x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le jeudi 4 mars 2010 | Nord-Sud

Alain Lobognon, (Forces nouvelles) : “Certains auraient voulu voir Soro disparaître ”

L'Accord politique de Ouagadougou a été signé le 4 mars 2007 entre Forces nouvelles et le camp présidentiel. Le conseiller spécial à la Communication du Premier ministre situe ici sur les retombées de cet accord pour le règlement de la question identitaire.

Trois ans après la signature de l'accord politique de Ouagadougou, il n'y a toujours pas d'élection alors que le temps imparti était de dix mois. N'avez-vous pas le sentiment que cet accord coince sur le terrain?

Ce que je voudrais préciser comme le disait le Premier ministre dès sa prise de fonction, il faut faire le lit du fétichisme des dates. En signant cet accord, nous avons toujours dit qu'il fallait se donner une période indicative qui devait servir à mettre la pression sur les différents acteurs qui ont signé l'accord pour les amener à mettre au devant de l'accord la bonne volonté surtout l'envie de sortir de la crise. Il est vrai que certains n'hésitent pas à brandir les dix mois, mais si nous avons signé cet accord, c'était pour sortir de la crise. Quand on lit bien l'Apo, il ressort clairement que les deux parties au conflit ont décidé de se mettre ensemble pour sortir définitivement de la crise. J'avoue qu'en trois années, on aurait pu organiser ces élections. Mais, nous pensons que nous sommes au bout, tout près des élections.


Sur quoi vous basez-vous pour le soutenir ?

En signant l'accord le 4 mars 2007, on ne parlait pas de liste électorale provisoire. Ni d'affichage de la liste que les Ivoiriens pouvaient consulter. Beaucoup de progrès ont été réalisés. Nous pensons être près du but. Mais, cela nécessite qu'il y ait beaucoup de bonne volonté.


Cette volonté est-elle toujours présente ?

Au niveau des Forces nouvelles, la volonté de voir la Côte d'Ivoire sortir de la crise est affichée. Du côté également du camp présidentiel, il y a une certaine volonté de voir la crise prendre fin. Mais, n'oublions qu'il y a d'autres acteurs sur la scène. Il faut donc craindre que la volonté de sortir de la crise des uns soit mise à mal par celle des autres de voir la crise perdurer. S'agissant des Forces nouvelles, nous voulons voir la crise s'achever dans les meilleurs délais.


C'est un peu surprenant. Les Forces nouvelles et le camp présidentiel sont déterminés aller à la fin de la crise. Or, tous les partis politiques ont régulièrement appelé à l'organisation rapide des élections. N'y a-t-il pas une contradiction avec ce que vous avancez ?

Je vais clarifier mes propos. Nous avons signé un accord à deux. Cela nous a été reproché. Mais, tant que les deux parties estiment qu'il faut toujours travailler ensemble pour sortir de la crise, j'estime qu'elles ont la volonté de voir la crise prendre fin. Il se trouve que, depuis sa signature, cet accord n'a pas été dénoncé par l'une des parties.

Mais, je le répète, nous ne sommes pas les seuls acteurs sur la scène en Côte d'Ivoire. Il y a des acteurs qui auraient souhaité voir le Premier ministre disparaître, les Forces nouvelles disparaître. Certainement que ces acteurs ont des petits calculs derrière la tête. Nous ne savons pas ce qu'ils recherchent. Toujours est-il qu'il y a des personnes en Côte d'Ivoire qui ne souhaitaient pas voir l'accord signé et qui souhaitent voir la crise perdurer. Certainement pour des intérêts qui sont loin de ceux de la communauté dans son ensemble. Nous pensons que si les deux signataires continuent d'afficher la volonté qu'elles ont, on pourra sortir rapidement de la crise.


Mais, on a déjà essayé les accords internationaux, la communauté internationale. Aujourd'hui, ce sont les parties ivoiriennes qui gèrent la sortie de crise et qui ont réalisé des pas de géant. Si on sort du cadre actuel, qu'elle autre voie restera-t-il pour ces personnes qui rêvent d'autre chose ?

Quand on s'oppose à la mise en œuvre de l'Apo, il faut proposer une alternative crédible. Pour l'heure, je ne vois pas d'alternative susceptible de sortir la Côte d'ivoire de la crise en dehors de l'Apo. Cet accord a permis aux Ivoiriens de faire tomber la méfiance, de comprendre que nous n'avons qu'un seul pays, et de se dire qu'il faut privilégier la question de l'unité nationale, de l'intérêt national. Nous pensons qu'il faut se donner les moyens, plus d'énergie pour atteindre rapidement le bout du tunnel.


Dans la mise en œuvre de cet accord, il y a tout de même des défis qui restent à relever : l'unicité de caisse de l'Etat, les décrets militaires, le Centre de commandement intégré…

Il s'agit effectivement de défis. Mais, comme le dit le Premier ministre, à chaque jour suffit sa peine. Il faut toujours discuter, dans la patience. Mais, ce qui compte est que chaque défi soit relevé. Les Forces nouvelles ont eu à saluer les progrès réalisés dans le cadre de l'unicité des caisses. Avec l'administration douanière, il y a eu des progrès. De même qu'avec le guichet unique. Mais, nous disons qu'il ne faut pas croire qu'il aurait suffi de quelques jours, de quelques semaines, pour voir la situation d'avant le 19 septembre rétablie sur l'ensemble du territoire. Il faut beaucoup de persévérance. C'est ce qui nous fait dire que les défis qui restent à franchir, le seront avec l'énergie que nous connaissons au Premier ministre. Nous pensons qu'à force de discuter, de convaincre, de persévérance, nous allons y arriver. La question de l'unicité sera réglée. De même que celle du Cci qui attend les moyens pour être plus opérationnel. Il en est de même de la réunification des deux armées. Parce que la question militaire n'est pas à prendre à la légère. Il faut l'aborder avec prudence. Car, il s'agit d'hommes qui se sont affrontés hier qu'il faut mettre ensemble. Nous pensons qu'il faut faire confiance au Premier ministre et surtout aux deux états-majors qui continuent de privilégier la question de la confiance dans la résolution de la crise. C'est seulement par le dialogue et la concertation permanente qu'on pourra vaincre les animosités qui pourraient voir le jour. Il est clair que conformément à l'Apo, l'ensemble des questions pourraient être résolues avant les élections.


L'une des principales innovations de l'Apo, est l'identification basée sur la liste électorale. Au vu de ce qui se passe sur le terrain, pensez-vous que c'était le bon choix ?

Ceux qui ont négocié l'accord, ont estimé que c'était la meilleure façon d'aller rapidement aux élections. Il fallait procéder à l'identification des Ivoiriens en privilégiant la liste électorale. Il est vrai que ceux qui n'étaient à Ouagadougou en ont fait une lecture, pourquoi pas une exploitation qui a mis à mal le processus à un moment donné. Mais, si nous avons une liste électorale crédible, nous aurons réglé le problème de la Côte d'Ivoire. Car, quoiqu'on dise, la crise actuelle est partie d'élections mal organisées. Elections pour lesquelles des candidats avaient été écartés. Et, on a vu que tout le monde n'a pas pris part à ces élections. Or, ce que l'accord de Ouagadougou recherchait, c'était de résoudre et la question de la participation de tous les candidats et celle de tous les électeurs. Ne pas exclure un seul électeur, ne pas exclure un seul candidat. Si bien qu' en demandant aux Ivoiriens de s'inscrire sur la liste électorale, on voulait permettre à ceux qui veulent être candidat d'avoir la carte nationale d'identité et à ceux qui veulent voter d'avoir la carte nationale d'identité. Il s'agissait donc d'avoir des citoyens traités sur une base égalitaire. A savoir : un citoyen, une carte nationale d'identité et une carte d'électeur. Si le processus avait été bien conduit par ceux qui en avaient la responsabilité, je pense que nous n'aurions pas eu ces problèmes, tous ces retards que nous avons accusés depuis plusieurs semaines.


A quels niveaux situez-vous ces défaillances ?

Cela est dû à une question de management du projet. L'accord aurait pu identifier, pourquoi pas le Premier ministre, pour lui confier la responsabilité de la conduite de ce projet. L'accord a identifié la Commission électorale indépendante comme étant chargée de la conduite de ce projet d'identification basée sur la liste électorale. Malheureusement, les interprétations ont fait que le Premier ministre s'est mis à l'écart, estimant qu'il faut respecter l'indépendance que revendiquait toujours la Cei. Cette commission était très jalouse de son indépendance et a tout mis en œuvre pour que le cabinet du Premier ministre lui laisse le temps de conduire le processus. Allez-y comprendre quelque chose. Une institution n'a pas signé un accord. Vouloir interpréter la lettre alors qu'il y a l'esprit de l'accord était la porte à ne pas franchir. Malheureusement, on l'a fait.


Les signataires de l'Apo ne sont-ils pas aussi responsables de ces dérapages ?

Ils peuvent être responsables. Parce qu'à un certain moment ils se sont dit que s'ils ont en face une commission qui revendique son indépendance, il serait fâcheux de vouloir lui imposer des règles de conduite. On l'a essayé, mais sans succès. Aujourd'hui que ça a capoté, il faut reprendre les choses en main pour permettre à la Côte d'Ivoire d'avancer.


La Commission nationale de supervision des élections aurait pu avoir un œil sur tout cela.
Je peux dire aujourd'hui que toutes les structures à qui l'Apo a ouvert des fenêtres, n'ont pas été à la hauteur. Il faut avoir le courage de le dire.
Chaque structure n'a pas joué le rôle qu'elle aurait dû pour permettre à la Côte d'Ivoire d'éviter de nouvelles crises surtout sur la question identitaire. Parce qu'on est passé des suspicions autour de la nationalité des uns et des autres à l'affrontement ouvert. Pour la simple raison que les structures n'ont pas été à la hauteur des espoirs placés en elles.


Permettre à chaque Ivoirien de pouvoir être candidat et permettre à tous les Ivoiriens d'être électeurs. Le premier pas est franchi. Mais, il reste des difficultés sur le deuxième notamment avec le contentieux. On a noté la remise en cause de certaines avancées. Des personnes régulièrement inscrites sur la liste de 2000 se voient contestées. Comment les Forces nouvelles peuvent-elles accepter cela en tant que signataires de l'Apo ?

Les Forces nouvelles n'ont pas accepté ces dérives. Nous avons dit au cours de notre conclave du 31 janvier 2010 qu'il y avait des menaces à prendre au sérieux. Nous avons estimé que la question du contentieux n'a pas été bien abordée parce que la structure compétente pour conduire le processus a travaillé sans garde-fou. Je veux parler de tous les modes opératoires qui auraient dû réguler cette phase du contentieux. Les responsables de la Cei ont annoncé ces modes opératoires, mais on n'a rien vu sur le terrain. A la fin, des accusations sont venues de partout et on est resté dans le flou. Si chacun avait joué sa partition, on n'en serait pas arrivé à un contentieux où il y a eu mort d'hommes.

Nous estimons qu'il faut rattraper les choses. Parce que quand vous avez des acteurs qui interprètent à leur façon les textes de loi alors qu'il aurait fallu les appliquer, sans arrière pensée politique, le risque est énorme de voir des crises survenir.

Je prends le cas des radiations. Au cours de cette période de contestation, j'ai pu enregistrer quelques cas qui parlent d'eux-mêmes. Nous avons vu dans un journal des personnes qui auraient été radiées de la liste électorale provisoire. Mais, on s'est rendu vite compte que ces personnes ne figuraient pas sur la liste des 5.300.000. J'ai le cas d'un monsieur qui a été identifié par le système comme figurant dans la base de données des personnes étrangères. Et, ce monsieur a été radié de la liste par un juge. Je dis radié entre griffes parce que ce juge aurait dû comprendre qu'il ne peut pas radier une personne qui ne figure pas sur la liste électorale provisoire.


Il s'agit donc parfois de personnes qui étaient sur la liste des 49.000 étrangers…
Oui. Quel est ce juge qui interprète une loi qui est pourtant très claire ?

Je prends aussi le cas d'une dame qui a été radiée par le juge alors qu'elle avait été identifiée par le système comme ne figurant ni sur la liste des Ivoiriens ni sur celle des étrangers. Donc, cette femme qui était sur la liste des 1.033.000 devait venir justifier qu'elle est Ivoirienne. Mais ce juge-là s'est payé le luxe de la radier de la liste. Ce sont-là des éléments qui peuvent amener les Ivoiriens à se dresser les uns contre les autres.

Pour avoir été à Ouagadougou, il a été clairement dit que tous ceux qui ont pris part au vote en 2000, donc figurant sur la liste électorale de 2000, ceux-là sont de facto, Ivoiriens. Donc, si une de ces personnes s'est présentée à l'enrôlement et qu'elle figure sur la liste des 5.300.000, on ne peut pas, au motif que son ancêtre est Indien, proclamer que cette personne a volé la nationalité ivoirienne. Les parties prenantes à l'Apo se sont accordées pour dire que ces personnes ont pris part aux élections référendaire, présidentielle, législatives, municipales et des conseils généraux. Dons, elles sont Ivoiriennes. Mais, on a trouvé des juges, on ne sait d'où ils viennent, qui ont pris la décision de radier des personnes qui figuraient sur la liste de 2000. Avouons que c'est gros. Heureusement que le chef du gouvernement et le chef de l'Etat se sont accordés pour arrêter la saignée. Nous espérons qu'un nouveau mode opératoire permettra de relancer cette opération pour éviter de retirer de la liste électorale des gens qui ont le droit d'y figurer et pour éviter également de laisser sur la liste des gens qui auraient pu prendre de vrais documents pour y figurer. Il y a eu des tentatives de fraude. Le système a pu arrêter lui-même certains cas au cours du croisement. Mais, avouons que certaines personnes ont pu passer. Ce qui est attendu, c'est que si vous estimez que quelqu'un ne doit pas figurer sur la liste, vous en apportiez la preuve. C'est ce qui est conforme à la loi. Donc, il ne faudrait pas passer par des procédures illégales pour radier de la liste électorale des gens qui ont le droit d'y être.


Comment rattraper toutes ces dérives?

Nous avons toujours dit qu'il ne faut pas laisser la Cei faire seule ce travail. Nous pensons que le gouvernement qui a la responsabilité de la stabilité de l'Etat, doit s'impliquer. Cette fois-ci, il doit aller jusqu'au bout et mettre tous les acteurs d'accord autour des différents modes opératoires pour éviter les dérives que nous avons constatées ces derniers jours.


Les comités de suivi mis en place par le Premier ministre vont-ils continuer à fonctionner ?

Ces comités ont terminé leur travail. Ils ont été chargés de vérifier le travail fait par les commissions électorales locales de la Cei. Ils ont validé certains dossiers et en ont invalidé d'autres. Il reste maintenant au gouvernement, à travers le groupe de travail dit d'Identification, à se prononcer sur les résultats de ces comités. Une fois qu'ils seront validés par le groupe de travail, ces résultats seront ajoutés aux 5.300.000 pour consolider la liste définitive.


Quelle sera la place du gouvernement dans le contentieux judiciaire, entre la Cei et les juges ?

Il y a urgence de baliser ce contentieux. Il s'agit, sur la base des textes qui existent, de prendre des modes opératoires pour baliser le travail des juges.


Quand seront distribuées les cartes nationales d'identité ?

Selon l'Apo, il faut d'abord s'accorder sur la liste électorale. Le gouvernement adoptera alors cette liste électorale définitive par décret pris en Conseil des ministres. Ce qui donnera droit à la production des cartes, à leur édition et donc à leur distribution. La logique voudrait que, dès l'adoption de la liste, chaque Ivoirien ait en sa possession sa carte d'identité et sa carte d'électeur. Parce que la loi qui régule le processus a prévu que l'Ivoirien puisse voter avec l'une ou l'autre des cartes. Il suffit d'être sur la liste électorale définitive. Il faut préciser que ceux qui ont perdu le droit de vote et les naturalisés qui n'auraient pas épuisé leur période de stage auront leur carte d'identité mais ne seront pas sur la liste définitive.

Interview réalisée par Kesy B. Jacob
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ