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Société Publié le mardi 30 mars 2010 | Nord-Sud

Enquête-Express - Divorces en cascade : Pourquoi les jeunes se bousculent devant le juge

Plus réceptifs au mariage civil, ces dernières années, les jeunes conjoints n'hésitent plus à se séparer. Intrusion dans un monde amer !

Rompre une union conjugale est devenu la routine. Chaque vendredi matin, le tribunal du Plateau prononce au moins 6 divorces. Ce qui ramène à près de 300 cas par année. Les demandes en divorce, quant à eux, montent en épingle et prennent du volume dans les tribunaux en attendant le court normal de la procédure. Maître N'Dah Venance, greffier au tribunal de Yopougon, explique que « environ 60% des candidats au divorce sont des couples de jeunes dont l'âge varie entre 35 et 40 ans ». En l'absence d'informatisation des services, les chiffres officiels ne sont pas disponibles. Mais le constat est que le divorce est entré dans les mœurs et l'âge n'est pas un obstacle. Les jeunes s'y adonnent. Par jeune, nous entendons (arbitrairement) la tranche d'âge comprise entre 25 et 40 ans. Une observation que confortent les avis de spécialistes. Maître Jean-Jacques Allouko, avocat, qui a l'habitude des plaidoiries de divorce ne dit pas le contraire : « Nous traitons de nombreux dossiers de divorce. Nous n'avons pas de statistiques exactes, mais la majorité des cas concerne des couples de jeunes dont l'âge varie entre 30 et 40 ans. Parmi eux, certains ont moins d'une année de mariage. De façon générale, les demandes en divorce concernent toutes les tranches d'âge et d'années de mariage». On divorce à tous les âges mais les jeunes sont les plus concernés. Le technicien du droit poursuit pour dire que les jeunes femmes demandent le plus le divorce : « parmi les dossiers que nous traitons, les demandes en divorce émanent le plus des femmes ». Et pourtant, elles sont également les plus nombreuses aux portes des mairies. Les conjointes du mariage collectif organisé par la Sotra en février 2008, par exemple, avaient toutes moins de 30 ans. Entre le « oui » rapide devant le maire et le « oui » à la va-vite à la justice, des questions se posent. L'institution du mariage n'a-t-elle plus de valeur aux yeux des plus jeunes ? Le divorce n'est plus un poids ? Pourquoi les jeunes divorcent-ils le plus ? « Le divorce est une solution quand la vie commune n'est plus possible et que cette relation met en danger l'équilibre de chacun, les conjoints et les enfants », répond Patrice Aka, professeur de lycée, 35 ans, divorcé. Diomandé Gueu Charles, 40 ans, informaticien dans une grande boîte de la place, est en instance de divorce actuellement. Il accuse l'infidélité de sa femme âgée de 35 ans. « Elle est toujours à la recherche de sensations fortes. Jamais satisfaite au lit, elle plane d'homme en homme. Il est vrai que je ne l'ai pas surprise sur les faits, mais j'ai confisqué certains de ses messages compromettants et j'ai même la photo de son amant », dénonce-t-il, les sourcils froncés. N'est-ce pas l'emprise de la jalousie aveugle qui l'emporte ? Si son divorce est prononcé, pense-t-il se remarier ? « Le mariage, j'y crois toujours, mais cette femme, je ne crois plus en elle ». Martine Koffi, 26 ans commerciale à Koumassi-Remblais, est, quant à elle, rebutée par l'idée de se remarier après sa récente rupture : « Je préfère savourer les délices du divorce. Je ne veux plus avoir affaire aux belles sœurs capricieuses et à un mari violent ».

Les raisons du divorce chez les couples de jeunes s'expliquent de diverses manières. « Dans l'ancien temps, l'homme avait besoin d'une épouse pour prendre en charge ses repas, la maison, et lui assurer une descendance. En retour, l'épouse dépendait financièrement de son mari. Aujourd'hui, avec l'instruction, celle des femmes en particulier, cette inter-dépendance s'estompe.

Les tâches ménagères posent problème

Ce qui fait que les jeunes sont moins disposés à passer des compromis. Et c'est particulièrement le cas des filles pourtant plus menacées par le célibat », dixit Adama Coulibaly, entrepreneur de 39 ans, qui s'explique mal la tendance des femmes à demander les premières la rupture. Me Jean-Jacques Allouko va plus loin : « il n'y a plus de tolérance au sein des foyers. Tous les sujets sont matière à discussion, parce que les époux n'ont pas assez mis de temps pour mieux se connaître et s'apprécier. De nombreux jeunes entrent dans le mariage avec leurs habitudes comme s'ils étaient toujours célibataires. L'époux estime que c'est normal qu'il continue à prendre des pots avec ses copains, peu importe l'heure et le lieu et même le jour. Pour lui, c'est un droit naturel. Et pourtant dans cette vie à deux, il faut tenir compte de l'autre». Il arrive des cas où les conjoints ont vécu plusieurs années ensemble avant le mariage et, deux ans après s'être dit oui devant le maire, hop, ils divorcent. Selon le père Georges Scholastique, responsable de la fraternité Cana spécialisée dans le suivi des couples, c'est parce que ces jeunes ne se remettent pas en cause qu'il y a divorce. « Aux couples en difficulté, nous leur demandons de ne pas se décourager. Ils sont investis de l'espérance de Dieu. Ils doivent se remettre en cause. En général, c'est ce qu'on a du mal à faire », regrette-t-il. Maman Florence Djiré, doyenne au quartier de Port-Bouët-Phare, totalise 32 années de mariage. Elle est peut-être de la vieille école, mais son avis peut valoir son pesant d'or. Maman Florence regrette l'époque où les parents avaient le soin de choisir les compagnons de leurs enfants : « à notre temps, les parents avaient leur mot à dire dans une relation. Et par crainte d'eux, on se faisait facilement des compromis entre nous. Aujourd'hui, les jeunes parlent de plus en plus de liberté. Pour si peu, ils se fâchent et se révoltent ». Et bonjour les dégâts ! Jean-Claude Kaufmann, écrivain et sociologue du couple, analyse que jamais les ruptures conjugales n'ont été aussi nombreuses, et jamais le couple n'a été autant célébré sur l'autel. Contradiction? Nullement. « C'est justement parce que l'on attend beaucoup du couple qu'il est devenu si difficile à construire. Aujourd'hui, on ne se satisfait plus d'un demi-bonheur. Ce qui hier encore allait de soi, est désormais systématiquement remis en question ». Dans son livre intitulé « agacement », il fait le point sur les différents aspects de la vie en couple. Jean-Claude Kaufmann nous permet de connaître les mystères du fonctionnement conjugal. Amour, choix du conjoint, étapes du cycle conjugal, gestion de l'insatisfaction et des attentes réciproques, rôles féminins et masculins. Selon lui, le partage des tâches ménagères est sujet à disputes dans les foyers de jeunes. Bref, le sociologue met au grand jour les nouvelles règles de la vie à deux.

Le mariage est une institution sérieuse à préserver aussi bien pour les enfants, les conjoints eux-mêmes et la nation. C'est pourquoi la loi a prévu une audience de conciliation. Le juge, lui, n'a pas la même patience du sociologue ou même des avocats. La pile de dossiers qui l'attend, l'étouffe déjà. Aussi, les audiences de conciliation, prévues pour réconcilier les couples, durent seulement une ou deux séances. Si bien que certains ont vite fait de les taxer d'audiences de formalité. Et aux portes des tribunaux, on se sépare comme dans la célèbre chanson française : « tu partiras sur ta route, je partirai sur la mienne, chacun pour soi vers son destin».


Nesmon De Laure (stagiaire)
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