez-vous pas que vous en avez assez fait ?
Tant qu'on vit, on ne peut s'arrêter de faire des sacrifices. Donc, je continue d'en faire.
Quels sont vos rapports avec le ministre de la Fonction publique ? Est-il proche des travailleurs, les défend-il?
Le ministre de la Fonction publique, c'est le ministre des travailleurs, donc a priori, il doit être proche des travailleurs. Mais chacun a sa manière de négocier, de voir les choses. Selon que je me trouve du coté des travailleurs, chacun a sa manière de discuter, d'apprécier les faits. Du coté des travailleurs, on peut dire que je n'en fais pas beaucoup. Du coté du gouvernement, j'en fais assez. C'est donc difficile.
Ces temps-ci, nous constatons qu'il y a un arbitre entre les travailleurs et le gouvernement, ce sont les religieux. Il y a aussi des personnalités de la République telles que Roland Dagher, Simone Gbagbo qui interviennent pour briser les crises. Que pensez-vous de tout cela ?
Je ne leur reproche rien du tout. Tout ce qui concourt à la stabilité du pays est une bonne chose. Maintenant, c'est nous-mêmes qui avions raccroché à l'époque, à un moment donné. Il y a deux cas, le gouvernement dit qu'on ne vous reçoit plus, les enseignants, eux, disent que, nous, c'est une grève illimitée. C'est nous qui avions déplacé la chose avec Mme Gbagbo etc. Mais lorsque nous faisions ce boulot, nous étions passés inaperçus. L'essentiel pour nous était qu'on arrive à cette sortie de crise et que tout le monde soit en paix.
Avez-vous quelque chose à dire au président de la République qui refuse et après revient sur sa décision ? Concernant la grève des médecins, il pouvait empêcher cette grève. Il a créé les conditions pour que cette grève ait lieu et après, il revient à la raison après la mort des populations. Qu'est-ce que vous avez à lui dire ?
Ecoutez ! A l'heure où je vous parle, je ne peux pas affirmer s'il a fait quelque chose. C'est vous qui êtes en train de dire cela. Parce qu'à partir de votre déclaration si je veux le juger ce n'est pas bon. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que ce n'est pas vrai ? A l'heure où je vous parle, je ne sais s'il a payé ou s'il n'a pas payé leurs salaires. Donc, il est difficile de porter un jugement de valeur.
Pour ce début de l'année, quelles doléances vous faites au chef de l'Etat ?
Nous les travailleurs, souhaiterions que l'année 2010 soit une année de prospérité pour les travailleurs. Et pour ma foi, qu'il y ait les élections cette année de manière à ce que les travailleurs puissent jouir du bonheur que les hommes politiques leur promettent.
Comment appréciez-vous nos hommes politiques ?
J'aime bien les hommes politiques. Je les aime parce qu'ils font beaucoup de choses.
Quelles sont ces choses que vous aimez ?
Il y a à boire et à manger là dedans. Je ne peux pas dire que j'aime ou pas. Il y a des moments où je les aime et des moments où je les aime moins.
Quand est-ce que vous les aimez bien et quand les aimiez-vous moins ?
A l'heure d'aujourd'hui, je n'ai pas le bilan sous les yeux. Je ne les aime pas quand ils reportent les élections. Mais, je les aime quand ils disent qu'il faut absolument les élections parce que le peuple souffre. Ils disent tous, la même chose.
L'opposition ivoirienne est-elle qu'il faut à la Côte d'Ivoire ?
L'opposition ? L'opposition, moi je me contente de dire ce que j'apprends. J'apprends qu'en Côte d'Ivoire, il n'y a pas d'opposition. Tout simplement parce qu'au gouvernement, il y a convivialité, il y a cohésion. Ils prennent toutes les décisions ensemble. Dès lors qu'ils prennent les décisions ensemble, il ne peut pas avoir opposition, voilà comment je comprends les choses. Mais, quand il y aura un gouvernement dirigé par un parti, et si l'opposition ne joue pas son rôle d'opposition, à ce moment, je pourrais apprécier. Comme dans mon organisation syndicale, nous avons des camarades qui sont du du Pdci, du Rdr, du Fpi, du Pit et autres. Mais, quand nous arrivons ici, on se défait de nos appartenances politiques pour parler du social.
Si on vous demandait de parler de façon détaillée des différents leaders politiques. Que diriez-vous ?
Je dirais que je les aime tous.
Qui préférez-vous ?
Tous. Ils disent la même chose qu'ils feront le bonheur des Ivoiriens. Je fais partie du peuple. Alors, s'ils veulent faire le bonheur du peuple, moi, j'appartiens au peuple.
Vous avez traversé plusieurs époques depuis Houphouët-Boigny jusqu'au Président Gbagbo. Quelle a été le bon moment ?
Bon, c'est une question “Frar”. Et pour arriver à cela, il aurait fallu que j'eusse le temps de faire le bilan de chacun. Et dans ce brouha, je n'ai pas pu le faire. Tout ce que je peux dire, Houphouët a été un grand chef d'Etat. A l'heure d'aujourd'hui, tous ceux qui font la propagande se réclament d'Houphouët.
Vous parliez de bilan que vous n'avez pas fait. Quand allez-vous faire ce bilan ?
Vous serez informés.
Actuellement, on parle de l'organisation du cinquantenaire de la Côte d'Ivoire qui va certainement mobiliser beaucoup de moyens. Nous savons que la Côte d'Ivoire traverse d'énormes difficultés au niveau financier. Est-ce un événement opportun ?
Vous savez que l'Etat est une continuité. Il y a un qui commence et il y en a un autre qui termine.
Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable de faire face aux problèmes des populations avant d'organiser un tel événement ?
C'est une question de planification. Si lui dans sa planification, il a estimé que ça fait partie de ses priorités, moi, ça ne me gène pas.
Le président Laurent Gbagbo à Fraternité-Matin a déclaré qu'il rêvait d'une Côte d'Ivoire où on ne met plus les gens en prison. Mais, bien avant, il a dit qu'il voulait changer la Côte d'Ivoire de l'ère Houphouët. Vous venez de dire qu'Houphouët était un grand président. Quel est votre commentaire sur cette déclaration ?
Ecoutez ! Le Président Gbagbo l'a dit et il sait pourquoi il le dit. Moi, ce que je sais, c'est que tout le monde se réclame d'Houphouët, même il y a la jeunesse Houphouétiste qui est chez Gbagbo. Tout le monde se réclame d'Houphouétiste. Ça, c'est un constat.
Est-ce un mauvais discours de dire qu'il va effacer l'ère Houphouët ?
(Rires) Je pense qu'il a dit et c'est une manière de parler aussi. Vraiment, je n'ai aucune prise d'opinion là-dessus. Je n'ai jamais fait attention à cela. Quand est-ce qu'il a dit ? Est-ce qu'il a effectivement dit cela ? Moi, j'aime les choses sur lesquelles, je me suis appesanti. Et là, j'avoue que très souvent, il parle d'Houphouët tant bien que mal. C'est normal, il a été l'opposant d'Houphouët. Tout n'a pas été rose du temps d'Houphouët. J'ai entendu par exemple qu'Houphouët a mis les Amédée Pierre en prison. Bon, je ne me souviens pas de cela. Il fait quand même partie des doyens dans ce pays. J'ai essayé de remémorer cette époque, je ne me rappelle pas.
Vous rêvez de quelle Côte d'Ivoire pour les travailleurs ? Quel est le profit du candidat des travailleurs de Côte d'Ivoire ?
Vous savez, quand on a commencé à annoncer ces élections présidentielles, nous avons écrit à tous les partis politiques. Nous avions cherché à les rencontrer pour savoir ce qu'ils avaient dans le ventre et ce qu'ils comptaient faire pour les travailleurs. Nous avons été reçus par le président Bédié. Le président Wodié a préféré venir nous voir. Il y a le président Anaky qui a souhaité nous voir. Le Président Gbagbo disait autrefois, quand est-ce qu'on allait l'inviter ? Bon, Mme Simone Gbagbo est venue ici, nous l'avons écoutée et écouté tout le monde. Donc, après nous allons faire notre point pour savoir qui envisage de faire le mieux pour les travailleurs. Pour le moment, comme nous n'avons pas fini de faire le tour, nous n'avons rien à dire.
Entretien réalisé par Parfait Tadjau,
Diarrassouba Sory et Morgan Ekra