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Société Publié le lundi 12 avril 2010 | Le Patriote

Enquête express / Traversée des voies express - Quand les piétons choisissent de risquer leur vie

Impatience ou goût du risque. Des piétons qui choisissent librement de risquer leurs vies, en s’aventurant sur les voies express où les véhicules vont à vive allure et où aucun passage n’est prévu pour la traversée. C’est le jeu dangereux auquel se livrent beaucoup d’Abidjanais tous les jours. Notre constat.

Des cris, des regards hébétés, un attroupement autour du corps d’un jeune homme sans vie. L’homme dont nous n’avons pas eu connaissance de l’identité a été fauché par un véhicule lancé à plus de 100km/h. Projeté à plus de vingt mètres du lieu du choc, le malheureux est mort sur le coup. L’automobiliste, bouleversé et tout tremblotant, ne comprend pas pourquoi le piéton a pu se lancer à ce moment, sur une voie express. La scène tragique s’est déroulée, il y a tout juste une semaine, sur la voie express d’Abobo non loin de Coco Service. L’homme est décédé par imprudence. Parce qu’il n’a pas voulu prendre le temps de faire un simple détour jusqu’aux feux tricolores ou les passages cloutés sont aménagés pour la traversée des piétons. Malheureusement, tous les jours, ils sont nombreux les riverains qui trouvent fastidieux de marcher sur 100 m pour emprunter les passerelles et les trottoirs des échangeurs où ils peuvent traverser en toute sûreté. Hélas, l’issue du raccourci peut s’avérer fatale.

Des « raccourcis » dangereux…

A Abidjan, les points de traversée à risque que les piétons ont choisis sont nombreux. A Yopougon, on peut commencer entre autres, par le prolongement de l’autoroute du nord, au niveau d’Uniwax. En face de cette entreprise, les piétons constitués en partie par les travailleurs de cette société, qui habitent le côté opposé (Siporex, Banco 2, Port-Bouët2, Ananeraie) et par des passants qui se rendent à Andokoi s’engagent quotidiennement en courant sur cette voie, où l’on déplore bien des fois, des accidents mortels. Un peu plus loin, à l’échangeur dit « 2ème pont », les piétons prennent le même risque. Soit pour passer d’Andokoi à Gabriel Gare, soit pour emprunter les gbaka qui, en route pour Adjamé, se sont trouvé un point d’escale à l’intersection entre la voie express et la bretelle de sortie. Des risques inutiles car, à quelques pas de là, il y a la passerelle qui relie le quartier d’Andokoi à la gare, non loin de l’échangeur. Comble de la bêtise, des personnes ont même trouvé la mort en traversant sous le « pont piéton » d’Andokoi. En poursuivant notre route, on parvient à la rivière du banco, en face du sanctuaire Marial. Là, les lavandiers ou encore « fanico », qui viennent des environs, préfèrent braver la vitesse des véhicules en traversant la voie express. Alors que, de part et d’autre, il y a des échangeurs qui leur permettent de sécuriser leur traversée.

… Vers la tombe

A ce point, le décompte macabre s’exprime en dizaines de morts inutiles. Des gens victimes de leur propre turpitude. Car le nombre de fanico et autres badauds désœuvrés qui se sont fait écraser s’aventurant sur cette voie express devrait interpeller les concernés. Mais hélas, les mauvaises habitudes ont la peau dure. « C’est plus rapide de traverser. Il suffit de faire attention et d’attendre le bon moment quand les voitures sont loin », nous explique Mamadou, un jeune « fanico » que nous avons surpris à ce jeu périlleux. Ces lavandiers qui habitent le quartier « Boribana » préfèrent se glisser sous l’échangeur pour traverser la voie, plutôt que de faire un détour, trop long à leurs yeux. Nous essayons de sensibiliser Mamadou sur le risque qu’il prend. Peine perdue ! Car ce « fanico » tenace qu’il est, préfère mettre les risques dont nous lui parlons sur le compte du destin. A Adjamé, les populations ne craignent pas de s’engager sur la voie express qui sépare Williamsville de la façade qui part du quartier bracodi jusqu’à l’échangeur d’Agban. Si la traversée piétonne se fait, de façon anarchique sur ladite voie, c’est surtout en face de la station Shell que l’affluence des piétons téméraires est nette. A cet endroit, les populations traversent quotidiennement la grande voie en courant. Si bien que le nombre de personnes accidentées ou tuées est proportionnel au flux d’usagers qui prennent ce risque.
Et pourtant, au juste milieu de ce tronçon, une passerelle relie les deux façades de la voie. Pourtant l’on aurait pu éviter, beaucoup d’accidents, si les piétons n’étaient pas si pressés. Même sous l’échangeur d’Agban, on trouve des gens qui préfèrent traverser directement car, ils n’ont pas le temps de passer sur l’échangeur. A les écouter, les quelques mètres à parcourir à pied prendront une éternité. L’issue de cette impatience est souvent fatale car les « raccourcis » empruntés peuvent conduire à une mort accidentelle. Et le sort de plus d’un traverseur téméraire s’est avéré tragique.

Le dépit de l’Oser

Au Plateau, il y a aussi ce point de traversée périlleuse entre la cathédrale Saint-Paul et le café de Rome, situé sur la façade lagunaire. Et vice-versa. Là, les véhicules vont si vite qu’une traversée peut prendre plus de 15 minutes quand le flux de voitures est suivi et important. Beaucoup de personnes qui arrivent d’autres quartiers, par les wôrô-wôrô ou par le bus, choisissent de descendre, au café de Rome pour rallier le cœur du Plateau à pied. Plutôt que de passer par des lignes de transport qui les mènent directement au centre des affaires. Certains vont jusqu’à dire que« c’est plus simple » de risquer sa vie ! Sur l’autre versant du Plateau en passant par la grande voie de la Caréna, le scénario est le même.
Des piétons qui s’entêtent à choisir des endroits où il n’y a pas de passage qui leur est réservé. Une mauvaise habitude qui est, hélas, bien répandue à Abidjan, jusque sur les grands boulevards où les piétons ont la chance d’avoir des feux tricolores aux carrefours et des passages piétons, à certains endroits bien indiqués. Des personnes, le long des boulevards Giscard d’Estaing, le boulevard de la mort, n’ont pas le temps d’aller traverser la voie aux feux tricolores. Face à ces attitudes irresponsables, le dépit de l’office national de la Sécurité routière (Oser) est grand. « Nous n’avons pas de statistiques disponibles sur le cas précis des piétons fauchés lors des traversées des voies express mais nous pensons que le nombre est en hausse. C’est presque tous les jours qu’un drame survient. Nous sensibilisons mais le comportement est individuel », explique un agent de l’Oser. Une chose est sûre, tant que les piétons chercheront, contre tout bon sens, à « gagner du temps » sur les voies express, c’est plutôt vers la mort qu’ils se tournent, plutôt que de rester en vie.
Alexandre Lebel Ilboudo

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