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Société Publié le vendredi 22 janvier 2010 | Le Patriote

Dr Diawara Adama (Directeur station Géophysique de Lamto) : “Haïti connaîtra des tremblements encore plus terribles”

Le Dr Diawara Adama, Directeur de la station Géophysique de Lamto, donne son point de vue dans cette interview sur le violent séisme qui a frappé Haïti.

Comment expliquez-vous ce tremblement de terre qui a frappé Haïti, le 12 janvier dernier ?
Il faut en venir aux causes des tremblements de terre. Il existe trois types de tremblements de terre. Il y a ce qu’on appelle des tremblements de terre où les séismes tectoniques. Il y a les tremblements de terre volcanique qui sont liés aux activités volcaniques. Il y a des tremblements de terre induits qui sont provoqués par les activités humaines telles que les essais nucléaires souterrains, les barrages, les extractions de minerais etc. Toutes ces activités humaines peuvent être à l’origine de tremblement de terre dit induits. Ensuite, pour en revenir aux tremblements de terre tectoniques puisque c’est ce cas qui nous concerne pour Haïti. Il faut comprendre que la planète terre est structurée. De sa surface jusqu’à une profondeur de 35 km sur le continent et de 10 km au niveau de l’océan, il y a ce qu’on appelle la croute terrestre ou l’écorce terrestre. Nous avons le manteau qui descend jusqu’à 2.900 km environ, 3.000 km si vous le voulez. Et de là jusqu’au centre de la terre, soit à 6.300 km, vous avez le noyeau. Sur une profondeur de 100 km, vous avez les plaques qui constituent la partie superficielle de la terre. Ces plaques qui sont des blocs de terre qui bougent les unes par rapport aux autres. La frontière entre deux plaques marque une zone de discontinuité. Et cette zone au niveau de l’écorce est appelée une faille. La plaque dans sa partie souterraine bouge de façon continue sur quelques millimètres à quelques centimètres par an. Par contre la partie superficielle au niveau des failles reste bloquée. Mais comme vous avez des mouvements au niveau de la partie profonde de la plaque, qui peuvent être des mouvements de convergence c’est-à-dire de mouvements de rencontre de deux plaques ou des mouvements de divergence c’est-à-dire d’écartements de deux plaques ou même de coulissage d’une plaque sur l’autre qu’on appelle mouvement de subduction. Lorsque vous avez ces mouvements, la partie superficielle de la faille qui est bloquée, va accumuler de l’énergie. Elle va subir une déformation élastique. Elle accumule de l’énergie jusqu’à un moment où on atteint un seuil de rupture. Donc elle cède. En ce moment, vous avez une dissipation c’est-à-dire une libération brutale de l’énergie accumulée. Et c’est ce phénomène qui est à la base des tremblements de terre. Et le point de naissance du tremblement qu’on appelle le foyer se situe plus ou moins en profondeur dans le sol. Et les manifestations de cette rupture c’est les vibrations au niveau de la surface du sol. C’est cela le tremblement de terre ou le séisme.


Est-ce le même phénomène qui s’est produit en Haïti ?

C’est exactement ce qui s’est passé à Haïti. Parce qu’Haïti se trouve sur la plaque caribéenne. Et cette plaque se frotte sur la plaque Nord Américaine. Justement après accumulation d’énergie, lorsqu’il y a une rupture brutale c’est ce qui provoque les tremblements de terre. Je pourrai vous dire que la faille au niveau d’Haïti est longue de 200 km. Et le tremblement de terre qui vient de se produire n’a concerné que 50 à 80 km de long. Ce qui a donné un tremblement de terre de magnitude 7,1. Alors, si les 200 km avaient été touchés, on se serait retrouvés avec un tremblement de terre de magnitude 8. Autrement dit 10 fois plus puissant donc 10 fois plus dévastateur.


Est-ce que vous admettez cette magnitude de 7,1 qui a été donnée par un institut d’étude Géologique des Etats Unis ?

Oui, bien sûr nous partageons cette donnée. Généralement ce qui se passe c’est que lorsqu’un mouvement quelconque de terre survient, peut importe sa nature, les sismomètres de Lamto détectent ces ondes. Et on peut calculer la magnitude à des ondes détectées. Et on peut aussi localiser l’évènement et en connaître la nature. Et parfois, comme on n’a pas un réseau sismique très dense, on fait les premiers calculs qui nous donnent une idée des magnitudes et des emplacements. Et après, en collaboration avec nos partenaires notamment avec le Commissariat à l’Energie Atomique Français on affine nos calculs.


Comment expliquez-vous la série de réplique 5,9 ; 5,5 et 5,1 sur l’échelle de Richter ?

C’est simple. Je vous ai dit tout à l’heure qu’on a une accumulation de l’énergie au niveau de la faille qui subie une déformation élastique. On atteint le seuil de rupture. Et puis l’énergie accumulée est dissipée. Mais cette énergie peut ne pas être dissipée totalement. Elle peut être dissipée en partie. Tant que toute l’énergie n’est pas dissipée on ne peut atteindre une situation d’équilibre. Ce qui fait qu’il y a un premier tremblement de terre qui correspond à une dissipation d’une certaine quantité d’énergie accumulée. Et le reste qui est en réservoir va être libéré en petite quantité. Chaque fois qu’il y a une portion de l’énergie restante qui est libérée, il y a une réplique, une secousse secondaire. Vous pouvez avoir une série de répliques qui vont s’étendre de quelques minutes après la première secousse jusqu’à plus d’une année souvent. Généralement ce qui se passe c’est que les secousses secondaires, c’est|à-dire les répliques sont de magnitudes inférieures. Mais, il peut arriver quelques rares cas où une réplique peut être plus intense que la première secousse. Mais c’est rare.


Y-a-t-il pas de risque d’un tsunami après ces secousses ?

Non pas dans ce cas précis. Pour la simple raison que lorsque la rupture de faille a lieu au niveau du continent, il n y a pas de problème. Il ne peut avoir de tsunami. Par contre, si la rupture de faille avait eu lieu au niveau de l’océan, en ce moment il y avait de forte chance qu’il y ait un tsunami. Parce que c’est come un coup de pied qu’on donne au bas de l’océan. En ce moment on déverse l’eau océanique sur le continent. Et c’est le tsunami. Ici la rupture, le foyer qui est à 16 km de Port au Prince n’est pas au niveau de l’océan donc il n y a pas de risque de tsunami.


Ce pays régulièrement secoué par les tremblements de terre est-il condamné ?

C’est malheureux de le dire parce que les sismologues ont l’habitude de dire que s’il y a eu un tremblement de terre, il y aura des tremblements de terre. Evidemment, Haïti est situé non loin d’une faille. D’une zone de séparation entre la plaque caribéenne sur laquelle se trouve Haïti et la plaque Nord Américaine. Donc, le mouvement d’une plaque par rapport à l’autre continuera. Et alors, Haïti connaîtra d’autres séismes. Et des séismes qui peuvent être plus dévastateurs que celui qu’ils viennent de connaître.


Que doit-on faire pour que ces scénarii ne se reproduisent plus dans cette presqu’île ?

La première disposition à prendre c’est de tenir compte des données sismologiques de la région pour définir les normes de construction parasismique. Parce que lorsque vous habitez une zone qui est sujette à tremblement de terre, la construction des habitations et des immeubles doivent répondre à un certain nombre de critère. Il faut absolument respecter les normes de construction parasismique. Si tel n’est pas le cas, au moindre tremblement de terre, tous les immeubles s’écrouleront avec les morts qu’on connait. Ensuite, il faut que les autorités apprennent à prendre les décisions le plus rapidement possibles et les décisions les plus efficaces possibles lorsque ce genre de catastrophe survient. Sans oublier qu’il faut mettre en place, à l’image de l’ONPC (office national de la protection civile) en Côte d’Ivoire, un service chargé de la protection civile qui puisse être le plus efficace possible. Enfin, il faut éduquer la population. Lui montrer ce qu’il y a lieu de faire en cas de tremblement de terre. Par exemple, lorsque les secousses commencent, il faut éviter de rentrer dans un immeuble lorsqu’on est dehors. Ou de chercher à en sortir lorsqu’on y est. Et quand on est dans un immeuble, il faut éviter de se tenir près des baies vitrées parce que les vitres peuvent se casser et vous blesser. Il faut aussi éviter de se mettre près des files électriques. Il faut se mettre si possible sous des abris rigides tels que des tables et se protéger la tête. Ce sont les conseils qu’on doit donner aux populations de façon permanente pour les préparer à ces situations.


La Côte d’Ivoire est-elle à l’abri des tremblements de terre ?

Je dirai en théorie oui. Parce que je signale que la Côte d’Ivoire repose sur un socle qui est vieux de milliards d’année. Ce qui fait que la terre bouge au niveau de la Côte d’Ivoire. En matière de tremblement, vous avez par an, près de 100 mille tremblements de terre répertoriés à travers le monde. Seulement, selon la magnitude on peut ressentir ou pas. Et ça peut être dévastateur ou pas. C’est tout. Même au niveau de la Côte d’Ivoire, la terre bouge. Mais Dieu merci, nous avons des mouvements de magnitude assez faibles. Lorsque vous regardez la carte de sismicité de la Côte d’Ivoire, vous vous rendrez compte qu’en général nos points de sismicité ont des magnitudes qui varient de 1.5 jusqu’à 3.6 en moyenne. Les plus grosses magnitudes que nous avons eues à Lamto en tout cas en faisant la carte de sismicité de la Côte d’Ivoire c’est 3.6. Et nous avons remarqué cette situation vers la frontière Côte d’Ivoire-Burkina vers la région de Ouangolodougou. Il y en a aussi un peu au Sud sur la côte notamment vers Grand Lahou. (…)Quand vous regardez le continent Africain, vous vous rendrez compte que la ligne de feu c’est-à-dire là où les séismes se produisent avec le plus de fréquence, ça vous fait un schéma qui épouse la forme du continent Africain. La Côte d’Ivoire n’est pas en principe sur la faille. Elle est quand même loin de cette ligne. En Afrique, la seule zone qui est hautement sismique c’est l’Afrique Australe notamment dans sa partie australe. Sinon la Côte d’Ivoire est quand même à l’abri. Je vous signale qu’au début des années 80, il y a eu un tremblement de terre en Guinée qui a fait beaucoup de morts. Et la réplique a été ressentie en Côte d’Ivoire. Mais c’était à magnitude assez faible.

Réalisée par Coulibaly Brahima
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