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Société Publié le vendredi 19 février 2010 | Nuit & Jour

SOS Femme en Détresse

Un jour, pendant que je prenais ma douche, mon esprit a été vivement éclairé par l’idée de créer une ONG pour soutenir et défendre toutes les femmes en situation de profonde désespérance, et dont la vie est saccagée par les conséquences ravageuses du concubinage.
Tout est en fait parti de mon expérience personnelle du concubinage. J’ai rencontré mon homme quand j’avais juste vingt ans. J’étais une très belle jeune fille, sans histoire. A cette époque, j’étais élève. Très vite, il a voulu que nous nous mettions en ménage. Il s’est soumis à toutes les cérémonies traditionnelles et notre vie commune a ainsi débuté. Nous étions en 1978. Avec cet homme, j’ai eu quatre grossesses, mais un seul enfant est né de cette union qui a quand même duré 21 ans. J’ai eu alors une grossesse à risque. Pour me sauver la vie, il fallait m’enlever les trompes et l’utérus. Je n’avais que 31 ans. C’est de là que sont arrivés tous mes malheurs. Mon homme a commencé à changer d’attitude ; il découchait, il avait des compagnes dehors avec qui, il faisait ses enfants. Tous les vendredis, il me faisait croire qu’il partait en voyage, alors qu’il était à Abidjan. Cela a duré des années, avant que je ne découvre la vérité. Que pouvais-je faire ? Je n’avais plus ni trompe ni utérus ; incapable de procréer, j’étais devenue stérile parce que je voulais à tout prix donner des enfants à l’homme que j’aimais. Je me sentais frustrée, blessée et humiliée, par ses agissements, mais j’étais impuissante. Avec le petit commerce que je faisais, (je vendais du pain avec des condiments) je l’aidais beaucoup dans les charges domestiques et même pour la maison que nous avons fini par acquérir. Mais en le faisant, j’étais sincère. Je ne prenais aucune disposition particulière. Je n’avais pas pensé qu’il m’abandonnerait pour une autre. Quelques années plus tard, les langues se sont déliées et j’ai su qu’il avait eu des enfants et qu’il s’était bâti une vie en dehors de celle que nous avions. Il s’était pris une maison, et discrètement, il a fait son déménagement. Chaque fois qu’il disait qu’il allait en voyage, il se chargeait de deux sacs qu’il ramenait totalement vidés de leur contenu. Il a procédé ainsi jusqu’à ce qu’il ne lui reste rien d’important dans la maison. A l’abri, il a donc décidé de vendre la maison dans laquelle nous vivions, puis est parti définitivement. En fait, la situation entre nous s’est envenimée lorsque j’ai découvert l’existence des enfants qu’il avait eus dehors. Pour mettre fin au calvaire que je vivais, je lui ai proposé de les faire venir à la maison. Mais cela était assorti de quelques conditions. Il m’avait quand même dotée, et en tant que tel, la tradition me confère quelques droits dans mon foyer. J’ai exigé la somme de 300 mille francs, en guise de dédommagement, pour m’avoir fait trois enfants dans le dos, alors que j’avais été privée de ce privilège par sa faute. Je pense même qu’à côté du préjudice subi, 300 mille francs, c’est dérisoire. Cependant, il n’était pas obligé de me donner la totalité du montant exigé. Avec l’intervention des parents, il pouvait présenter ne serait-ce que 10.000 F, que les différentes familles accompagneraient de quelques phrases apaisantes et le tour était joué. Mais par méchanceté, et comme il avait déjà planifié de m’abandonner, il n’a pas envisagé cette perspective. Il a été catégorique et ferme sur sa position. A mon tour, j’ai durcis le ton, enfermant la porte à ses enfants. C’est alors qu’il est parti progressivement, en vendant la maison à mon insu. Un jour, un Huissier de justice a débarqué. C’est ainsi que je compris le gros engrenage dans lequel je m’étais fait prendre. Après 21 ans de vie commune, délestée de mes attributs de femme procréatrice, sans ressource financière, me voici menacée de me retrouver à la rue avec mes enfants. Bouleversée, j’ai décidé de me ressaisir très rapidement. Je me suis donc rendue à la SICOGI pour faire opposition à la vente. Très vite, l’affaire a pris une tournure sérieuse et dangereuse. Dans son désir de vengeance devant ce qu’il considérait comme de la prétention de ma part, il saisit les tribunaux, afin de me sortir de la maison. Je ne pouvais en aucun cas me laisser faire aussi facilement au prétexte que je n’étais pas légalement mariée. Cette maison m’appartient autant qu’a lui. Je devais donc me battre pour préserver le peu qui me restait. Lorsque j’ai reçu la première assignation, je me suis tournée vers une amie et sœur, dont le mari est Avocat. C’est lui qui m’a redonné espoir. Certes, je n’étais pas mariée légalement, mais un bon Avocat pouvait me tirer d’affaire, a-t-il dit. Mais cela allait me revenir cher. Au départ, je pensais que les choses iraient vite et simplement. Quand je me suis engagée dans la bataille, j’y ai tout laissé. J’ai vendu pagnes et bijoux, appareils électroménagers et ustensiles de cuisine pour payer l’Avocat qui me défendait. Mon amie et sœur, elle-même ne pouvait pas rester indifférente à mon désarroi. Elle aussi a vendu des bijoux précieux pour que son mari me défende. Après plus d’une année d’un combat acharné, jalonné de six assignations à comparaître, le Juge s’est finalement déclaré incompétent à trancher. Les hommes de loi ont fait valoir la notion de ‘’la société de fait’’, qui signifie que, pour avoir vécu ensemble, nous sommes supposés avoir acquis des biens ensemble. C’est cela qui a milité en ma faveur. Pourtant, au départ, on me brandissait spontanément le fait que je ne sois pas une épouse légitime. J’ai subi toute sorte d’humiliations et de frustrations, et cela m’a donnée l’idée de créer une structure pour soutenir, aider et orienter toutes les femmes qui se trouveront dans la même situation. Parce que sans soutien, c’est dramatique d’avoir à dos un homme qui vous voue une haine que vous ne comprenez pas, qui cherche désespérément à vous nuire, et de savoir qu’aucune loi n’est prévue pour vous défendre, juste parce que vous n’êtes pas légalement mariée. Ce qui me peine le plus, c’est que depuis la création de cette ONG dénommée Femme en Détresse’’, nous rencontrons des Femmes qui vivent un drame terrible après avoir été abandonnées par un conjoint sans cœur, ou même qui vivent sous le toit du conjoint avec un traitement inhumain. Mais, lorsque vous leur tendez la main, leur première réaction, c’est de protéger l’homme, sous prétexte que c’est le père de leurs enfants. Ce qui rend difficile le combat. Il y en a par contre qui sont déterminées et qui n’hésitent pas à suivre les conseils que nous leur prodiguons. Il est arrivé que nous réussissions à réconcilier des couples au bord de la séparation. Depuis que j’ai été abandonnée, en 1999, j’ai entrepris un commerce qui me permet aujourd’hui d’être à l’abri du besoin et même de venir en aide à ces femmes démunies. Aujourd’hui, j’ai une ardoise à la maternité d’Abobo, où j’ai été contactée pour aidée des femmes abandonnées avec une grossesse. Les cas sont légions et nous ne pouvons pas tous les citer ici. Ce qui serait souhaitable, c’est que le législateur prenne en compte le cas des femmes vivant en concubinage, car elles sont nombreuses, et les lois se prennent surtout pour protéger le grand nombre. Aujourd’hui, nous n’avons qu’un objectif, c’est de faire en sorte que le concubinage ne soit pas une source de désespoir pour les femmes et leurs enfants. Car en général, quand l’homme vous abandonne, il ignore les enfants. Et les choses deviennent plus compliquées. Pour mes sœurs dont le cœur a été brisé par la désillusion que sert le concubinage je mène ce combat sans relâche avec les membres de mon bureau. C’est pourquoi je voudrais que la journée du 8 mars dite ‘’journée internationale de la femme’’ connaisse un regain de considération. Ce jour-là, nous avons décidé de rendre visite à nos sœurs incarcérées à la MACA. Nous leur offrirons un peu de joie, avec notre cœur et tout l’amour dont nous sommes capables. Sachez en effet que, très souvent, une femme incarcérée est abandonnée par son conjoint. Pourtant, la femme est prête à décrocher la lune pour l’homme qu’elle aime, même quand rien ne va. Elle espère contre toute espérance. A ces femmes qui sont privées doublement de joie, nous rendrons visite, afin qu’elles sachent que l’espoir est encore permis. Et la journée prendra fin avec une conférence qui sera prononcée par le Dr Boga Sacko Gervais, Président de l’Association pour la Promotion des Droits de l’Homme. C’est l’ange que Dieu a envoyé pour nous aider à mener ce combat plein d’embûches. C’est pourquoi je demande à Madame le Ministre de la Famille et de la Femme de répondre aux cris de désespoir de ses sœurs en détresse. J’ai suivi avec un intérêt particulier cette rubrique que vous animez depuis un certain temps dans vos colonnes. Chaque vendredi, j’espère rencontrer un article qui dit qu’elle a réagi face à tel ou tel cas de femme abusivement répudiée, jetée dehors avec ses 17 enfants, ou frappée à la machette. Mais rien. Il faut qu’elle se souvienne que malgré son rang social, elle demeure une femme, et qu’elle n’est pas du tout à l’abri de se que vivent les autres femmes dans leur foyer. Si elle se trouve à ce niveau de responsabilité, il faut qu’elle se batte véritablement pour les femmes. Elle peut proposer un projet de loi sur le concubinage afin qu’une jurisprudence soit prise qui ordonne le dédommagement systématique d’une femme qui a vécu entre 5 et 10 années de concubinage, et qui se trouve répudiée par son conjoint. Je sais que quelque chose peut être fait. C’est une question de volonté. Si, avec les maigres moyens que nous avons, nous réussissons à soulager quelques femmes (pas toutes car elles sont nombreuses), cela voudrait dire qu’au niveau du Ministère, on peut faire mieux. J’invite donc les femmes à rester à l’écoute car, le 8 mars 2010, après conférence, qui consistera à les sensibiliser sur leurs droits, nous ferons signer une pétition aux femmes, que nous introduirons à l’Assemblée Nationale parce que notre ministère ne nous entend pas gémir. Nous demandons au Président Laurent Gbagbo de trouver pour nous du temps, car nous voulons le rencontrer. Après les festivités du 8 mars que nous voulons une journée réellement et effectivement dédiée à la femme, une journée aussi importante que le Nouvel an, nous entreprendrons les démarches qu’il faut pour le rencontrer. Si l’obstacle nous semble infranchissable, il nous trouvera un matin devant sa porte.

Tiéssé Yvette
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