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Politique Publié le vendredi 29 janvier 2010 | Nord-Sud

Dembélé Bazoumana dit Recteur : “Le Rdr et moi, c`est terminé”

Dans cette interview exclusive, Dembélé Bazoumana, plus connu sous le nom de « Recteur » nous parle pour la première fois de son départ du Rassemblement des républicains (Rdr). L`ancien président du « Rassemblement des grins de Côte d`Ivoire » raconte son cheminent avec le Rdr et les raisons de son départ pour l`équipe adverse.

Une information a fait état de ce que vous auriez démissionné du Rdr. L`information est-elle confirmée ?
Oui, Maintenant, c`est confirmé. J`ai attendu avant d`annoncer officiellement mon départ, parce que le délégué départemental Rdr, Diabaté Lassina était venu nous voir, nous les cadres Rdr de la sous-préfecture de Kouto, afin que nous l`aidions matériellement car il avait des difficultés économiques sur le terrain. J`ai donc décidé de faire le tour des dix communes d`Abidjan pour rencontrer les ressortissants de la sous-préfecture de Kouto afin de lui venir en aide. Nous avons mis sur pied un comité ad` hoc et publié des communiqués dans lesquels nous appelions les bonne volontés à venir apporter leurs contributions. Ainsi, nous avons mis en vente des tickets pour la victoire du Dr Alassane Dramane Ouattara. Comme je n`avais pas encore rendu compte de toutes ces actions, je ne pouvais pas dire que j`ai quitté le Rdr. Il y a une semaine, le délégué départemental, Diabaté Lassina est arrivé à Abidjan. Et devant les membres de notre comité ad` hoc, je lui ai remis la totalité des fonds que nous avons pu collecter afin de l`aider dans sa mission. Et séance tenante, j`ai annoncé à l`assemblée que ma mission au Rdr est terminée.

Votre mission terminée, cela veut-il dire que vous quittez le Rdr ?
Le Rdr et moi, c`est terminé ! Je dis bien ter-mi-né ! Je n`ai plus rien à voir ce parti. J`ai démissionné du Rdr y compris de ses accessoires. J`étais attaché de cabinet au ministère de l`enseignement supérieur auprès de mon ami et frère Cissé Ibrahim Bacongo qui m`avait fait l`honneur de m`appeler auprès de lui. Je profite de cette interview pour lui exprimer tous mes remerciements et toute ma reconnaissance. Certains d`entre nous ont eu des postes grâce des recommandations faites par Alassane Ouattara. Moi, c`est le ministre Cissé Bacongo qui m`a personnellement appelé auprès de lui au nom de l`amitié qui nous lie depuis longtemps. Je pars du cabinet sans regret. Et je pars soulagé parce que ma nomination m`a fait plus d`ennemis que d`amis.

Qu`est-ce qui vous fait dire cela ?
On raconte partout que le petit niveau de vie que j`ai, je le dois au ministère, qui m`a fait. Ces gens pensent, à tort, que c`est grâce au ministère que je peux porter aujourd`hui des costumes ou que je me peux me déplacer dans un véhicule qui m`appartient. Ceux qui me connaissent savent que tout ceci n`est que pure affabulations. Avant d`être appelé au ministère, même lorsque j`avais des revenus modestes, je venais en aide à certains collègues pourtant mieux payés que moi. Moi je vis de mon carnet d`adresses. J`ai la chance de connaître des gens qui n`ont pas la mémoire courte et qui se souviennent de ce que j`ai fait pour eux. C`est pour cette raison que je ne suis jamais misérable partout où je passe. Aujourd`hui, je suis déchargé de tous ces fardeaux qui faisaient que le militant de base, quand il te voit passer, te lance à la figure : « Ceux-là, ils étaient avec nous dans la rue. Aujourd`hui, ils mangent mais ils nous ont oubliés ». Non ! Je n`ai jamais mangé ! Le peu que j`ai pu gagner, je l`ai vraiment partagé avec tous ceux qui venaient me voir.

Vous dites que votre mission au Rdr est terminée alors même que M. Ouattara n`est pas encore élu. Quelle était donc votre mission en adhérant au Rdr ?
La mission que je m`étais fixée en arrivant au Rdr, c`était de faire en sorte que cesse l`injustice à l`égard de M. Ouattara. J`avoue honnêtement que je ne l`ai jamais vraiment aimé, cet homme. Lorsque j`étais encore au Fpi, je le trouvais suffisant, orgueilleux. Lorsqu`il a été porté à la tête du comité interministériel puis à la Primature, il a cassé l`arme que nous détenions entre nos mains, c`est-à-dire les manifestations de rue. Mais lorsque s`est engagée contre lui, contre sa religion, contre sa région une campagne de dénigrement, je me suis senti interpelé. Parce que l`injustice m`est insupportable, quelque soit la personne contre qui elle est dirigée. Et lorsque j`étais encore au Fpi, j`ai eu souvent des débats houleux avec certains amis sur ce sujet. Je ne pouvais pas comprendre qu`on puisse réserver un tel traitement à quelqu`un qui a été Premier ministre. Je me suis donc donné pour mission de combattre pour qu`Alassane Ouattara soit reconnu dans ses droits et qu`il puisse rentrer dans le circuit politique dont on voulait l`exclure. J`ai mené la lutte au moment où prononcer le nom d`Alassane Ouattara était considéré dans ce pays comme le péché suprême. En plein milieu du Plateau, aux 60 logements, j`allais chaque jour risquer ma vie en proclamant que ce monsieur est un digne fils du pays qu`on veut écarter par des montages politiciens. Et croyez-moi, j`ai payé le prix de mon audace.

Quel prix avez-vous payé pour ce combat en faveur de la justice ?
Du temps d`Houphouët à Bédié jusqu`à Gbagbo, mes actions m`ont valu 234 interpellations ou gardes à vue. De l`Ecole de police à l`Ecole de gendarmerie, en passant par la préfecture de Police et la Police judiciaire (PJ), j`ai séjourné dans tous ces endroits. S`agissant des emprisonnements, je vous apprends que j`ai été incarcéré 11 fois. Mon plus célèbre séjour en prison date de la période 1995-1998. Donc, j`ai rempli ma part du contrat. Et M. Ouattara, aujourd`hui est candidat à la fonction suprême dans ce pays. J`en suis heureux car, souvenez-vous, Laurent Gbagbo avait dit une fois que Ouattara ne serait rien dans ce pays. Autant pour moi que pour ceux qui se réclamaient de lui, c`était un défi à relever.
Ce que je déplore malheureusement ce sont ces écrivains de dernière heure du Rdr qui veulent tordre le cou à l`histoire, en présentant les derniers comme les premiers.

Que voulez-vous dire précisément, par-là ?
Je parle de ces gens qui écrivent aujourd`hui des ouvrages commandités pour célébrer comme des héros, ceux qui en vérité, n`ont rien fait. Des gens qui ont fui le champ de bataille quand nous on risquait nos vies. Ce qu`ils oublient, c`est qu`il y a eu beaucoup de morts dans ce combat. Et on n`a pas le droit de banaliser ainsi leur sacrifice. Je m`incline sur la mémoire des militants de base qui ont perdu la vie pour cette cause et qui, malheureusement, sont tombés dans l`oubli. Aujourd`hui leur progéniture souffre sans qu`aucun vivant ne daigne jeter un regard compatissant sur eux. Moi, j`ai eu la chance de vivre. J`ai donc la chance de pouvoir dire non aujourd`hui et c`est ce que je fais. Alassane Dramane Ouattara est aujourd`hui reconnu comme Ivoirien à part entière. Alassane Ouattara est maintenant candidat. Mais Alassane Dramane Ouattara n`est pas mon candidat.

Avez-vous choisi de rejoindre le camp présidentiel et de soutenir le candidat de cette mouvance?
J`ai pris l`engagement que je n`appartiendrais plus jamais à un parti politique. Plus jamais, je ne vais militer dans un parti politique parce que ce sont tous les mêmes. Je suis maintenant devenu un électeur libre, libre de mes opinions, sans contraintes ni imposition d`une discipline de parti politique. Je suis désormais libre de parler, de critiquer, de faire des remarques aussi bien à gauche qu`à droite. Ceci dit, je ne serais pas conforme avec moi-même si je n`ajoutais pas un fait important. Il y a un monsieur qui s`appelle Doulaye Coulibaly. Il est le Directeur des examens et concours. Lorsqu`il a été nommé directeur de campagne de Laurent Gbagbo dans le département de Boundiali, j`ai décidé de le rejoindre pour lui apporter mon soutien et mon appui dans sa mission. Gbagbo sait que pour faire triompher le Fpi, il a besoin de beaucoup de compétences. Chez nous, à Kouto, il y a beaucoup de militants du Fpi. Et je ne minimise pas leur poids politique. Mais Gbagbo sait que s`il a des gens comme Doulaye Coulibaly ou Koné Dossongui, c`est une assurance pour la victoire.

Vous avez donc été débauché par Doulaye Coulibaly ou Koné Dossongui ?
Lorsque Doulaye a été nommé, il ne m`a jamais appelé pour le rejoindre. Pas plus que Dossongui, d`ailleurs. Doulaye Coulibaly est un grand-frère pour qui j`ai beaucoup d`admiration et de respect pour son humanisme, pour sa générosité, pour sa considération envers son prochain et l`humilité qui le caractérise. Lorsqu`il y a eu des articles de presse pour les vilipender, pour brocarder les cadres du nord qui ont choisi de soutenir Laurent Gbagbo, je suis allé vers Doulaye Coulibaly pour lui dire : « Grand-frère, je suis avec toi dans ce combat parce que j`aime les défis ». Au moment où nous venions au Rdr, au moment où j`allais parler du Dr Alassane Dramane Ouattara au Plateau, ceux qui se font les braves aujourd`hui, n`osaient même pas prononcer son nom dans leur propre maison. Les premières réunions du Rdr se déroulaient à Abobo à l`Ecole primaire « Le petit champion ». Mme Jeanne Peuhmond peut en témoigner. Elle s`asseyait dans la salle lorsque nous faisions les premières réunions. Elle avait peur d`être à la table de séance. En ces temps-là, ce sont quelques amis et moi, c`est-à-dire les Kader Soumahoro, Koné Bakary, Bamba Massandjé, pour ne citer que ceux-là, qui animions le parti. Aujourd`hui, cette mission est terminée. Ma mission est terminée au Rdr. Mais je ne demande pas à ces personnes de me suivre. Je suis avec Doulaye Coulibaly.

C`est quand même surprenant, pour quelqu`un qui a votre parcours politique, de suivre un individu et non pas une cause…
J`ai également entendu cela aussi, à savoir qu`un politique comme moi, ne devrait pas suivre un homme. Ça me fait sourire. Je leur rétorque à ces gens-là, qui manquent de culture politique, ont-ils déjà entendu parler de marxisme, de léninisme, de maoïsme, de gaullisme, de castrisme, d`houphouétisme ? Sûrement. C`est parce que ces individus portent en eux des valeurs, des enseignements, constituent des références et des modèles. En Côte d`Ivoire, et même au Rdr, il y a des gens qui se disent bien alassanistes, non ? S`il se trouve des gens pour dire qu`ils sont alassanistes, pourquoi alors reprocher aux autres d`avoir leurs modèles à eux, des gens qu`ils admirent ? Il ne faut pas refuser aux autres ce qu`on admet pour soi-même. Pour eux, si quelqu`un les quitte, c`est que cette personne a reçu des millions.

Justement, il se raconte que vous auriez reçu de la présidence, la coquette somme de 80 millions…
Cette rumeur, je ne l`ai apprise qu`il y a une semaine. C`est un de mes amis, Doumbia Adama que nous appelons Yves Doumbia, qui m`a annoncé avoir lu cette l`information, disons cette désinformation, dans un journal. Je considère cela comme une injure ! Est-ce à dire que lorsque je quittais le Fpi pour rejoindre le Rdr, Alassane Ouattara m`a donné de l`argent ? Cela voudrait dire que Joël N`Guessan qui a quitté le Mfa pour le Rdr a reçu de l`argent ? Est-ce à dire que le Dr Ahua Junior qui a quitté le Fpi pour le Rdr a aussi reçu de l`argent ? Dans ce cas, le Rdr a mis de côté des milliards pour acheter les gens, ces nouveaux venus pour lesquelles on a créé un Secrétariat aux nouvelles adhésions dirigé par Maurice Bandaman. On dit qu`Ado a des puits de pétrole au Qatar, qu`il a des bateaux, des avions etc. Pourquoi lui aussi ne met pas ses milliards à la disposition de son action politique pour que ses gens restent ? Moi, je mets quiconque au défi de m`envoyer un début de preuve que j`ai reçu de l`argent de qui que ce soit. Je n`ai pas reçu un centime. Un corrupteur pense toujours que tout le monde est comme lui. Si chez eux on achète des gens, moi je voudrais leur dire que je ne suis pas corrompu et que je ne peux pas être acheté. J`ai contribué à faire chuter le régime de Henri Konan Bédié à travers les tracts qu`on véhiculait nuitamment et les meetings. Pour que je mette un terme à ces actions ci-dessus mentionnées, on m`a proposé 120 millions de F Cfa, que j`ai refusés. Si Estelle Soro (de son vrai Tchié Jean, ancien journaliste au Républicain, puis au Libéral, aujourd`hui en exil, ndlr) avait été là, il pourrait en témoigner puisque cela s`est fait en sa présence. J`ai refusé 120 millions, ce n`est pas pour courir après 80 millions. Et d`ailleurs, si vous voyez Issa-Malick Coulibaly, qu`on accuse de m`avoir débauché, dites-lui que moi je dis que 80 millions, c`est beaucoup trop. Même 20 millions me suffisent aujourd`hui. Vraiment qu`il vienne me dédommager parce qu`on dit maintenant, j`ai au moins 80 millions en banque !

En clair, vous n`avez rien reçu du camp présidentiel ?
Et je n`attends rien du camp présidentiel. Je vous ai précisé que désormais, je n`appartiens à aucun parti. On ne peut pas être dans une telle posture et s`attendre à bénéficier de la manne d`un parti. J`ai décidé de quitter le Rdr. Logiquement, je me devais de quitter tous les avantages liés au Rdr, y compris mon poste au ministère. Et il se trouve des gens pour me dire que j`ai mal fait de démissionner du ministère ! Je ne peux pas concevoir cela. Je ne peux pas dire que j`ai démissionné du Rdr et continuer à être au ministère, surtout que je ne suis pas fonctionnaire. C`est le ministre Bacongo qui m`a fait appel. Il y a certes notre amitié mais c`est parce que j`étais militant du Rdr. Si je démissionne du parti, je dois également démissionner du ministère. Dans cette logique, je dis aux responsables du Rdr et du Pdci que s`ils veulent faire une vraie opposition, ils doivent démissionner des ministères sinon ils seront tous comptables de la gestion de Gbagbo devant le peuple. Aucun d`entre eux ne pourra dire qu`il ne savait pas ce qui se passait. On ne peut pas être membre du gouvernement, critiquer l`action gouvernementale et en même temps demander à ses ministres de trouver chacun 300 ou 400 millions pour financer votre campagne. On ne peut pas dire qu`on est opposant, qu`on n`est pas d`accord avec le régime en place et participer à son gouvernement.

Dans nos entretiens d`avant interview, vous avez insisté sur le manque de solidarité, d`humanisme, d`entraide au Rdr. Vous avez dit que vous-même en avez été victime…
La solidarité existe dans les textes au Rdr. Mais seulement dans les textes. Pas dans la réalité. Je suis quelqu`un qui a été régulièrement en prison. Et ce qu`on appelle la solidarité militante, la chaleur des camarades, je ne l`ai pas du tout vécu. En 1995, lorsqu`il y a eu le boycott actif et que nous avions été arrêtés, on n`a pas vécu cette solidarité. Nous étions abandonnés dans nos cellules. Mais en 1999, quand les membres de la direction ont été arrêtés, c`est à peine s`ils ne se lavaient pas avec de l`eau minérale en prison ! Oubliant qu`à côté d`eux, il a eu des militants qui sont morts de faim dans leurs cellules. Je peux citer le cas de Koné Daouda qui est effectivement mort de faim en prison. Quand on l`a trouvé, il suçait son doigt pour essayer de tromper la faim. En prison, c`est Koné Dossongui, qu`on brocarde aujourd`hui, qui nous apportait de la nourriture. Chaque mois, il nous apportait cinq sacs de riz à la Maca. Moi j`en donnais à mes codétenus. Pour effacer la honte sur moi et le parti, je disais que c`est Alassane Ouattara qui me les a donnés, au nom de la direction du parti. Diabaté Ben Kayala et Samassi Bamba peuvent en témoigner. (…) Grâce à tous ces sacrifices de jeunes gens, Alassane Ouattara est candidat. C`est une victoire que je considère comme la nôtre. Et si par extraordinaire il est élu, il sera notre président à tous. Mais aujourd`hui, je ne le soutiens pas.

Pourquoi dites-vous : si par extraordinaire ? Avez-vous des doutes sur sa victoire ?
Pourquoi voulez-vous donc que je souhaite qu`Alassane Dramane Ouattara qui est aujourd`hui mon adversaire soit élu ? S`il est élu, on ne saura pas le travail que le directeur de campagne dans ma région a réalisé. Doulaye Coulibaly, le directeur de campagne de Laurent Gbagbo, est la cause principale de mon engagement actuel en faveur du candidat du Fpi. S`il n`y avait pas eu Doulaye, je n`aurai peut-être pas fait ce choix. J`aurais peut-être soutenu le candidat du Pdci puisque le Pdci d`aujourd`hui a beaucoup mûri et a d`énormes d`atouts. J`exprime mon respect envers le Pdci d`aujourd`hui plus qu`envers celui que nous avions combattu hier. Mais qu`on le sache, quand je m`engage dans une affaire, je ne reste pas sur place pour ergoter dans les salons. Bientôt, je serai sur le terrain à Boundiali, précisément à Kouto, chez moi. Il y a beaucoup de militants du Rdr là-bas mais désormais, ce sont mes adversaires. Et pas plus que ça. Celui qui me voit en ennemi, je serai obligé de le traiter comme un ennemi. Ceux qui me connaissent savent que je n`ai pas peur de l`adversité.

Que va devenir le Rassemblement des Grins de Côte d`Ivoire, que vous avez créé pour soutenir le Rdr ?
Cette question me permet de rappeler à ceux qui l`ont peut-être oublié, les conditions dans lesquelles nous avons créé ces « grins ». A la faveur du déclenchement de la crise en 2002, j`ai eu l`idée de créer ce réseau de « grins ». Pour ce faire, j`ai fait appel à des amis, notamment à Karamoko Yayoro qui était à l`époque mon premier secrétaire général. Je l`ai fait parce que quand la crise a éclaté, j`ai été arrêté et détenu à l`école de gendarmerie où j`ai été torturé à souhait. Les tortures que les gens m`ont fait subir consistaient à allumer des bougies et à laisser couler la cire chaude sur mon dos et surtout sur mes parties génitales. Et personne n`avait été alerté. Lorsque je suis sorti le 29 octobre 2002, je ne pouvais pas rester les bras croisés. Les comités de base et les sections ne pouvaient pas se réunir du fait de l`insécurité. Même la Rue Lepic, siège du parti, était devenu désert. Personne n`osait se hasarder là-bas. Certains cadres du parti étaient devenus introuvables. Au nombre des courageux qui osaient encore se montrer, il y a Cissé Ibrahim Bacongo. On le voyait partout, prenant part quand il le pouvait, à des émissions télévisées, débattre seul contre tous. J`en profite d`ailleurs pour lui rendre hommage et louer son courage.


Ensuite ?
J`ai rencontré Koné Tiémoko, l`actuel président du Conseil général de Tengréla en compagnie de Sylla Youssouf, Madiara Coulibaly, Cheick Camara puisque ce sont eux qui étaient à la tête du comité de crise chargé de gérer le parti. Je leur ai parlé du projet de fédérer les « grins ». A l`époque, le Rdr avait été présenté comme le parti qui a financé la rébellion et son président n`étant pas là, l`intention affichée de Laurent Gbagbo était la suspension voire l`interdiction du Rdr. C`est donc en vue de défendre les idées mais aussi les intérêts du Rdr que Koné Tiémoko, Youssouf Sylla, Madiara Coulibaly, Cheick Camara et autres ont mis sur pied ce comité afin d`éviter que le parti soit absent aux débats, notamment celui que le premier médiateur dans la crise ivoirienne, le président Togolais Gnassingbé Eyadema devait avoir avec la classe politique. Il faut donc leur rendre hommage pour ce travail. Quand Koné Tiémoko et moi nous nous sommes retrouvés, il s`est agi de voir comment animer la base pour éviter que la dispersion des militants ne conduise à tuer le parti. C`est à cet instant que l`idée des « grins » m`est venue en tête. Dans les « grins », les gens se retrouvent généralement par affinité ethnique, régionale ou religieuse. Ils se connaissent donc très bien et peuvent se parler en toute sécurité, sans crainte d`être espionnés. Il existe des codes pour changer de sujet quand un étranger ou une personne suspecte est présente. J`ai donc informé Koné Tiémoko sur la façon dont j`entendais conduire ma mission. Et j`ai commencé à travailler. Nous profitions des causeries dans les «grins » pour remobiliser les militants. Et lorsque des militants étaient arrêtés, nous profitions également de ces « grins » pour faire circuler l`information afin que les voies et moyens pour leur libération soient explorés. Nous avions donc fait des fiches d`adhésion qui nous ont permis d`immatriculer tous les militants. Les choses ont marché à merveille et nous avons pu faire ce que nous avions à faire.

En quittant le Rdr, vous quittez aussi les grins ?
Lorsque j`ai démissionné du Rdr, j`ai convoqué une réunion avec le bureau national pour leur dire que ma mission était terminée. Celui qui était mon deuxième vice-président m`a ainsi succédé en devenant le président des « grins ». C`est le lieu de féliciter les membres du bureau national qui m`ont beaucoup aidé. Grâce à chacun d`eux, nous avons pu faire un excellent travail. Je leur ai demandé d`accepter et de comprendre mon choix parce que c`est aussi cela la vie d`un homme. Dans la vie, quand on n`est pas d`accord, on dit non, quelque soit ce que cela peut causer. Galilée, lorsqu`il a dit que la terre tournait, il n`a pas eu raison le même jour. Je préfère donc ne pas avoir raison aujourd`hui et avoir raison demain et je suis sûr que j`aurai raison demain. Parce que les gens qui m`appellent pour me soutenir sont nombreux. Il y en a même qui vont jusqu`à me dire que n`ayant pas le courage que j`ai eu, eux ils attendent les urnes pour s`exprimer. Pour moi, ce n`est pas la meilleure voie pour exprimer un ras-le-bol. Il ne faut pas faire croire des choses à M. Ouattara et aller le décevoir dans les urnes. Selon ma philosophie, quand on n`est pas d`accord, on dit non et on démissionne. Moi, je ne vais pas voter pour lui et dès maintenant, je le lui dis. Ca au moins, c`est sincère. Mais ce qui est effrayant, c`est que ce sont des cadres qui disent ce genre de choses. Je préfère taire les noms, mais c`est révoltant quand ils racontent ce qu`ils vivent comme frustrations de la part de certaines personnes dans le cercle de M. Ouattara.

Personne n`a essayé de vous convaincre de rester ?
Parmi ceux qui m`appellent, il y en a qui me disent que c`est moi qui les ai fait venir au Rdr et que je ne peux pas leur faire ça en démissionnant. Dans ce lot, il y en aussi qui me demandent de rester sous le prétexte que les choses vont changer. Plusieurs hautes personnalités dans et en dehors du parti m`ont reçu. Elles constateront que j`ai maintenu ma décision de partir. Au stade où j`étais arrivé, il n`était plus bon pour moi de rester parce que lorsqu`on fait la politique, on ne prend pas une telle décision pour se rétracter après. Je les remercie pour la considération qu`elles ont eue pour moi en m`appelant pour discuter mais entre moi, le Rdr et ses dirigeants, c`est bel et bien terminé.

Vous allez donc combattre Ouattara sur le terrain. Avec quels arguments ?
D`abord, on dit qu`il a des milliards et qu`il a des relations. On devrait sentir cela dans les mairies que dirigent ses partisans. Mais faites vous-mêmes le constat. Voyez Adjamé. Ce n`est pas du tout un exemple. Il nous avait dit qu`Abobo deviendrait la Rotterdam d`Afrique. Abobo a plutôt reculé de vingt ans en arrière. Pourquoi ne met-il pas son fameux carnet d`adresses et ses fameux milliards à la disposition de ses élus ? Même chez lui à Kong, où j`ai été à plusieurs occasions, toutes les pompes villageoises sont en pannes. Qu`attend-il pour faire un petit geste pour les faire dépanner, lui le multimilliardaire ? Il nous a promis de mener une campagne à l`américaine, avec des hélicoptères partout dans le ciel. Nous regardons le ciel et pour l`instant nous ne voyons rien. Pour moi, tout cela participe à la mystification des masses. En plus de cela, il y a le complexe de la rébellion. On a dit ici que la rébellion a été envoyée par le Rdr. Et cela a suffi pour créer un tel complexe chez les gens du Rdr que le président de ce parti a été incapable de faire une tournée dans la partie nord du pays pendant plusieurs années. Par peur que les gens l`accusent d`être ami avec les rebelles, il s`est gardé d`aller voir dans quelles conditions vivent ses parents du nord. Il a laissé le champ libre au Fpi qui a été le premier parti à aller saluer les Forces nouvelles au Golf Hôtel. Ce qu`ils oublient, c`est que la rébellion a boosté beaucoup de choses sur le plan politique, en Côte d`Ivoire. Notamment la question de sa candidature à la présidentielle. (…) Maintenant que celui qu`on présente comme étant l`homme des américains et des français se fasse sentir à Kong, c`est-à-dire chez lui. En Afrique, cela est extrêmement important. De deux, il faut arrêter de rêver. Ils continuent de croire que les Français, grâce à la Licorne, et avec l`appui des Américains, vont aller les installer au palais présidentiel. Qu`ils continuent leurs rêves. L`opposition ne rime pas avec bourgeoisie. On n`a rien si on ne descend pas dans la rue pour aller le chercher. Et pour le moment, ils sont perdus dans leurs rêves.

Interview réalisée par Touré Moussa et Marc Dossa
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