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Politique Publié le samedi 30 janvier 2010 | Notre Voie

Sortie de crise- Soro veut-il bloquer le processus ?

L’affaire de fraude dans laquelle est cité le président de la CEI, Beugré Mambé, donne lieu à des «rixes» inattendues. Elle met en scelle deux acteurs qui, à l’évidence, ne sont pas partie prenante dans la tricherie, mais qui ne sont pas moins des acteurs clés dans la gestion de tout le processus de sortie de crise. Tout simplement parce qu’ils étaient là pendant le dialogue direct qui a conduit à la signature de l’accord politique de Ouagadougou le 4 mars 2007. Il s’agit du premier ministre, Guillaume Soro et du ministre de l’intérieur, Désiré Tagro. Dès l’annonce, au début de ce mois, de l’acte de Beugré Mambé qui, en violation du mode opératoire consensuel, a confectionné une liste parallèle de 429.000 personnes, le locataire de la Primature a présidé une réunion de crise. Il a, par la suite, reconnu, dans une déclaration officielle, les faits imputés à Mambé et fait l’annonce de la création d’un comité de suivi. Le ministre Tagro, de son côté, a saisi le procureur de la République à l’effet de diligenter une enquête sur l’affaire de fraude. Mais, avant, il en a fait l’annonce sur les antennes de la télévision, «La Première». Et voilà que l’on apprend que le Premier ministre, à son tour, compte mettre sur pied une commission d’experts devant faire la lumière sur l’acte délictueux du président de la CEI. On aurait pu penser à une série d’actions coordonnées du gouvernement ivoirien pour faire toute la lumière sur cette affaire honteuse. Que non ! Il est plutôt question, selon nos sources, d’une divergence de vues du Premier ministre et son ministre de l’intérieur sur la question. Ou plus exactement nous assistons à une offensive d’un Premier ministre qui a pris ombrage de son ministre de l’intérieur à qui il donne la réplique par la constitution d’une “commission d’enquête” là où celle du procureur de la République devrait suffire. En effet, la déclaration du ministre de l’intérieur, Désiré Tagro, sur les antennes de la télévision Première Chaîne, a déclenché, selon nos sources, l’hydre du Premier ministre. Il affirmerait ne pas avoir été associé à l’initiative de saisie du procureur. Le ministre de l’intérieur s’en défend. Il soutient avoir travaillé en bonne intelligence avec le chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, et le Premier ministre Guillaume Soro sur la question. «Je voudrais vous rassurer sur l’environnement de la déclaration. Moi, je ne travaille pas de façon indisciplinée. Je travaille toujours dans le respect de ma hiérarchie», s’est-il justifié à la presse, le mardi 19 janvier dernier, à une rencontre de la “Coordination des communicateurs bénévoles pour le plébiscite du président Laurent Gbagbo”. Il a ajouté ceci : «Je suis membre d’un gouvernement et au service du président de la République. Jusque-là, ma démarche est encadrée par ces deux autorités. (…) Si je veux défier le Premier ministre, mon attitude, c’est de déposer ma démission». Des sources bien introduites affirment que le chef du gouvernement Guillaume Soro aurait même lu et passé au crible le contenu de la déclaration du ministre Tagro. N’empêche que Soro a rassemblé un pool d’experts, quitte à faire doublon, pour accomplir le même travail d’investigation que le procureur de la République. En réalité, toutes ces actions sont à inscrire dans le contexte des relations difficiles qu’entretiennent le Premier ministre et son ministre de l’intérieur. Le chef du gouvernement ne porterait pas dans son cœur le ministre Tagro à qui il reprocherait son manque d’allégeance à son égard. Son insoumission même. On se souvient qu’au Burkina Faso, lors des pourparlers devant aboutir à l’accord politique de Ouaga, le ministre de l’intérieur avait été taxé par des proches de Soro d’homme moins convenant lors des discussions. De plus, Soro n’apprécierait pas beaucoup, dit-on, que le ministre Tagro entretienne des relations étroites avec Adama Bictogo qui se trouve être l’un des conseillers du Premier ministre. Autre fait : Guillaume Soro aurait été effarouché par la volonté de Désiré Tagro de n’envoyer le corps préfectoral dans les zones CNO que si un minimum de sécurité y était garanti pour lui. Depuis, Soro, qui appelait pourtant Tagro «grand frère» par le passé, aurait pris ses distances. L’attitude du Premier ministre est contre-productive pour la paix. Il est celui qui conduit le processus de sortie de crise sous l’autorité du président de la République, Laurent Gbagbo. Sa petite «guerre» contre son ministre de l’intérieur ne ferait que l’écarter de l’essentiel : assurer une transparence et conférer une crédibilité aux élections présidentielles prochaines. Or son mutisme encourageant sur les menaces du RHDP qui réclame la tête du ministre Tagro ne sert pas la cause de la Côte d’Ivoire. Et puis, “liquider” le ministre de l’intérieur peut-il cacher la fraude massive constatée à la CEI ?

Serge Armand Didi
sardidi@yahoo.fr
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