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Société Publié le mardi 20 avril 2010 | Nord-Sud

Petits métiers, école,… - Orphelins du Sida : la réinsertion est possible

Le rapport 2006 de l’Onusida estime à plus de 750.000 le nombre de personnes vivant avec le Vih/Sida. A celui-là, viennent s’ajouter 450.000 orphelins et enfants rendus vulnérables du fait de l’épidémie (Oev). Les plus chanceux de ces enfants, âgés de 0 à 17 ans, bénéficient de projets de réinsertion pilotés par des Ong. Nord-Sud quotidien est allé à leur rencontre. Reportage !

«Envoie-moi la clé 12 ! ». L’ordre s’adresse à Moïse Kipré. Depuis deux ans, il est apprenti-mécanicien dans un garage de Yopougon. Ce jeune homme a dix-huit ans. Orphelin du Vih/sida depuis l’âge de 10 ans, il a été recueilli par son oncle à Yopougon Bel air. C’est grâce à l’Ong Le Soutien qu’il a pu obtenir ce petit emploi qui lui donne tant d’espoirs. Moïse a bénéficié, avec 13 autres jeunes, d’un projet de réinsertion en 2006. « Un jour, en visite à la maison, tata Philo (une éducatrice du centre) m’a informé qu’il y avait un projet et que j’étais concerné», raconte le jeune homme. « On m’a demandé ce que je voulais apprendre comme métier. J’ai dit que je voulais être mécanicien. On m’a acheté une tenue de travail et j’ai alors commencé la formation», précise-t-il. Sanogo Amidou a également bénéficié de l’aide de la même Ong. Il a aujourd’hui 19 ans et est couturier à Yopougon Wassakara. « J’ai suivi une formation pendant 6 mois. A la fin, j’ai reçu ma machine », explique-t-il. Ce jeune homme a arrêté les cours en classe de CM2, à la mort de sa mère et vit avec son parrain. Aujourd’hui, il gagne bien sa vie. « Je contribue aux charges de la maison. Je m’occupe précisément de la facture d’électricité », se réjouit-il. Outre ces deux exemples, douze autres jeunes présentés par Le Soutien ont été pris en charge par le projet dénommé ‘’Projet d’insertion orphelins et enfants vulnérables du Bureau international catholique de l’enfance’’, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (Unicef). Philomène Anoma, coordonnatrice de ce projet au sein de l’Ong, indique que trois filles ont été formées au métier de tisseuse de pagne, 7 ont intégré les Instituts de formation et d’éducation féminine (Ifef) pour apprendre la pâtisserie, la couture, la coiffure et autres. Deux autres jeunes se sont formés aux métiers de la mécanique et de la menuiserie. Toutefois, la plupart des jeunes filles ont préféré s’installer à l’intérieur du pays, compte tenu des difficultés d’installation et de la cherté de vie dans la capitale économique. Selon Philomène note qu’à la fin de la formation, chaque apprenant a eu droit à son matériel de travail.

Quand les enfants abandonnent …

C’est ainsi que les mécaniciens ont reçu un kit composé d’un trousseau de clés et autres. Celui des couturiers était composé d’une machine à coudre, d’un fer à repasser et autres. Les tisseuses, elles, ont eu des machines à tisser. Le Soutien travaille aussi pour l’insertion des Oev dans le Grand-Ouest, précisément à Danané où la guerre a fait de nombreux orphelins. Selon son directeur exécutif, Stanislas Bossou, l’association suit à ce jour plus de 2.000 enfants qui attendent leur insertion.
Chigata signifie en langue senoufo « tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir ». C’est aussi la dénomination d’une autre Ong qui intervient dans la prise en charge des Oev. Elle est également située dans la commune de Yopougon, au quartier Millionnaire, non loin du groupe scolaire St Louis. Les enfants de l’Ong Chigata bénéficient aussi de projets de réinsertion. C’est ainsi qu’une dizaine d’enfants ont pu apprendre un métier. D’après Agnès d’Aquin, directrice exécutive chargée des projets de Chigata, « ce sont une dizaine d’enfants qui ont été insérés dans le tissu socio-économique. La couture, la coiffure, la mécanique, la menuiserie, la pâtisserie et autres sont les domaines dans lesquels ces enfants dont l’âge varie de 10 à 17 ans ont été admis ». Son Ong regroupe plus de 1.000 enfants au niveau d’Abidjan. Elle intervient également dans les villes de Daoukro et de Dimbokro. Mais, le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Certains enfants ne vont pas au bout du programme.
Plusieurs raisons sont à la base de ces défections. Fatim Fofana, orpheline du Vih/Sida est âgée de 15 ans. Souffrant de la maladie, ell a été contrainte d’abandonner la couture où elle avait été insérée depuis 2006. « Je n’arrivais plus à travailler. Le mal me rongeait tellement que le médecin qui me suit m’a demandé d’arrêter de travailler », confie-t-elle la gorge nouée. Elle est désormais à la charge de ses parents adoptifs, un couple ami à ses parents. Ce qui est étonnant, c’est que malgré son état, Fatim espère retourner dans l’atelier de couture qui l’avait accueillie. Elle annonce que, dès qu’elle se portera mieux, elle reprendra le travail. Cette détermination, Jean-François ne l’a malheureusement pas. Il n’a pas su tirer profit de la perche que lui ont tendue les responsables de l’Ong Le Soutien. Il a quitté la mécanique après sa formation. Il se plaint des insuffisances de la formation. « En 6 mois, on ne peut pas finir d’apprendre. Il y a certaines techniques qui sont difficiles à maîtriser », justifie-t-il. Sa nouvelle trouvaille, une cabine cellulaire. Avec ce métier, sa vie commence à changer. Il peut s’acheter quelques vêtements et participer aux charges de la maison. Cette situation d’abandon résulte de la courte durée et de l’absence de financements de projets de prise en charge effective. Stanislas Bossou et Agnès d’Aquin, tous deux, responsables d’Ong en parlent.

Le choix des enfants bénéficiaires

La chargée de projets à Chigata explique que, compte tenu des difficultés financières, ce sont les plus vulnérables qui bénéficient de la réinsertion. « Il y a des familles où les enfants n’ont pas à manger. Ils sont chez leurs grands-parents. Ces derniers ont du mal à les nourrir. Pour ne pas qu’ils se livrent à certaines pratiques dangereuses comme la pédophilie, nous leur accordons la priorité », confie-t-elle. Stanislas Bossou ne dit pas le con?traire : « Parmi les pauvres, il y a les plus pauvres. Les projets et les subventions sont rares. Quand nous en avons, nous privilégions certains même si notre volonté est de pouvoir les insérer tous ».
Outre les enfants qui apprennent les petits métiers, il y a ceux qui ont pu reprendre le chemin de l’école. Malika, 6 ans, fait partie de ce groupe. Elle vit avec sa tante, la grande sœur de sa mère, décédée il y a deux ans. « Après la mort de sa mère, son père tellement abattu n’a pas survécu. J’ai accueilli la petite chez moi, bien que je n’aie pas d’emploi. Personne ne voulait d’elle, vu qu’elle était séropositive », explique la tante de Malika. Avec l’aide de son concubin, elle s’est rendue dans un centre de prise en charge de Yopougon. C’est dans ce centre qu’elle a entendu parler de l’Ong Le Soutien. Elle s’y est rendue. « Depuis ce jour, nous sommes devenues membres de cette Ong », révèle-t-elle. Elle note également que cette organisation leur vient en aide en ce qui concerne la scolarité de la fillette. « M. Bossou a voulu qu’elle aille à l’école compte tenu du fait qu’elle avait l’âge requis », confie-t-elle. La tante de Malika a également reçu de l’argent de la part des responsables de cette Ong pour faire du commerce. Elle vend du charbon et peux s’occuper convenablement de sa nièce. Stanislas Bossou, directeur exécutif de l’Ong Le Soutien, indique que cette manière de procéder est une aide que sa structure accorde aux familles d’accueil des Oev. « Face aux nombreux problèmes des familles, nous demandons aux mères d’identifier une activité génératrice de revenus. Ensuite, nous finançons cette activité pour les aider à subvenir à certains besoins », signifie-t-il. Il ajoute qu’à côté de cette aide, les monitrices distribuent chaque fin de mois des vivres aux familles d’accueil qui n’ont pas encore reçu de l’argent pour exercer une activité génératrice de revenus. Ce sont essentiellement des sacs de riz, de l’huile et du savon. « Nous savons que c’est insuffisant, mais la plus belle femme ne donne que ce qu’elle a », note le patron de l’Ong le Soutien.

Dur, dur de prendreen charge des Oev

Ce qui rend la tâche plus difficile, c’est la prise en charge des familles d’accueil des Oev. A ce niveau, Agnès d’Aquin intervient : « Les familles d’accueil des enfants ne nous aident pas. Pour elles, c’est l’Ong qui doit tout faire, même chez elles à la maison. Et, la demande est trop forte». A l’entendre, des milliers d’orphelins attendent d’être pris en charge.
Les fonds et les projets d’insertion d’Oev mis à la disposition des Ong sont rarissimes. A telle enseigne que certaines créent des activités lucratives pour s’autofinancer. Le directeur exécutif du Soutien affirme que ses animatrices font des collectes dans la rue. « Tous les samedis, vertus de T-shirts à l’effigie de notre structure, elles demandent de l’argent aux passants dans les rues les plus fréquentées de Yopougon». Le Soutien excelle dans la vente de savon liquide et la confection de T-shirts. Le directeur exécutif rapporte que, malgré toutes ces activités génératrices de fonds, le manque d’argent demeure. En témoigne l’interruption de l’électricité au siège de cette Ong pour facture impayée. Présentement, l’organisation est confrontée à un problème, plus sérieux. L’un de ses petits est malade. Le directeur exécutif affirme qu’il souffre d’une hernie ombilicale. « Les médecins nous demandent 300.000 Fcfa pour sa prise en charge (les analyses et l’opération). Nous n’avons pas encore réuni toute la totalité de l’argent demandé», explique-t-il, sans perdre espoir. « Une âme généreuse nous a donné 100.000 Fcfa. Nous sommes à la recherche de 200.000 en ce moment », ajoute-t-il. Stanislas ne reçoit plus d’aides depuis 2008. L’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) qui lui offrait des kits scolaires ne donne plus signe de vie. Du coup, il doit faire face aux charges scolaires des Oev qui sont intégrés dans le tissu scolaire.

Aujourd’hui, loger, nourrir, éduquer et procurer de l’affection à ces milliers d’enfants est rendu difficile par la pauvreté extrême qui sévit en Côte d’Ivoire. Les dons se font rares. La solidarité ne joue plus. Pourtant, Sanogo Amidou rêve de devenir un grand styliste. Comme lui, des milliers d’orphelins du Vih/sida espèrent retrouver une vie presque normale grâce aux initiatives des associations de bénévoles comme Le Soutien et Chigata.

Adélaïde Konin
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