“Les grands diseurs ne sont pas de grands faiseurs ». Un adage au regard de la situation sociopolitique actuelle, qui sied à Laurent Gbagbo. L’ancien opposant à Félix Houphouët-Boigny avant sa prise du pouvoir d’Etat, était celui qui incarnait de loin, l’espoir aux yeux de tous. Le chef de l’Etat actuel savait, non seulement parler aux foules, mais surtout, il semblait avoir solution à tous les problèmes. Laurent Gbagbo estimait que les régimes successifs de Félix Houphouët-Boigny et d’Henri Konan Bédié étaient dépassés et n’étaient plus capables d’apporter le bonheur aux Ivoiriens. Il fallait l’essayer lui, Laurent Gbagbo. L’homme de la rupture. Le tribun hors pair aux idées novatrices. Les Ivoiriens, surtout les jeunes dans leur grande majorité, avaient cru en cette profession de foi. « Pourquoi ne pas essayer Laurent Gbagbo ? Il promet de libérer la parole et de diriger autrement la Côte d’Ivoire », s’interrogeaient les uns. « Il faut laisser un autre parti diriger la Côte d’Ivoire », avançaient les autres. Octobre 2000, après une succession de concours de circonstances, le président du FPI devient président de la Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens attendent enfin que les propositions « pertinentes » et les idées avant-gardistes tant assénées au cours des marches, conférences et autres meetings, soient traduites en acte. Mais dix ans après, la Côte d’Ivoire désillusionnée attend encore les lendemains meilleurs promis par les anciennes « poches de moralité ». En lieu et place de la terre promise, c’est une descente aux enfers planifiée qui leur est servie. L’usine de propositions est en faillite. Les anciens opposants font du sur place. Le guide éclairé a perdu toute clairvoyance. Assurément, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ». Le costume est trop grand pour Laurent Gbagbo et ses camarades. Les semblants de solutions proposées par le chef de l’Etat pour juguler le délestage qui pourrit depuis maintenant plus d’un mois et demi le quotidien des Ivoiriens, viennent conforter les habitants de la Côte d’Ivoire sur l’incapacité de la refondation de leur apporter le bonheur tant désiré. « Laurent Gbagbo et le FPI ont échoué en tout et partout », le dit si bien le président Bédié. Pour avoir surestimé ses capacités et sous-estimé l’exercice du pouvoir d’Etat, Laurent Gbagbo en a ajouté aux maux des Ivoiriens. Aujourd’hui, pris au piège de ses propres surenchères lorsqu’il était dans l’opposition, le FPI ne sait plus quoi avancer pour justifier son échec. Si ce n’est faire porter le chapeau aux autres. Et pourtant, avant l’avènement de la refondation, le pays d’Houphouët-Boigny présentait un visage plus reluisant que la mine défigurée qu’elle affiche aujourd’hui. Les acquis étaient indéniables. L’économie ivoirienne était de très loin la plus forte de la sous-région dans l’espace UEMOA. Le réseau routier n’avait pas son égal dans toute la sous-région. Les Ivoiriens mangeaient, malgré les vicissitudes, à leur faim. Le marché de l’emploi n’était pas aussi sinistré que maintenant. Le système sanitaire marchait tant bien que mal. L’école existait. L’excellence et la méritocratie étaient de mise. Au point qu’un enfant de pauvre pouvait, grâce à son travail et son intelligence, prétendre aux postes les plus élevés de l’Administration. Rien à voir avec la fainéantise et l’apanage du gain facile que l’on voit sous la refondation. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, pour prétendre devenir quelqu’un, il faut être issu du cercle de décision ou y avoir un « parrain ». Au demeurant, avoir le portefeuille garni pour s’assurer une place dans l’Administration ou être dans les bonnes grâces des nouveaux riches. Qu’est devenu le principe d’égalité des chances dont les anciens opposants faisaient l’apologie ? Un vœu pieux. Plus grave, aujourd’hui, c’est l’appartenance politique ou régionale qui confère la nationalité au citoyen. Selon que l’on est proche du pouvoir ou que l’on a un patronyme qui ne luise pas bien sur le miroir ivoiritaire, l’on est ivoirien ou étranger. Une situation qui a entraîné le pays dans la violence et qui sans doute, l’y plongera encore. Car apparemment, les tenants du pouvoir actuel n’ont pas encore tiré les leçons du passé. La descente aux enfers pour la Côte d’Ivoire continue. L’œuvre dantesque qu’ont concoctée Laurent Gbagbo et le FPI pour la Côte d’Ivoire n’est pas encore achevée. Il est donc temps de penser au changement que de changer indéfiniment de pansement. Au risque de compromettre définitivement et durablement le devenir de la Côte d’Ivoire. La mauvaise gestion des problèmes politiques par Laurent Gbagbo nous a conduits à la guerre. Son incompétence en matière de gestion des affaires économiques et l’insuffisance de la maîtrise des questions de développement, entraînent le pays dans le gouffre. Sous nos yeux, la Côte d’Ivoire, notre pays, se meurt. Y a-t-il un capitaine sur le navire ivoirien en perdition ? Sûrement ! Alors, vivement qu’il arrive !
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly