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Société Publié le lundi 8 mars 2010 | Nord-Sud

Maître Moloko Léontine (secrétaire générale de l`Association des femmes juristes deCôte d`Ivoire (Afjci)) :“Le combat que nous menons pour les hommes”

Maître Moloko Léontine, secrétaire générale de l'Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (Afjci) fait le bilan de la lutte pour les droits de la femme, à l'occasion de la célébration de la 33ème journée internationale de la femme, aujourd'hui.

Les droits de la femme sont-ils respectés en Côte d'Ivoire ?
La constitution confère les mêmes droits aux femmes et aux hommes. Mais, souvent du fait de l'ignorance ou de l'analphabétisme, la population ignore ces droits et la femme en particulier. Cela, parce qu'elle est moins lettrée. Sur les 70% d'analphabètes, les femmes sont les plus nombreuses. Les conventions internationales ont mis en place certains instruments juridiques en faveur des femmes mais, elles l'ignorent.

Pouvez-vous citer quelques exemples de droits ignorés par les femmes?
La femme a le droit à l'éducation comme l'homme. C'est pourquoi il faut mettre l'accent sur la scolarisation de la petite fille. La loi lui confère cela. Or, dans les villages, on préfère n'envoyer que les petits garçons à l'école. Les villageois estiment que la fille est bien pour les travaux ménagers. Les femmes ont le droit à la santé, le droit à un environnement sain, elles ont aussi le droit au travail. Les femmes ont les mêmes droits que les hommes, mais, il s'agit de les faire valoir. Parce que dans les faits, il y a une inégalité. A diplôme égal, salaire égal. Mais, en Côte d'Ivoire, la femme est victime de discrimination à l'embauche. Son salaire est très souvent moins élevé que celui de l'homme pour le même travail. Dans l'article 58 de la loi sur le mariage par exemple, l'homme est le chef de famille. De cela découle beaucoup d'implications. La part d'impôt que l'homme paye à cause de sa qualité de chef de famille, est réduite par rapport à la part d'impôt que paye la femme. C'est une mesure discriminatoire.

Quels sont les cas les plus récurrents de violation des droits de la femme ?
En matière de droit de la famille, dans la loi ivoirienne, quand la femme est surprise avec un homme, une seule fois, elle est accusée d'enfreindre le devoir de fidélité. Mais, quand il s'agit de l'homme, il faut qu'il soit surpris dans le lit conjugal avec la même partenaire plusieurs fois. C'est trop demander à la femme comme preuve pour démontrer que son mari a commis l'adultère. Souvent, les femmes viennent se plaindre de ce que leurs maris sortent régulièrement, ou découchent. Mais, il est difficile, pour elles, de prouver l'adultère de ces derniers. Par contre, il y a des droits qui sont souvent respectés. Comme la femme enceinte qui ne doit pas être licenciée.

Que faites vous pour que les femmes ne soient plus victimes de discriminations?
Les femmes de Côte d'Ivoire, à travers les différentes organisations féminines, ont fait des propositions de réformes afin que l'Etat en tienne compte. Nous sommes dans un village planétaire où tout le monde reconnaît que nous avons tous les mêmes droits. C'est pourquoi nous luttons pour atteindre cette égalité prônée au plan international. Les droits de la femme ne sont pas totalement respectés chez nous. Nous avons tenté également de corriger des dispositions discriminatoires à l'égard des hommes. Au niveau de la pension de retraite, quand un salarié décède, sa veuve a droit à la pension. Mais, quand c'est une salariée qui décède, son veuf n'a pas droit à la pension. Au niveau de la Caisse nationale de prévoyance sociale, cela a été corrigé. Mais au niveau de la fonction publique la discrimination demeure. Nous voulons l'égalité et non une simple proclamation pour arranger la femme.

Que pensez-vous du thème retenu au plan national pour cette journée de la femme à savoir, « élection et promotion de l'égalité des chances » ?
Nous devons aller lentement mais sûrement vers l'égalité. Les femmes se sont impliquées dans le processus de sortie de crise. Ce thème est un appel pour que les femmes ne partent plus aux élections en tant que simples électrices, mais plutôt pour être candidates. Elles accèderont ainsi à de hauts postes de prises de décision pour améliorer leurs conditions.

Comment avez-vous accueilli la sortie récente de certains chefs du Léboutou pour protester contre la candidature de Jacqueline Oble à la présidence de la République. Ils ont estimé qu'en briguant la magistrature suprême, elle viole une règle de la coutume adjoukrou qui veut que la femme reste toujours dans son coin ?
C'est la question de la résistance socioculturelle. Dans certaines régions de la Côte d'Ivoire, la femme doit être en arrière parce qu'elle est encore considérée inférieure à l'homme. Ils n'acceptent pas le principe de l'égalité. Mais venant d'intellectuels comme ceux que nous avons vus, je pense que c'est un dérapage. Autrement, la coutume est têtue. Vous avez vu ces intellectuels. Parmi eux, certains ont même été ministres.

Croyez-vous que la loi parviendra, un jour, à braver toutes ces coutumes ?
C'est notre vœu. Et nous y croyons.

N'est-ce pas utopique ?
Si cela a été possible sous d'autres cieux, pourquoi voulez-vous que cela ne soit pas le cas ici ? Si les coutumes font blocage à l'idée d'égalité entre l'homme et la femme, si elles ne valorisent pas la femme et constituent un danger pour elle, comme l'excision par exemple, c'est sûr qu'à force de sensibilisation, les gens comprendront que ces coutumes n'ont pas de raison d'être.

Pensez-vous que l'Etat fait suffisamment d'effort pour la promotion des droits de la femme?
Le respect du quota de 30% pour la nomination à des postes de responsabilités est recommandé pour amener les femmes, même au sein des partis politiques, à accéder aux postes de responsabilité. En mars 2007, le président de la République s'était engagé à faire respecter ce quota. C'est un plus.

Ressentez-vous cet engagement sur le terrain ?
Non. C'est pour cela que les femmes demandent la prise d'une ordonnance par le chef de l'Etat pour matérialiser cet engagement dans la mesure où l'ordonnance a force de loi. Or, la déclaration n'est pas contraignante comme une loi.

Interview réalisée par Nesmon De Laure (stagiaire)
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