La production du cacao ne cesse de chuter. Même si cette situation a une incidence positive sur le niveau de la rémunération bord champ, l’on note que les réformes n’ont pas permis d’inverser la tendance.
Le chocolat ivoirien fond. Après l’excès d’optimisme, c’est l’heure des réalités crues : tous les indicateurs virent au rouge. La production de cacao plonge et continuera sa course dans les profondeurs abyssales encore pendant longtemps. En tout cas, les statistiques révèlent une chute bien plus forte que prévu : 25 % sur l’ensemble de la campagne. De 1,2 million de tonnes, le volume de fèves a dégringolé à 800.000 tonnes. La pire baisse annuelle jamais enregistrée. Autant dire que l’Etat ne peut plus se cacher la pénible vérité d’autant que, jour après jour, les chiffres confirment que l’économie cacaoyère est en ruine. «Cela montre que le moteur économique du pays est en panne et que le secteur s’effondre», tente d’expliquer le négociant Bittar Sorian. «Avec un tel niveau de chute, le cacao, symbole jusque-là du boom de l’économie ivoirienne, perd du terrain», ajoute-t-il. Les derniers développements confirment la profondeur de la crise de production et surtout son caractère systémique. Le président du groupe de la mondiale suggère, certes avec la diplomatie qui gouverne sa fonction-que l’exemple ghanéenne serve de boussole aux dirigeants ivoiriens. «Nous constatons que le système de votre voisin, le Ghana, marche relativement bien. C’est un bel indicateur », a insisté Robert Zoellick au terme de sa visite de travail à Abidjan, craignant que la Côte d’Ivoire perde sa place au profit des Asiatiques. «Votre équipe s’appelle les Eléphants mais il n’y a plus d’éléphants. Il risque d’en être de même pour le cacao », a-t-il pronostiqué. Aussi, dans la boucle du cacao à Soubré, les coopératives ont fonctionné en demi-teinte. «Nous n’aurons pas notre niveau de production. La campagne est morose », souligne Saturnin Onébo, président de coopérative. A San-Pedro également, principal port d’exportation du cacao, la campagne n’a duré que deux mois. A Duékoué, les producteurs de café et cacao vitupèrent contre les retards dans les financements des coopératives et le manque de sacs. «Tous les planteurs critiquent le fonctionnement du comité de gestion», dénonce Kla Bernabé, président de la Coopérative agricole Dibanké, ajoutant que les paysans sont déprimés. «Nous devons renforcer davantage la qualité pour maintenir nos revenus malgré la baisse tendancielle de la récolte que toutes les études sérieuses corroborent», se défend le président du Comité de gestion de la filière café-cacao, Gilbert Ano. «Notre verger a souffert de la grave crise. Les maladies végétales diverses ne l’ont pas épargné », dit-il, en référence à la maladie de la pourriture brune appelée aussi “swollen shoot” qui s’attaque aux cacaoyers. Mais pour les planteurs, le problème est essentiellement lié à la paralysie du crédit aux coopératives. Selon Prosper Nogbou, membre de la Coopérative agricole Anouanzé d’Aboisso, le manque de financement réduit progressivement l’activité économique au niveau du cacao. Selon Etienne Edjolohi, éditorialiste au magazine de la filière café-cacao (Le Planteur), la problématique se pose en termes de mise à disposition des intrants. «Les produits phytosanitaires coûtent excessivement cher surtout pour des paysans dont le revenu à l’exploitation est largement inférieur au coût de production», peste-t-il.
Ça ne va pas !
Les «experts» sont inquiets. Ils semblent ne plus avoir de modèle alternatif. Ils discutent des divers scénarios mais aucun des experts n’envisage de sortie de tunnel. «Nous essayons mais c’est le statu quo », lance un acteur boursier. Les pouvoirs publics se perdent dans les promesses. «Nous allons réduire le niveau de la parafiscalité notamment le droit unique de sortie », laisse entendre le ministre de l’Agriculture, Amadou Gon Coulibaly. Cette promesse faite l’année dernière tarde à se dessiner. Le système semble avoir atteint ses limites. Les coopératives multiplient les appels du pied pour exiger une aide massive en vue de relancer la production, en regrettant que les financements du comité de gestion ne soient pas à la hauteur des enjeux. «Ne comptez pas sur nous pour donner de l’argent aux coopératives. Les banques sont là pour cela », rétorque, avec fermeté M. Ano. Conséquences, on assiste à la chute des exportations et des milliers de planteurs abandonnent ou migrent vers d’autres spéculations. Les exportations ont baissé de 12,2 % en novembre et de 16,8 % en décembre selon les chiffres de douanes. Mais avec les effets de la spéculation, les prix bord champ enregistrent un net frémissement. Ils culminent parfois à 1.000 Fcfa, dans l’Indénié notamment. Dans ces conditions, l’économie cacaoyère pourra-t-elle continuer à représenter une locomotive pour relancer l’économie nationale, un moteur alternatif ? «Rien ne l’indique pour le moment», Wilfried Azia, un ancien de la Caisse de stabilisation. La contraction du crédit, les problèmes budgétaires amenuisent, en effet, les capacités des producteurs. Par ailleurs, les réponses gouvernementales se déclinent en termes de moyen et long termes. Or, la crise, elle, exige des réponses immédiates, voire urgentes. Les dirigeants de la structure administrative de la filière Ano promettent la mise en place d’une organisation spécifique, avec les producteurs de chaque zone, les ministères techniques et du Bureau national d’étude technique et de développement (Bnetd) afin d’assurer une présence permanente dans l’exécution du programme sur les 15.200 km de pistes cacaoyères.
Lanciné Bakayoko
Le chocolat ivoirien fond. Après l’excès d’optimisme, c’est l’heure des réalités crues : tous les indicateurs virent au rouge. La production de cacao plonge et continuera sa course dans les profondeurs abyssales encore pendant longtemps. En tout cas, les statistiques révèlent une chute bien plus forte que prévu : 25 % sur l’ensemble de la campagne. De 1,2 million de tonnes, le volume de fèves a dégringolé à 800.000 tonnes. La pire baisse annuelle jamais enregistrée. Autant dire que l’Etat ne peut plus se cacher la pénible vérité d’autant que, jour après jour, les chiffres confirment que l’économie cacaoyère est en ruine. «Cela montre que le moteur économique du pays est en panne et que le secteur s’effondre», tente d’expliquer le négociant Bittar Sorian. «Avec un tel niveau de chute, le cacao, symbole jusque-là du boom de l’économie ivoirienne, perd du terrain», ajoute-t-il. Les derniers développements confirment la profondeur de la crise de production et surtout son caractère systémique. Le président du groupe de la mondiale suggère, certes avec la diplomatie qui gouverne sa fonction-que l’exemple ghanéenne serve de boussole aux dirigeants ivoiriens. «Nous constatons que le système de votre voisin, le Ghana, marche relativement bien. C’est un bel indicateur », a insisté Robert Zoellick au terme de sa visite de travail à Abidjan, craignant que la Côte d’Ivoire perde sa place au profit des Asiatiques. «Votre équipe s’appelle les Eléphants mais il n’y a plus d’éléphants. Il risque d’en être de même pour le cacao », a-t-il pronostiqué. Aussi, dans la boucle du cacao à Soubré, les coopératives ont fonctionné en demi-teinte. «Nous n’aurons pas notre niveau de production. La campagne est morose », souligne Saturnin Onébo, président de coopérative. A San-Pedro également, principal port d’exportation du cacao, la campagne n’a duré que deux mois. A Duékoué, les producteurs de café et cacao vitupèrent contre les retards dans les financements des coopératives et le manque de sacs. «Tous les planteurs critiquent le fonctionnement du comité de gestion», dénonce Kla Bernabé, président de la Coopérative agricole Dibanké, ajoutant que les paysans sont déprimés. «Nous devons renforcer davantage la qualité pour maintenir nos revenus malgré la baisse tendancielle de la récolte que toutes les études sérieuses corroborent», se défend le président du Comité de gestion de la filière café-cacao, Gilbert Ano. «Notre verger a souffert de la grave crise. Les maladies végétales diverses ne l’ont pas épargné », dit-il, en référence à la maladie de la pourriture brune appelée aussi “swollen shoot” qui s’attaque aux cacaoyers. Mais pour les planteurs, le problème est essentiellement lié à la paralysie du crédit aux coopératives. Selon Prosper Nogbou, membre de la Coopérative agricole Anouanzé d’Aboisso, le manque de financement réduit progressivement l’activité économique au niveau du cacao. Selon Etienne Edjolohi, éditorialiste au magazine de la filière café-cacao (Le Planteur), la problématique se pose en termes de mise à disposition des intrants. «Les produits phytosanitaires coûtent excessivement cher surtout pour des paysans dont le revenu à l’exploitation est largement inférieur au coût de production», peste-t-il.
Ça ne va pas !
Les «experts» sont inquiets. Ils semblent ne plus avoir de modèle alternatif. Ils discutent des divers scénarios mais aucun des experts n’envisage de sortie de tunnel. «Nous essayons mais c’est le statu quo », lance un acteur boursier. Les pouvoirs publics se perdent dans les promesses. «Nous allons réduire le niveau de la parafiscalité notamment le droit unique de sortie », laisse entendre le ministre de l’Agriculture, Amadou Gon Coulibaly. Cette promesse faite l’année dernière tarde à se dessiner. Le système semble avoir atteint ses limites. Les coopératives multiplient les appels du pied pour exiger une aide massive en vue de relancer la production, en regrettant que les financements du comité de gestion ne soient pas à la hauteur des enjeux. «Ne comptez pas sur nous pour donner de l’argent aux coopératives. Les banques sont là pour cela », rétorque, avec fermeté M. Ano. Conséquences, on assiste à la chute des exportations et des milliers de planteurs abandonnent ou migrent vers d’autres spéculations. Les exportations ont baissé de 12,2 % en novembre et de 16,8 % en décembre selon les chiffres de douanes. Mais avec les effets de la spéculation, les prix bord champ enregistrent un net frémissement. Ils culminent parfois à 1.000 Fcfa, dans l’Indénié notamment. Dans ces conditions, l’économie cacaoyère pourra-t-elle continuer à représenter une locomotive pour relancer l’économie nationale, un moteur alternatif ? «Rien ne l’indique pour le moment», Wilfried Azia, un ancien de la Caisse de stabilisation. La contraction du crédit, les problèmes budgétaires amenuisent, en effet, les capacités des producteurs. Par ailleurs, les réponses gouvernementales se déclinent en termes de moyen et long termes. Or, la crise, elle, exige des réponses immédiates, voire urgentes. Les dirigeants de la structure administrative de la filière Ano promettent la mise en place d’une organisation spécifique, avec les producteurs de chaque zone, les ministères techniques et du Bureau national d’étude technique et de développement (Bnetd) afin d’assurer une présence permanente dans l’exécution du programme sur les 15.200 km de pistes cacaoyères.
Lanciné Bakayoko