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Économie Publié le jeudi 7 janvier 2010 | L’intelligent d’Abidjan

Thierno Diallo, plasticien designer malien : ‘’Travailler sur des pigments naturels c’est éviter tout blocage’’

Thierno Diallo est un artiste designer malien qui s’est trouvé une technique d’écriture à base du jus de cola qu’il appelle le Worolan. Qui sert aujourd’hui de sujet de mémoire pour les étudiants à
l’Institut national des arts du Mali. Présent à Abidjan en décembre 2009 dans le cadre d’un atelier de résidence initié par le peintre ivoirien Augustin Kassi, Thierno le Médaillé du mérite national, ouvre des pistes pour éviter à tout artiste d’être victime de la dépendance des matières occidentales. Vous véhiculez un langage de signes et de lettres sur vos toiles.


Devrait-on être initié pour comprendre votremessage ?

Ma démarche est basée sur les fondements d’initiation de la société. Mais, dans chaque toile, l’on verra un cercle ou un rond. Dans l’égyptologie, c’est ce qu’on appelle les hiéroglyphes. Dans le monde bambara – qu’on appelle ici dioula – ce sont les idéogrammes. Tout cela signifie une même chose : le monde. C’est-à-dire les quatre points cardinaux. L’Afrique est ouverte à tous les continents. La plume de porc-épic qu’on trouve également dans chacune de mes toiles
signifie le métissage de par la couleur noir et blanc dont le comptage donne sept. Un chiffre universel commun à toutes croyances sur la terre. Dans les hiéroglyphes que nos ancêtres nous ont légués, on trouve en tout 336 signes qui ne parlent que de phénomènes humains.

Ceux-ci peuvent être reproduits soit par une bande de tissu en coton, soit sur un support en bois ou sur un masque. Cela pour déterminer les événements qui se passent au cours de la vie d’un être humain. Je pense que sans la spiritualité, le monde est voué à l’échec. C’est ce qui, à travers le monde, bouleverse tout. Même si tu ne crois en rien, tu sais qu’il y a une force surnaturelle que nous – humains ne maîtrisons pas.

Vous pouvez l’appeler comme vous voulez : Dieu, Yanga, etc. Dans toutes les ethnies, dans toutes les croyances, on parle d’une force spirituelle.

Votre technique témoigne de ce que vous avez aussi les pieds dans la tradition malienne et africaine. A comprendre vos œuvres, il y a comme un chemin à suivre que vous peignez. Quel est le message que cela sous tend ?

Je crois qu’aujourd’hui, il est temps de faire sortir les rétroviseurs, voir le passé. Parce que dans l’histoire du temps, on tient compte de trois aspects : le passé, le présent et le futur ; en
étant dans le présent on peut se projeter dans le futur. Aujourd’hui, c’est le devoir de tout un chacun de regarder derrière lui tout ce que nos ancêtres nous ont légué. Je crois qu’à travers ces éducations et les 336 signes que j’ai évoqués plus haut, on y trouve tout. C’est l’oubli des aspects cohérents de la vie qui nous conduit – aujourd’hui – aux conflits et autres mésententes.

En terme de coloration de vos toiles, il y a l’usage du jus de cola, la matière à base de laquelle vous peignez. Quelle est votre histoire avec ce pigment naturel ?

Parlant du jus de cola, il faut dire qu’au Mali on utilise le bogolan. « Bogo » qui veut dire en bambara ou en dioula la terre et « lan », la manière. Donc, j’ai baptisé le jus de cola le worolan. Un artiste peut s’exprimer à partir d’un support propre à lui qui peut être une bande de coton tissé et filé à la main ou les pigments végétaux à l’exemple du cola. Le Daliba, par ailleurs, est la cotonnade tissée et filée à la main, donc du 100% coton. Cela pour montrer qu’on a tout à notre
disposition. Il suffit de voir à côté de soi et on parviendra à créer.

Parce qu’on peut être bloqué par le manque de support qui est la toile – que la plus part des artistes utilisent. S’il n’y a pas de la toile ou de la peinture contenue dans les tubes qui nous viennent de l’Occident, il y a blocage. Mais, il faut montrer aux autres artistes qu’il y a des pigments naturels chez nous qu’on peut s’approprier et travailler avec.

Le worolan qui a bénéficié de votre part d’une protection de droit d’auteur, devrait-il être considéré d’usage exclusif ?

Depuis 98, je travaille à base de worolan. Je l’ai breveté au niveau du bureau malien des droits d’auteurs et au niveau de la Scaem (ndlr, en France). Je ne dirai pas que je l’ai véritablement protégé, mais je l’ai créé pour que cela serve et que la technique évolue. Je l’ai certes créé, ce n’est pas à moi seul de l’utiliser. Aujourd’hui, au niveau de l’institut national des arts du Mali, les nouveaux sortants font leurs mémoires sur le worolan. Partant de là, ces mêmes artistes
ont été sélectionnés pour aller étudier aux Beaux Arts à Paris. Mon objectif est que le worolan aille partout dans le monde et je m’y atèle. Aujourd’hui, que ce soit en Finlande, Norvège, Copenhague, aux Etats-Unis, Canada, Espagne, France, au Japon à Aboya ou j’ai exposé,
tu trouveras des toiles à base de jus de cola. La Côte d’Ivoire est un pays de cola, ça a été un grand plaisir de venir à la source de la cola pour échanger avec les autres collègues artistes.

Cette contribution pour le développement culturel malien vous a valu d’être décoré par l’Etat du Mali Officier de l’ordre national, pouvez-vous revenir sur cette circonstance ?

C’était le 20 janvier 2008, je me trouvais dans une ville touristique, Ségou, où j’ai été appelé parce que je devais être décoré. Je ne croyais pas, je me suis même demandé pourquoi. Mais c’est parce que j’ai eu à créer la technique. On parle de mondialisation et quand on dit de prendre le train du monde, on y va avec ce qu’on a chez nous : nos tissus, les pigments naturels. C’est pour toute cette raison que j’ai été décoré le 20 mai Médaillé du mérite national avec effigie abbé.


Sur le chemin de la mondialisation, quel est le visage de l’art en Afrique ?

L’art en Afrique évolue très bien. Je trouve que l’art en Afrique est une grande industrie que nous artistes devrions faire en sorte pour le sauvegarder. C’est aussi encourager nos aînés à emprunter le même chemin, en évoluant de par ce qu’ils font et en se frottant aux autres.

Réalisé par Koné Saydoo
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