Après avoir reçu des dons et des messages de soutien de la part de certains de leurs frères chrétiens pendant le ramadan, les musulmans soutiennent-ils les catholiques dans le carême ? Nord-Sud Quotidien a mené une petite enquête.
Après la prière de 13 heures, cet après-midi, une forte délégation de la communauté musulmane de la Riviera, avec à sa tête l'imam Traoré Mamadou, se rend à la paroisse voisine de ''Notre dame de la tendresse'' pour offrir des vivres et une enveloppe aux catholiques. Ce geste des musulmans de la Riviera est un soutien à leurs voisins et frères chrétiens dans la pénitence du carême qui a débuté le 17 février, et qui sera couronnée le 4 avril par la Pâques. Ce type de démarche est devenu une tradition chez ces deux communautés. Pendant le mois du ramadan, les paroissiens de ''Notre dame de la tendresse'' dirigés par le père Norbert Abékan, s'étaient également rendus à la mosquée voisine les bras chargés de présents pour témoigner leur soutien aux musulmans. Ce ballet œcuménique se répète à chaque évènement musulman ou chrétien depuis 5 ans déjà. Est-ce un exemple isolé ? Non.
Une multitude de soutiens individuels
Pendant le jeûne musulman, de nombreux chrétiens ont manifesté leur soutien à leurs frères. Dons de sucre, laits et vivres divers étaient au rendez-vous. Individuellement, plusieurs musulmans témoignent avoir reçu ces présents. Koné Oumar, secrétaire général de l'association islamiste chiite d'Abobo ne dit pas autre chose : « je reconnais que des voisins catholiques m'ont apporté du sucre et du lait. Certains membres de l'association en ont reçu également d'amis chrétiens ». Dans des quartiers comme dans certaines mosquées, le rituel de don a été respecté. Il se fait de façon collective ou individuelle. Sylla Adama, un musulman qui vit à Yopougon-Niangon, dit avoir reçu plus de 10 kg de sucre de la part d'une famille chrétienne de son quartier. Pendant le carême, à la différence du ramadan, l'on entend peu parler du soutien des musulmans aux chrétiens. Ce qui laisse croire à son inexistence. Réalité ou simple vue de l'esprit ? Nous avons cherché à savoir la réalité. Une incursion, certes délicate, mais pas inopportune dans un milieu où les rapprochements peuvent apporter beaucoup à la cohésion sociale! L'exemple de la Riviera ne fait-il pas oublier nos différences confessionnelles ? Ne brise-t-il pas certains préjugés qui pourraient assimiler à un pêché, le soutien d'un croyant à un autre, d'une autre confession, dans l'accomplissement de sa foi ? L'imam Traoré va répondre. Mais, avant, faisons un tour chez les chiites d'Abobo où, selon Koné Oumar, la question du soutien à apporter aux chrétiens à l'occasion de leurs célébrations est très souvent à l'ordre du jour pendant les échanges avec les associations chrétiennes. « Le carême catholique est discret et passe sous silence. Actuellement, de nombreux musulmans ignorent même qu'il a lieu», explique-t-il. Cependant, poursuit-il, cela n'entache en rien les relations entre les deux communautés. Il en veut pour preuve, le partage de la bouillie avec les chrétiens pendant le jeûne musulman. Touré Mocktar n'est pas surpris par la question. « Ceux qui pensent que nous ne faisons rien, ont en partie raison.
Un facteur de cohésion sociale
Les dons aux chrétiens pendant leur jeûne ne sont pas encore encrés dans les mœurs de la plupart d'entre nous. Par contre, ce que nous faisons régulièrement, c'est le partage des repas pendant les fêtes musulmanes comme la tabaski ». Abiba Bemba qui fréquente la mosquée d'Angré procède, quant à elle, par des messages : « au début du carême, j'ai envoyé des sms à mes correspondants catholiques. C'est une manière pour moi de les soutenir ». D'autres témoignages révèlent des dons en espèces. Mais, quel est l'avis des chrétiens eux-mêmes ? Se sentent-ils vraiment lésés ? « On ne peut pas mentionner les appels téléphoniques que nous recevons régulièrement dans la presse. D'ailleurs, quand on offre, il ne faut rien attendre en retour », relève pour sa part Kouamé Olivier, fidèle à la paroisse ''Saint-Ambroise ma vigne'' de Angré. Le père Augustin Obrou, responsable à la communication de l'archidiocèse d'Abidjan, abonde dans le même sens. Il reconnaît que le carême catholique est discret. « Pendant le jeûne, nous restons les mêmes. Et, nous ne le faisons pas savoir aux autres. Mais, individuellement, certains amis nous appellent. Des prières sont mêmes dites dans certaines mosquées pour le bon déroulement du carême chrétien. Il n'y a pas le feu en la demeure, et nous comprenons ceux qui ne nous offrent pas du sucre ou du lait. D'ailleurs, la rupture du carême catholique est différente de celle des musulmans. Les données ne sont pas les mêmes, nous ne pouvons donc pas revendiquer les mêmes traitements ». Marie-Claire Assi, fidèle à Saint-Augustin d'Abobo-Té est dans le même état d'esprit. Néanmoins, elle souhaiterait que le soutien des musulmans soit plus visible pendant le carême. « Avec ce qui se passe entre chrétiens et musulmans au Nigéria, il serait bon que les bonnes œuvres des uns envers les autres soient mises en exergue dans notre pays. Quand les croyants chrétiens et musulmans extrémistes auront la preuve matérielle du bon dialogue entre les religions en Côte d'Ivoire, ils auront honte de s'aventurer dans un quelconque affrontement », se convainc-elle. Le père Norbert Abékan ne recevant pas de visite durant le jeûne, nous n'avons pas pu l'entendre, à nouveau, louer les rapports de bon voisinage entre sa communauté et les musulmans de la Riviera. En effet, c'est avec fierté que le célèbre prêtre du renouveau charismatique a toujours évoqué cette relation. On se souvient encore de l'émotion avec laquelle il a accueilli, en 2008, la contribution des voisins musulmans au financement des travaux d'extension de son église. Même satisfaction chez Traoré Mamadou, l'imam de la Riviera. « L'Islam encourage ce rapprochement. Tout le monde sait les bons rapports que le prophète Mohamed a eus avec les non musulmans à Médine », rappelle-t-il. Il ajoute que les relations entre musulmans et chrétiens, en général, et entre musulmans et catholiques, en particulier, sont au beau fixe en Côte d'Ivoire depuis belle lurette et s'en félicite. Quel est le point de vue de l'église catholique sur la question ? Le premier séminaire du forum catholico-musulman qui s'est tenu à Rome en novembre 2008, stipule que « catholiques et musulmans vivront de plus en plus dans des sociétés multi-culturelles et multi-religieuses. Il est essentiel qu'ils soient bien formés dans leurs propres traditions religieuses et bien informés sur les autres cultures et religions ». La Côte d'Ivoire, on peut le dire, est sur le bon chemin.
Nesmon De Laure (stagiaire)
Après la prière de 13 heures, cet après-midi, une forte délégation de la communauté musulmane de la Riviera, avec à sa tête l'imam Traoré Mamadou, se rend à la paroisse voisine de ''Notre dame de la tendresse'' pour offrir des vivres et une enveloppe aux catholiques. Ce geste des musulmans de la Riviera est un soutien à leurs voisins et frères chrétiens dans la pénitence du carême qui a débuté le 17 février, et qui sera couronnée le 4 avril par la Pâques. Ce type de démarche est devenu une tradition chez ces deux communautés. Pendant le mois du ramadan, les paroissiens de ''Notre dame de la tendresse'' dirigés par le père Norbert Abékan, s'étaient également rendus à la mosquée voisine les bras chargés de présents pour témoigner leur soutien aux musulmans. Ce ballet œcuménique se répète à chaque évènement musulman ou chrétien depuis 5 ans déjà. Est-ce un exemple isolé ? Non.
Une multitude de soutiens individuels
Pendant le jeûne musulman, de nombreux chrétiens ont manifesté leur soutien à leurs frères. Dons de sucre, laits et vivres divers étaient au rendez-vous. Individuellement, plusieurs musulmans témoignent avoir reçu ces présents. Koné Oumar, secrétaire général de l'association islamiste chiite d'Abobo ne dit pas autre chose : « je reconnais que des voisins catholiques m'ont apporté du sucre et du lait. Certains membres de l'association en ont reçu également d'amis chrétiens ». Dans des quartiers comme dans certaines mosquées, le rituel de don a été respecté. Il se fait de façon collective ou individuelle. Sylla Adama, un musulman qui vit à Yopougon-Niangon, dit avoir reçu plus de 10 kg de sucre de la part d'une famille chrétienne de son quartier. Pendant le carême, à la différence du ramadan, l'on entend peu parler du soutien des musulmans aux chrétiens. Ce qui laisse croire à son inexistence. Réalité ou simple vue de l'esprit ? Nous avons cherché à savoir la réalité. Une incursion, certes délicate, mais pas inopportune dans un milieu où les rapprochements peuvent apporter beaucoup à la cohésion sociale! L'exemple de la Riviera ne fait-il pas oublier nos différences confessionnelles ? Ne brise-t-il pas certains préjugés qui pourraient assimiler à un pêché, le soutien d'un croyant à un autre, d'une autre confession, dans l'accomplissement de sa foi ? L'imam Traoré va répondre. Mais, avant, faisons un tour chez les chiites d'Abobo où, selon Koné Oumar, la question du soutien à apporter aux chrétiens à l'occasion de leurs célébrations est très souvent à l'ordre du jour pendant les échanges avec les associations chrétiennes. « Le carême catholique est discret et passe sous silence. Actuellement, de nombreux musulmans ignorent même qu'il a lieu», explique-t-il. Cependant, poursuit-il, cela n'entache en rien les relations entre les deux communautés. Il en veut pour preuve, le partage de la bouillie avec les chrétiens pendant le jeûne musulman. Touré Mocktar n'est pas surpris par la question. « Ceux qui pensent que nous ne faisons rien, ont en partie raison.
Un facteur de cohésion sociale
Les dons aux chrétiens pendant leur jeûne ne sont pas encore encrés dans les mœurs de la plupart d'entre nous. Par contre, ce que nous faisons régulièrement, c'est le partage des repas pendant les fêtes musulmanes comme la tabaski ». Abiba Bemba qui fréquente la mosquée d'Angré procède, quant à elle, par des messages : « au début du carême, j'ai envoyé des sms à mes correspondants catholiques. C'est une manière pour moi de les soutenir ». D'autres témoignages révèlent des dons en espèces. Mais, quel est l'avis des chrétiens eux-mêmes ? Se sentent-ils vraiment lésés ? « On ne peut pas mentionner les appels téléphoniques que nous recevons régulièrement dans la presse. D'ailleurs, quand on offre, il ne faut rien attendre en retour », relève pour sa part Kouamé Olivier, fidèle à la paroisse ''Saint-Ambroise ma vigne'' de Angré. Le père Augustin Obrou, responsable à la communication de l'archidiocèse d'Abidjan, abonde dans le même sens. Il reconnaît que le carême catholique est discret. « Pendant le jeûne, nous restons les mêmes. Et, nous ne le faisons pas savoir aux autres. Mais, individuellement, certains amis nous appellent. Des prières sont mêmes dites dans certaines mosquées pour le bon déroulement du carême chrétien. Il n'y a pas le feu en la demeure, et nous comprenons ceux qui ne nous offrent pas du sucre ou du lait. D'ailleurs, la rupture du carême catholique est différente de celle des musulmans. Les données ne sont pas les mêmes, nous ne pouvons donc pas revendiquer les mêmes traitements ». Marie-Claire Assi, fidèle à Saint-Augustin d'Abobo-Té est dans le même état d'esprit. Néanmoins, elle souhaiterait que le soutien des musulmans soit plus visible pendant le carême. « Avec ce qui se passe entre chrétiens et musulmans au Nigéria, il serait bon que les bonnes œuvres des uns envers les autres soient mises en exergue dans notre pays. Quand les croyants chrétiens et musulmans extrémistes auront la preuve matérielle du bon dialogue entre les religions en Côte d'Ivoire, ils auront honte de s'aventurer dans un quelconque affrontement », se convainc-elle. Le père Norbert Abékan ne recevant pas de visite durant le jeûne, nous n'avons pas pu l'entendre, à nouveau, louer les rapports de bon voisinage entre sa communauté et les musulmans de la Riviera. En effet, c'est avec fierté que le célèbre prêtre du renouveau charismatique a toujours évoqué cette relation. On se souvient encore de l'émotion avec laquelle il a accueilli, en 2008, la contribution des voisins musulmans au financement des travaux d'extension de son église. Même satisfaction chez Traoré Mamadou, l'imam de la Riviera. « L'Islam encourage ce rapprochement. Tout le monde sait les bons rapports que le prophète Mohamed a eus avec les non musulmans à Médine », rappelle-t-il. Il ajoute que les relations entre musulmans et chrétiens, en général, et entre musulmans et catholiques, en particulier, sont au beau fixe en Côte d'Ivoire depuis belle lurette et s'en félicite. Quel est le point de vue de l'église catholique sur la question ? Le premier séminaire du forum catholico-musulman qui s'est tenu à Rome en novembre 2008, stipule que « catholiques et musulmans vivront de plus en plus dans des sociétés multi-culturelles et multi-religieuses. Il est essentiel qu'ils soient bien formés dans leurs propres traditions religieuses et bien informés sur les autres cultures et religions ». La Côte d'Ivoire, on peut le dire, est sur le bon chemin.
Nesmon De Laure (stagiaire)