Un véritable pavé dans la mare que l’appel du président Laurent Gbagbo à son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade. En effet, au cours des festivités du cinquantenaire de ce pays, le camarade socialiste a demandé à son hôte, selon ses propres termes, de s’impliquer dans le processus de paix ivoirien, « en parlant aux uns et aux autres ». Une sortie qui a provoqué une onde de choc dans l’opinion, dans la mesure où depuis mars 2007, sous l’impulsion de Gbagbo, par le biais du « dialogue direct », le Chef de l’Etat burkinabé conduit le processus de paix, avec la signature de l’Accord de Ouaga. Faut-il entendre par la déclaration de Gbagbo, la mort de l’APO et la mise sous l’éteignoir du facilitateur ? Selon de bonnes sources, la pomme de discorde est venue de la dernière visite du numéro un ivoirien au « Pays des Hommes Intègres ». Le « seplou » de Mama aurait demandé le soutien du médiateur, pour régler à sa façon, son contentieux avec les Forces Nouvelles du Premier ministre Guillaume Soro. Une option militaire rejetée du revers de la main par Blaise Compaoré qui ne voit d’autre issue à la crise, que l’application de l’Accord politique de Ouaga. Un acte de responsabilité qui n’est pas du goût de l’ancien opposant historique. Il a donc choisi d’irriter son interlocuteur par cette ouverture au président sénégalais. La démarche n’est pas anodine et fortuite. Elle vise à effaroucher Blaise Compaoré, à la pousser à renoncer à sa médiation, pour préserver son honneur. Ce n’est un secret pour personne qu’une rivalité oppose Compaoré à Wade quant au leadership dans la région. En lorgnant vers le président Wade, Gbagbo ne cherche rien d’autre qu’à brouiller les pistes, à se camoufler, afin de refuser d’assumer la mort de l’Accord de Ouaga, dont il est pourtant l’initiateur avec « le dialogue direct ». Qu’est-ce qui peut bien pousser Gbagbo à faire appel à Wade, pour parler aux acteurs politiques ivoiriens alors que Blaise Compaoré ne fait que cela depuis près de trois ans ? Le procédé est pratiquement commode chez le candidat de la refondation. En 2005, au plus fort de la médiation Thabo Mbeki en Côte d’Ivoire, dont le clou a été la signature de l’Accord de Pretoria I, le même Laurent Gbagbo avait diligenté le ministre Aboudrahamane Sangaré à Rabat au Maroc, pour obtenir la médiation du roi Mohamed VI. En son temps, cela a failli créer un incident diplomatique entre l’Afrique du Sud et la patrie du défunt Hassan II. On sait que ces deux Etats entretiennent des relations difficiles à cause de la reconnaissance par la terre de Mandela, du Front Polisario, en lutte avec le royaume chérifien pour son indépendance. Pour sûr, Gbagbo veut remettre le couvert de la duplicité et de la ruse, dans la résolution de la crise ivoirienne. Dans sa ferme volonté de ne pas aller aux élections, il crée à intervalles réguliers de temps, de faux débats et de puériles solutions, pour retarder au maximum la tenue de la présidentielle. C’est l’objectif recherché avec les yeux doux faits au président Abdoulaye Wade, qui fait la Une des journaux bleus, qui ont subitement oublié les piques et philippiques lancées à son endroit, quand en 2003, le numéro un sénégalais a osé émettre son avis sur la traque organisée en Côte d’Ivoire contre les ressortissants de la sous- région. La politique est vraiment un métier !
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga