Qu'avaient-ils l'intention de faire avec 496 armes blanches (des sabres, des couteaux, des machettes) et 1597 cartouches de cigarettes de marques gold seal, M&J? Du trafic, du ravitaillement de quelques individus pour simple usage personnel ? Ce sont ces questions qui tourmentent la gendarmerie de Yamoussoukro, lorsqu'elle arrête au corridor de la capitale politique, le 28 janvier à 14h, un véhicule 4X4 des Nations-Unies, immatriculé UN 850. À bord, six Jordaniens, sont interpellés et conduits chez le chef du secteur S., à Yamoussoukro. Les Jordaniens ont expliqué avoir acheté les marchandises à Bonoufla (en zone CNO), parce qu'elles y étaient vendues moins cher. Ils n'avaient pas de facture. Cette arrestation crée l'embarras aussi bien dans le camp onusien qu'au niveau des autorités ivoiriennes, d'autant qu'elle est contraire aux accords entre les forces onusiennes et l'Etat. Le commissaire du gouvernement qui a diligenté une enquête pour en savoir plus sur cette affaire, a convoqué hier des responsables de l'Onuci pour une séance de travail, à son bureau. Il s'agit du général Kusi Benjamin, commandant adjoint de l'Onuci et de M. Kaiser, responsable de la cellule juridique de cette force. Pendant une demi-heure d'échanges, Ange Kessi Kouamé Bernard et le colonel Gnaolé Clément, chargée de l'enquête, ont tenté de trouver auprès de leurs invités, une explication à l'attitude du contingent jordanien arrêté. Depuis 8 ans, selon le colonel Gnaolé, c'est la première fois qu'un contingent onusien est arrêté par une force nationale, qui plus est, avec des marchandises suspectes. Et, depuis deux ans, les autorités ivoiriennes reçoivent des informations selon lesquelles, des éléments des forces impartiales se dérobent de leur mission régalienne pour se livrer à des pratiques de ce genre. L'enquêteur se demande s'il n'y a pas autre chose dans les convois de l'Onuci. Ange Kessi a affirmé à M. Kaiser et au général Kusi que c'est une atteinte à l'économie du pays, quand on se refère aux 1596 cartouches de cigarettes, et aussi une atteinte à sa sécurité, vu le nombre et la nature des armes blanches saisies. Au terme des échanges, houleux, M. Kaiser a insisté sur la production de preuves « tangibles » pouvant démontrer que ces marchandises étaient destinées à la vente ou à une utilisation autre que l'usage personnel. Selon lui, une enquête qu'ils ont eux-mêmes effectuée à leur niveau, a révélé que ces marchandises étaient destinées à la consommation personnelle. Et, selon un calcul qu'il a fait, dans le contingent jordanien, chacun devait recevoir 16 cartouches de cigarettes. « Ils fument tous », a-t-il indiqué. Le général s'est offusqué de ce que les autorités procèdent depuis cette affaire à l'arrestation arbitraire de leurs véhicules, ce qui n'est pas inclus dans les accords. Il estime, par ailleurs, que les Jordaniens adorent les sabres. « Ils m'en ont offert comme cadeau», a-t-il ajouté dans un français laborieux. Et, puisqu'ils doivent quitter le pays en mars, certains ont voulu s'offrir ces sabres pour la décoration. Toutefois, M. Kaiser et le général ont insisté sur leur esprit de coopération. « Nous ne sommes pas là pour protéger ou encourager les gens à faire des infractions », a indiqué M. Kusi. Avec la police militaire qui existe au sein de l'Onuci, M. Kaiser a proposé que les autorités ivoiriennes coopèrent avec cette police afin de bannir les malversations de leurs contingents. Cependant, le colonel Gnaolé compte poursuivre son enquête, rassembler tous les éléments et saisir le représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu en Côte d' Ivoire : M. Choi. Il y a quelques mois, un contingent de l'Onuci avait été interpellé pour avoir escorté un véhicule transportant du lait prohibé, d'une valleur de 7 millions de Fcfa.
Raphaël Tanoh